Chapitre 2: Paul

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Je m'appelle Paul. J'ai douze ans et je suis en sixième. Depuis toujours, j'ai l'impression que tout le monde m'aime et me trouve formidable. Mes parents, mes professeurs, mes camarades de classe... tout le monde sauf ma grande sœur, Zéphyr. Elle me regarde souvent avec des yeux tristes, remplis de ressentiment. Je ne comprends pas pourquoi. Elle dit que je suis le préféré, le petit prince, celui qui réussit tout. Mais pour moi, Zéphyr est ma grande sœur, celle que j'admire et que j'aime, même si elle semble parfois me détester.

Tout a commencé à changer quand notre mère est partie. Elle a pris ses affaires un jour de pluie et n'a laissé qu'une lettre. Papa l'a brûlée dans la cheminée sans dire un mot. Depuis ce jour, il rentre tard, très tard, et reste enfermé dans son bureau et on le voit rarement.

 Depuis ce jour, il rentre tard, très tard, et reste enfermé dans son bureau et on le voit rarement

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Malgré ça, sa différence de traitement entre Zéphyr et moi est frappante. Depuis le départ de maman, notre relation s'est dégradée. Papa rentre tard du travail, épuisé, et il se réfugie dans son bureau. Il ne prend plus le temps de nous parler, de nous montrer de l'affection. Pourtant, moi, il me félicite encore pour mes résultats scolaires, m'encourage dans mes activités sportives, me laisse choisir ce que je veux manger. Il semble fier de moi, comme si j'étais le fils idéal.

En revanche, Zéphyr reçoit un traitement bien différent. Papa ne lui accorde plus la même attention. Il est distant, presque froid avec elle. Je l'ai entendue parler à une amie au téléphone, elle disait que notre père ne l'aimait plus, qu'il préférait passer tout son temps devant son ordinateur ou avec moi. Au début, je pensais qu'elle exagérait, mais plus j'observais Papa, plus je me rendais compte qu'elle avait raison.

Le soir, lorsque Papa rentre à la maison, il se contente de lui jeter un rapide "bonsoir" avant de se retirer dans son bureau. Il ne lui demande pas comment s'est passée sa journée, il ne cherche pas à savoir si elle va bien. Il se comporte comme si elle n'existait pas. Zéphyr, de son côté, essaie de garder le sourire, mais je sais que ça lui fait mal, très mal.

Zéphyr et moi, nous nous retrouvons souvent seuls à la maison. Avant, c'était différent. Maman nous racontait des histoires avant de dormir, elle riait, elle chantait. Mais maintenant, la maison est silencieuse. Zéphyr passe beaucoup de temps enfermée dans sa chambre. Elle a mis un panneau "ne pas déranger" sur sa porte. Parfois, je m'assois devant sa porte, espérant qu'elle vienne me parler, qu'elle m'ouvre. Mais elle ne le fait jamais.

Zéphyr n'a jamais vraiment trouvé sa place à l'école. Elle était différente des autres enfants, plus réservée, plus sensible. Au début, elle avait des amis, mais petit à petit, ils se sont éloignés d'elle, attirés par d'autres cercles sociaux. Quand sa meilleure amie Mélanie n'était pas là, elle se retrouvait souvent seule à la récréation, assise sur un banc, perdue dans ses pensées. Je voyais bien qu'elle souffrait, mais je ne savais pas comment l'aider. Je pense que c'est toujours le cas aujourd'hui.

Les choses ont empiré quand les railleries et les moqueries se sont aggravées. Certains élèves de sa classe se sont mis à la harceler, à lui faire des remarques désagréables sur son apparence, sur son comportement. Je l'ai appris en écoutant à sa porte, alors qu'elle était au téléphone avec une amie. Zéphyr ne disait rien, mais je pouvais voir la douleur dans son regard, dans la façon dont elle se repliait sur elle-même.

Un jour, j'ai surpris Zéphyr en train de pleurer dans sa chambre. Elle avait des marques de coups sur le visage et des bleus qui avaient du mal à disparaître. Elle a essayé de les cacher, de faire comme si de rien n'était, mais je savais que quelque chose n'allait pas. Je lui ai demandé ce qui s'était passé, mais elle m'a juste dit que c'était rien, que ce n'était pas important. Mais je savais que c'était faux.

Papa ne voyait rien, ou peut-être qu'il ne voulait rien voir

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Papa ne voyait rien, ou peut-être qu'il ne voulait rien voir. Il était toujours plongé dans son travail, enfermé dans son bureau à faire des "actions en bourse", comme il disait. Il ne prenait même pas le temps de regarder Zéphyr, de lui parler, de lui montrer qu'il était là pour elle. Je voyais bien qu'elle en souffrait, qu'elle se sentait abandonnée, mais je ne savais pas quoi faire.

Un jour, je suis rentré plus tôt de l'école car une de mes professeures était absente. Il pleuvait encore. Je déteste la pluie. Elle me rappelle le jour où maman est partie. En entrant, j'ai remarqué que la maison était silencieuse, trop silencieuse, même pour un après-midi. J'ai appelé Zéphyr, mais elle n'a pas répondu. J'ai monté les escaliers en courant, le cœur battant de plus en plus fort. Quelque chose n'allait pas.

La porte de sa chambre était fermée. Le panneau "ne pas déranger" était en place. J'ai frappé doucement, puis plus fort. Toujours pas de réponse. Une peur sourde s'est emparée de moi. J'ai tourné la poignée. La porte n'était pas verrouillée. En entrant, j'ai vu Zéphyr. Elle était pendue à une corde, son corps se balançant légèrement.

Je me suis figé, incapable de bouger ou de parler. Mon cerveau refusait d'accepter ce que je voyais. La douleur, la peur, le désespoir... tout s'est mêlé dans un tourbillon de confusion et de panique. J'ai couru vers elle, mes cris étouffés par l'horreur de la scène devant moi.

"Zéphyr ! Non !" J'ai crié, mais ma voix était étouffée, faible. J'ai couru vers elle, attrapé une chaise et suis monté dessus pour atteindre le nœud. Mes mains tremblaient tellement que j'avais du mal à défaire la corde. Mais je ne pouvais pas abandonner. Zéphyr avait besoin de moi.

Mais il était trop tard. Mon effort n'avait pas suffi. Zéphyr était là, devant moi, ses yeux clos, sa peau pâle et froide. Le monde entier s'est effondré autour de moi.Mes mains tremblaient.

Mes jambes ne me portaient plus.

Tout était flou, comme si le monde avait perdu ses couleurs et son sens.

J'ai appelé une ambulance, les larmes coulant sur mon visage. Les minutes qui ont suivi étaient floues, une succession d'images et de sons étouffés. Les ambulanciers, la police, les voisins curieux... tout se mêlait dans une cacophonie insupportable.

Papa est arrivé en courant, son visage déformé par la douleur et la peur. Il m'a pris dans ses bras, me serrant si fort que j'avais du mal à respirer. Mais rien ne pouvait combler le vide laissé par Zéphyr.

Si j'étais arrivé plus tôt, est-ce-que j'aurais pu la sauver ?

Si j'avais fais plus attention, est-ce qu'elle serait toujours  là ?

Elle avait besoin de moi et je n'ai pas pu être la pour elle.

Tout est de ma faute.

Les conséquencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant