Chapitre 11: Une fin heureuse ?

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Pour ce qui aime les fins heureuses j'ai essayé d'écrire une histoire ou Zéphyr ne meurt pas et est sauvé par son frère. Je ne sais pas si on peut appeler ça une fin heureuse. Je vous laisse à votre histoire...

Pourtant, la douleur, intense et brûlante, ne s'est pas atténuée. Au contraire, elle a augmenté, chaque seconde passant semblait durer une éternité. Mon souffle est devenu de plus en plus laborieux, chaque inspiration me lacérant la gorge. Les souvenirs de ma vie me traversaient l'esprit, flous et déformés par la souffrance.

Je me suis souvenu de ma mère, avant qu'elle ne parte. Je me souvenais de ses cheveux noirs et brillants, de son sourire éclatant quand elle nous racontait des histoires avant de dormir. Paul et moi, blottis contre elle, écoutions avec émerveillement ses récits d'aventures et de mondes lointains. C'était avant qu'elle ne se mette à boire, avant que ses yeux ne deviennent vitreux et que son sourire ne disparaisse.

Je me souviens de la première fois que mon père m'a ignorée. J'avais cinq ans et j'avais dessiné une maison avec toute notre famille. Je l'avais montré fièrement à mon père, espérant une accolade, un mot de félicitation. Mais il n'a même pas levé les yeux de son journal. "Plus tard, Zéphyr", avait-il marmonné. Mais ce "plus tard" n'est jamais venu.

La sensation d'étouffement devenait insupportable. Je sentais ma conscience vaciller. Mais alors que tout semblait se fondre dans le noir, la porte de ma chambre s'est ouverte brutalement. Paul, mon frère, se tenait là, ses yeux écarquillés par l'horreur.

"Zéphyr ! Non !" Sa voix, d'habitude si douce, était déformée par la panique. Il s'est précipité vers moi, attrapant une chaise et montant dessus pour atteindre la corde. Ses petits doigts tremblants ont lutté pour défaire le nœud, et finalement, avec un dernier effort désespéré, la corde s'est desserrée et je suis tombée sur le sol, haletante, les larmes coulant sur mes joues.

Paul s'est agenouillé à mes côtés, ses yeux brillants de larmes. "Pourquoi, Zéphyr ? Pourquoi tu as fait ça ?"

Je n'ai pas pu répondre. Les sanglots étouffaient mes mots. Mais dans ses yeux, j'ai vu quelque chose que je n'avais jamais remarqué auparavant : de la peur, de l'amour, et surtout, un besoin désespéré de comprendre.

Les jours qui ont suivi ont été flous. Mon père, informé de ce qui s'était passé, a pris congé pour la première fois depuis des années. Il était assis à la table de la cuisine, son visage marqué par une fatigue profonde, une culpabilité visible dans ses yeux. Mélanie est restée avec moi aussi, refusant de me laisser seule même un instant. Elle me parlait doucement, essayant de me faire rire, me rappelant des souvenirs heureux que nous avions partagés.

Mais au fond de moi, une partie de moi restait brisée. La tentative de suicide avait laissé des marques invisibles, des cicatrices qui ne se guériraient pas facilement. Chaque nuit, je me réveillais en sursaut, revivant cette sensation de suffocation, de désespoir.

Mon père a insisté pour que je voie un psychologue. Au début, je refusais catégoriquement. Parler de mes sentiments à un étranger me semblait impossible. Mais sous l'insistance de Mélanie et de Paul, j'ai fini par accepter. Dr. Léonard était un homme d'âge moyen, aux cheveux grisonnants et aux yeux bienveillants. Son bureau était rempli de livres et de plantes, un espace étrangement apaisant.

Les premières séances ont été difficiles. Je restais silencieuse, les bras croisés, refusant de regarder Dr. Léonard dans les yeux. Mais petit à petit, à travers ses questions patientes et son écoute attentive, j'ai commencé à m'ouvrir. Parler de ma mère, de son absence, de l'indifférence de mon père, de la cruauté des élèves à l'école, c'était comme déverser un poison accumulé depuis des années.

Un jour, après une séance particulièrement émotive, Dr. Léonard m'a regardée avec une gentillesse infinie. "Zéphyr, tu n'es pas seule. Les gens autour de toi, ceux qui t'aiment, veulent t'aider. Mais tu dois aussi apprendre à t'aider toi-même."

Ces mots ont résonné en moi. Pour la première fois, j'ai commencé à envisager la possibilité d'un futur, d'une vie où je pourrais être heureuse. Ce n'était pas facile, et il y avait des jours où le désespoir revenait en force. Mais avec le soutien de Mélanie, de Paul, et même de mon père qui essayait, maladroitement mais sincèrement, de se rapprocher de moi, j'ai commencé à voir une lueur d'espoir.

À l'école, les choses n'ont pas changé du jour au lendemain. Les brimades continuaient, mais avec le temps, j'ai appris à les ignorer, à me concentrer sur mes études et sur les amis véritables comme Mélanie. Un jour, alors que je m'asseyais seule pendant la pause déjeuner, une nouvelle élève, Sophie, est venue s'asseoir à côté de moi. Elle était timide, mais gentille, et bientôt, nous sommes devenues amies. Avec Mélanie et Sophie, j'ai commencé à me sentir moins isolée.

Paul, mon petit frère, était devenu mon plus grand soutien. Il passait des heures à dessiner avec moi, à me parler de ses rêves et de ses espoirs. Sa présence était une source de réconfort inestimable.

Mon père, bien que toujours distant, faisait des efforts pour passer plus de temps avec nous. Il a commencé à nous préparer des repas, même si la plupart étaient des tentatives maladroites de cuisiner.

Un jour, alors que nous étions tous les trois assis autour de la table, mon père a posé sa fourchette et nous a regardés avec une intensité inhabituelle. "Je suis désolé," a-t-il dit doucement. "Pour tout. Pour ne pas avoir été là quand vous aviez besoin de moi. Pour avoir mis mon travail avant vous. Je vais essayer de faire mieux. Pour moi. Pour Paul. Pour nous."

Ces mots ont été un baume sur une blessure profonde. Ce n'était pas une solution magique, mais c'était un début. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai ressenti une lueur d'espoir, un signe que peut-être, nous pourrions guérir ensemble.

Mais la route vers la guérison n'était pas facile. Mes souvenirs  étaient omniprésents, une ombre constante sur notre vie quotidienne. Chaque coin de la maison, chaque moment de silence, ramenait des souvenirs douloureux de ce que nous avions perdu. Mais nous avons appris à parler de Zéphyr, à partager nos souvenirs et notre chagrin, au lieu de les enfouir.

Mélanie, de son côté, luttait également. Sa douleur et sa culpabilité étaient palpables, et malgré son sourire, je savais qu'elle souffrait. Elle a continué à voir son propre thérapeute, essayant de trouver un moyen de faire face à ma tentative de suicide. Ses visites régulières chez moi étaient un réconfort mutuel, un rappel que nous n'étions pas seuls dans notre douleur.

L'été suivant, nous avons décidé de planter un jardin en mémoire de ce que j'avais vécu. C'était une idée de Paul, qui pensait que ce serait un beau moyen de se souvenir de cette épreuve.  Nous avons passé des heures à choisir les plantes, à préparer le sol, et finalement, à planter chaque fleur avec soin. C'était une activité cathartique, un moyen de canaliser notre douleur en quelque chose de beau et de vivant.

Chaque jour, nous avons pris soin de ce jardin, regardant les fleurs grandir et fleurir. C'était une métaphore silencieuse de notre propre chemin vers la guérison. Chaque pétale, chaque bourgeon était un rappel que la vie, malgré sa fragilité, pouvait encore être belle.

En réfléchissant à notre parcours, j'ai compris que la douleur ne disparaîtrait jamais complètement. Elle faisait partie de nous maintenant, une cicatrice invisible mais permanente. Mais nous avions appris à vivre avec elle, à trouver des moyens de nous soutenir mutuellement et de chercher des moments de joie au milieu du chagrin.

Ma tentative avait laissé une marque indélébile sur nos vies. Mais elle nous avait aussi rapprochés, nous forçant à affronter nos démons et à trouver la force de continuer. Pour moi. Pour nous-mêmes. Pour l'avenir.


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