Luc était étalé sur le sol au centre de sa chambre désolée ; une étoile de mer dans les affres de la dépression. Il n'avait pas réussi à forcer la répugnante pâte nutritive dans sa gorge depuis qu'il était à nouveau solitaire ; seules les quelques gâteries que lui jetait Seth de temps à autre lui apportaient un peu d'énergie et de plaisir – bien que ce dernier soit entaché d'un subtil goût de trahison.
Trois coups brusques firent sursauter l'amas indolent de chair humaine. Il résista à la pulsion qui le poussait à filer se réfugier dans la salle de bain et se força à rester allongé. Quand la porte s'ouvrit, il n'osa pas tourner les yeux vers la silhouette qui lui donnait des cauchemars. Il patienta avec fébrilité dans le noir jusqu'à ce que quelque chose heurte sa cuisse avant de tomber lourdement sur lui.
— Mais qu'est-ce que tu fous au milieu du passage ! s'écria la masse qui avait manqué de lui briser une côte.
— Ellie ? bredouilla Luc, incrédule.
Une petite lampe de poche s'alluma et le visage de la jeune femme apparut dans le faisceau.
— Oh c'que j'suis heureux d'te revoir, soupira-t-il en enlaçant sa camarade retrouvée. Il t'a recapturée ?
Peu amatrice de démonstrations affectives, elle se dégagea de l'étreinte du jeune homme pour lui désigner la porte toujours ouverte.
— Il est... pas là ? bégaya le captif.
— Non, tu es libre.
— Comment tu as trouvé le code pour la porte ? s'ébahit Luc.
— C'est Seth qui me l'a donné.
— Pourquoi ? Comment ? s'inquiéta-t-il.
Ses angoisses concernant les choses qu'Ellie avait peut-être dû faire pour survivre resurgirent d'un coup.
— Tu peux dormir sur tes deux oreilles maintenant, le rassura-t-elle. Je l'ai enfermé dans le sas prévu pour les sorties extravéhiculaires.
Il en était scotché d'admiration, pantois.
— Mais j'ai besoin de ton aide pour le transférer dans cette chambre, poursuivit-elle. Il a accès à un panneau de contrôle de son côté du sas, on a de la marge avant qu'il tombe par hasard sur le code à sept chiffres que j'ai validé, mais plus on attend, plus le risque augmente.
— Oui, oui bien sûr, je peux faire ça.
— Et tu vas pouvoir remettre le vaisseau en état ensuite, rebrancher les lumières surtout.
— Bien sûr, si on a à nouveau accès à la totalité du vaisseau je vais pouvoir régler tous nos problèmes. Mais comment vous avez réussi à le piéger ? Raconte-moi !
— Un concours de circonstances... Une lumière au bon endroit au bon moment, j'ai surtout eu de la chance, survola-t-elle comme si cela importait peu.
— Et tonton Rémi, il était là aussi ?
Un froid s'installa dans l'atmosphère. Le silence d'Ellie parlait pour lui-même, quelque chose n'allait pas.
— Il est... blessé ? chancela Luc, les mains crispées sur ses genoux.
— Il est mort, annonça-t-elle sur un ton ferme, comme un sparadrap qu'on arrache d'un coup sec.
Le jeune homme porta la main à sa bouche et se raidit. Si sa camarade avait eu le moindre geste de compassion à son égard, il se serait probablement effondré dans ses bras en déversant des litres de larmes ; mais elle resta stoïque ; et au lieu d'un chagrin débridé ce fut une colère froide qui s'empara de lui.
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Stockholm [Terminé]
Science Fiction[Suspense~morally grey] Un vaisseau, deux passagers clandestins, dix mois pour prendre le contrôle. Qui de la surveillante pénitentiaire ou du mystérieux étranger imposera son autorité à l'autre ? Quand les rôles se brouillent, tout peut arriver. �...