Chapitre 4: Le père

7 2 0
                                    

Je suis le père de Zéphyr et de Paul. Depuis la disparition de ma femme, notre famille n'a jamais été la même. Elle est partie un jour de pluie, sans prévenir, laissant derrière elle une seule lettre pour moi, qui disait:

Mon amour, ou du moins ce qu'il en reste,

Je sais que ma décision de partir te semblera soudaine et inexplicable, mais sache que cela n'a pas été une décision facile. J'ai longuement réfléchi avant d'en arriver là. La vie que nous menons n'est plus celle dont nous rêvions, et je ne peux plus continuer ainsi. Même si ce n'est que pour les enfants.

Depuis des années, je me sens de plus en plus seule et incomprise. Nos disputes incessantes et ton absence émotionnelle ont fini par me briser. J'ai essayé de te parler, de te faire comprendre mon mal-être, mais tu étais toujours trop occupé, trop distant. Nous avons perdu notre complicité, notre amour s'est éteint petit à petit, et je ne peux plus faire semblant.

Je pars pour trouver la paix, pour essayer de me reconstruire loin de cette maison qui est devenue une prison pour moi. J'espère que tu comprendras un jour, même si je sais que cela te paraît impossible maintenant.

Notre séparation ne concerne pas seulement toi et moi. Il y a aussi Zéphyr et Paul. Je suis désolée de les laisser, mais je crois qu'il est important que tu saches pourquoi j'ai fait ce choix. Zéphyr a toujours été une enfant sensible et douce. Elle a besoin de plus d'attention, de plus d'amour. Elle souffre en silence et j'ai peur pour elle. Tu dois l'écouter, la comprendre. Elle a besoin de toi plus que jamais.

Paul est notre petit prince, je le sais. Mais ne fais pas l'erreur de lui accorder toute ton attention au détriment de Zéphyr. Ils ont tous les deux besoin de toi, de manière différente. Tu dois trouver un équilibre pour ne pas briser davantage notre famille.

Je te demande pardon pour la douleur que je vais causer. Je ne pars pas par égoïsme, mais par nécessité. J'espère qu'avec le temps, tu pourras pardonner mon départ et comprendre mes raisons.

Prends soin de nos enfants. Aime-les de tout ton cœur. C'est tout ce que je te demande.

Adieu,

Ton ex-femme.


" Brisé davantage notre famille " !!! 

La bonne blague !

Notre famille ne peux pas aller plus mal sans elle, sans la personne que j'aime.

Cette lettre, je l'ai brûlée dans la cheminée. Depuis ce jour, je rentre tard du travail, épuisé, et je me réfugie dans mon bureau,je ne veux pas rentrer chez moi, dans mon foyer brisé.

J'aime mon fils Paul. Il est brillant, sportif, et semble réussir tout ce qu'il entreprend. Je suis fier de lui, et je le lui montre autant que je le peux. Je l'encourage dans ses études, je l'accompagne à ses matchs, et je le félicite pour ses réussites. Paul est ma bouée de sauvetage dans cet océan de douleur et de confusion. Mais ma relation avec Zéphyr est bien différente depuis que ma femme est partie. Elle reste silencieuse, s'enferme dans sa chambre et j'évite toutes sortes de conversations. Je n'ai jamais vraiment compris son monde, et je n'ai pas fait beaucoup d'efforts pour le comprendre non plus.

Zéphyr ressemble tellement à sa mère. Chaque fois que je la regarde, je revois le visage de celle qui m'a abandonné, et la douleur resurgit. Je sais que ce n'est pas juste, mais je ne peux m'empêcher de lui en vouloir. J'ai été distant, presque froid avec elle. Quand je rentre à la maison, je lui jette un rapide "bonsoir" avant de me retirer dans mon bureau. Je ne lui demande pas comment s'est passée sa journée, je ne cherche pas à savoir si elle va bien. En vérité, je me comporte comme si elle n'existait pas.

Ce jour-là, comme beaucoup d'autres, a commencé très tôt. Je me suis levé avant l'aube, la tête pleine de chiffres et de stratégies financières. Je suis arrivé au bureau bien avant mes collègues, m'installant dans mon espace de travail encombré de dossiers et d'écrans d'ordinateur. Les marchés boursiers étaient en effervescence, et chaque minute comptait. Mon esprit était complètement absorbé par les fluctuations des actions, les mouvements des indices et les opportunités d'investissement.

Les heures passaient sans que je m'en rende compte. Les réunions s'enchaînaient, les discussions devenaient de plus en plus intenses. J'avais à peine le temps de manger, me contentant d'un rapide sandwich avalé entre deux appels. Je savais que Paul et Zéphyr étaient à la maison, mais mon esprit était trop pris par le travail pour m'inquiéter de ce qui se passait là-bas.

Aux alentours de 16 heures, je recevais un appel important d'un client potentiel, un investisseur majeur qui pouvait apporter une grande opportunité à notre entreprise. La conversation était tendue, chaque mot pesait lourd. J'étais en plein milieu de négociations délicates lorsque mon téléphone personnel a sonné. C'était un numéro inconnu. J'ai ignoré l'appel, pensant que cela pouvait attendre.

Quelques minutes plus tard, mon téléphone a sonné de nouveau, et cette fois, j'ai ressenti une étrange sensation de malaise. J'ai demandé à mon client de m'excuser un instant et j'ai décroché. La voix au bout du fil était celle d'un ambulancier. Ses mots étaient clairs, mais semblaient irréels : "Monsieur Jean, nous avons trouvé votre fille Zéphyr dans un état critique. Elle a tenté de se suicider."

Le sol s'est dérobé sous mes pieds. 

Mon esprit, si concentré sur le travail, s'est immédiatement effondré.

 J'ai raccroché sans dire un mot et j'ai quitté le bureau en courant, mes collègues regardant avec étonnement mon départ précipité. 

Je suis monté dans ma voiture, les mains tremblantes, le cœur battant à tout rompre. 

Le trajet vers la maison m'a semblé interminable, chaque seconde une torture.

En arrivant, j'ai vu les voitures de police et l'ambulance garées devant notre maison. Les voisins étaient rassemblés, leurs visages marqués par la curiosité et l'inquiétude. J'ai couru vers la porte d'entrée, poussant les gens sur mon passage. À l'intérieur, l'air était lourd de tension. Les ambulanciers étaient là, s'affairant autour de Zéphyr, étendue sur une civière.

Paul était assis dans un coin, les larmes coulant sur son visage. Je me suis précipité vers lui, le prenant dans mes bras, essayant de lui donner un peu de réconfort malgré ma propre détresse. "Papa, c'est de ma faute", murmurait-il entre deux sanglots. "Je n'ai pas pu la sauver."

Les minutes qui ont suivi étaient floues, une succession d'images et de sons étouffés. Zéphyr était emmenée à l'hôpital, les ambulanciers faisant de leur mieux pour la maintenir en vie. Je me sentais impuissant, brisé par la culpabilité et la douleur.

 Comment avais-je pu être si aveugle ? 

Comment n'avais-je pas vu la souffrance de ma propre fille ?

Si j'avais été là pour elle, si j'avais pris le temps de l'écouter, de la comprendre, peut-être que tout cela aurait pu être évité. Mais il était trop tard. Ma négligence, mon indifférence, avaient coûté la vie de ma fille. Et cette réalité était insupportable.

Chaque jour, je me demande ce que j'aurais pu faire différemment, comment j'aurais pu être un meilleur père pour Zéphyr. Mais les regrets ne changent rien. Le vide laissé par sa perte est immense, et rien ne pourra jamais le combler.

J'aurai du la féliciter comme Paul.

J'aurai du être plus présent.

Je ne me suis même pas rendu compte qu'elle voulait mettre fin à ses jours.

Tout est de ma faute

Les conséquencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant