48 - Tromper la solitude

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Une paix inédite régnait à bord du Stockholm. Après la tempête, les eaux retrouvaient leur placidité coutumière et le cargo filait droit vers sa destination finale. Ellie avait réintégré sa chambre dans les quartiers d'habitation centraux. Elle retrouva, de la même manière, ses habitudes quotidiennes au sein de la bergerie. Elle ne savait en revanche pas comment son colocataire discret s'adaptait à la situation ; une dizaine de jours s'étaient écoulés depuis le redémarrage des moteurs et elle n'avait fait que l'apercevoir deux ou trois fois à l'autre bout d'un couloir. Peut-être qu'il l'évitait, elle n'en était pas certaine.

Ce soir-là, la jeune femme s'attelait au rangement des placards de la cuisine. Lors de la fouille du Waterloo, elle s'était empressée de récupérer toute la nourriture stockée dans la réserve du patrouilleur ; la plus belle pêche au trésor de sa vie. Désormais, en plus d'une appréciable solitude retrouvée, elle pouvait profiter tous les jours de repas très corrects et en quantité suffisante.

Le dernier placard était en ordre quand de l'eau bouillante déborda d'une petite casserole mise sur le feu. Ellie se précipita pour retirer le couvercle et stopper la cuisson. Elle s'apprêtait à égoutter son riz au-dessus de l'évier lorsque la lumière s'éteignit d'un coup.

— Seth, c'est toi ? interrogea-t-elle, sereine, tout en poursuivant son activité à l'aveugle.

Une chaise racla le sol dans le mess attenant. Ellie tâtonna à la recherche d'un bol qu'elle remplit de riz, puis elle partit en quête de son visiteur surprise. Ses yeux s'étaient habitués à la pénombre et elle discernait maintenant la silhouette du géant installé à une table. Elle s'assit en face de lui et ouvrit une boîte de maquereaux pour accompagner ses féculents.

— J'ai cru que j'te reverrais plus avant la fin du voyage, démarra-t-elle en même temps qu'elle entamait son repas.

— J'ai trouvé ça, annonça Seth.

Il poussa sur la table plusieurs plaques qu'Ellie identifia comme des tablettes de chocolat.

— Et tu les as trouvées où ? s'étonna-t-elle, néanmoins ravie.

— Au milieu du désordre de la salle des machines.

— Je vois, c'est sûrement Falco qui les a planquées là. Il s'est fait des réserves dans tous les recoins du vaisseau pour préparer l'hiver comme un écureuil.

— Ecureuil ? répéta Seth qui n'était pas familier du terme.

— C'est vrai, parfois j'oublie que tu n'es pas de la Terre...

Malgré l'obscurité de la pièce, elle devinait le visage de son interlocuteur et distinguait l'emplacement de ses yeux si clairs ; il ne portait pas de bandeau aujourd'hui.

— Tu n'as pas besoin de trouver une excuse pour venir me parler, tu sais, enchaîna-t-elle en repoussant les tablettes de chocolat sur le côté.

Il ne répondit pas, alors elle continua à meubler le silence :

— Il y a plein de chambres libres dans les quartiers du personnel. Tu peux en prendre une près de la mienne, ou à l'autre bout, comme tu veux... Tu veux des maquereaux ? proposa-t-elle en lui tendant sa boîte de conserve entamée.

— J'ai déjà mangé.

— Ok, on peut manger ensemble à l'occasion. Ça me dérange pas que t'emmènes ton propre panier repas.

— On n'a pas grand-chose à se dire, avança Seth pour justifier un refus.

— Pourtant, t'es là, objecta la jeune femme. Y'a rien de mal à avoir envie d'un peu de compagnie de temps en temps. Et puis je mords pas, moi.

Stockholm [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant