53 - Face à son destin

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Le groupe de marcheurs contourna la falaise et les nombreuses petites entrées réparties à sa surface. Sur les flancs rocheux, un spectacle encore plus impressionnant cueillit la capitaine autoproclamée du Stockholm. Une entrée gigantesque avait été taillée dans la pierre, enrichie de sculptures ornementales et flanquée de larges colonnes. Seul le temple de Petra, sur Terre, pouvait rivaliser avec l'ouvrage.

Ellie s'immobilisa un instant afin d'admirer ce travail majestueux, estomaquée par les efforts fournis par les colons alors qu'ils luttaient tous les jours pour leur survie sur cette planète si peu hospitalière. Elle aurait aimé que Seth voit ça lui aussi, si elle n'avait pas été contrainte de l'aveugler pour le protéger. Jonas éprouvait quant à lui beaucoup de fierté à voir la mâchoire de son invitée se décrocher d'admiration.

Lorsque les yeux d'Ellie furent rassasiés du spectacle, elle reprit son avancée en direction de l'entrée, toujours accompagnée de son guide local, de son indissociable prisonnier, de deux gardes à l'avant et deux autres gardes à l'arrière.

Ils pénétrèrent à l'intérieur de la falaise et longèrent un interminable couloir aux parois peintes de couleurs vives. Les fresques avaient des airs d'épopée antique. On y discernait des figures humaines combattant contre ou aux côtés de créatures mythologiques : une hydre à cinq têtes prise dans les flots d'un raz-de-marée, un griffon cracheur de feu survolant plusieurs volcans en éruption, un centaure chevauchant au milieu d'une armée d'archers et bien d'autres scènes épiques encore. Toutes ces illustrations avaient quelque chose de familier, pourtant nulle trace de l'Odyssée d'Ulysse ou autre légende classique. Ellie ne reconnaissait aucun des mythes relatés ici.

— Toutes ces histoires... commença-t-elle en tendant une main pour caresser la paroi, songeuse.

— Mathéus répondra de bon cœur à vos questions si le sujet vous intéresse, intervint Jonas en l'empêchant de toucher aux peintures et en l'encourageant à avancer vers le fond du tunnel.

Au bout du passage, loin dans les entrailles de la roche, une porte double richement décorée les attendait. Les deux premiers gardes ouvrirent la voie et se postèrent le long des murs pour laisser passer l'invitée et l'étrange silhouette dissimulée qu'elle traînait derrière elle.

Elle fit ses premiers pas dans une vaste grotte naturelle haute de six bons mètres et large du double. D'innombrables bougies illuminaient l'espace immense et, en son centre, trônait une longue table pouvant accueillir une vingtaine de convives au moins. Le couvert avait été mis pour deux, à chaque extrémité.

La jeune femme leva la tête et tourna sur elle-même, étourdie par tant de splendeur inattendue. Dans cette salle, rien d'exubérant sur les murs de roche ou dans la décoration quasi inexistante, uniquement l'œuvre de la nature au fil des siècles.

— Mon invitée est arrivée, constata une voix au timbre grave et enthousiaste.

Ellie manqua de perdre l'équilibre en se détournant de la voûte vertigineuse. Un homme en apparence simple et avenant venait de les rejoindre. Il avait le teint hâlé par des journées de labeur sous les rayons trop généreux de l'astre qui brillait sur Chimæra ; il portait un simple jean usé et une chemise à carreaux entrouverte sur un torse modérément velu. Un souvenir très ancien resurgit dans la mémoire de l'amatrice de fictions classiques : que faisait Charles Ingalls à l'autre bout de la galaxie ?

— Monsieur Phénix ? bafouilla-t-elle sous l'effet des images incongrues que cet homme éveillait en elle.

— Appelez-moi Mathéus, l'enjoignit-il. Nous sommes une grande famille, ici. Jonas m'a dit comment vous vous appeliez, mais je crains que ma mémoire ne me fasse défaut, pardonnez-moi.

Stockholm [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant