Stockholm [Terminé]

51 - Passer le relais

Les informations et les schémas qui inondaient l'écran de contrôle ne rendaient pas justice à la beauté de Chimæra. Les rares images qui circulaient sur Terre dépeignaient une planète de taille plus que modeste emmitouflée dans une atmosphère aux tons mordorés, préfigurant une surface à dominante rocheuse. Ce n'était pas le monde le plus accueillant, mais ses colons étaient déterminés à en faire un paradis, en dépit de son aridité chronique.

Ellie aurait donné cher pour voir ce petit bout de roche orbiter paisiblement autour de son étoile, la frustration était grande dans la cabine de pilotage aveugle. Par sécurité, elle attacha sa ceinture avant d'amorcer la descente. Le souvenir de son décollage mouvementé, dix mois plus tôt, était encore frais dans sa mémoire.

Pendant un bref instant, la jeune femme redouta d'être incapable de gérer la situation, mais le pilote automatique s'occupait de tout, à son grand soulagement. Des coordonnées d'atterrissage se rattachaient à la destination programmée et le Stockholm savait parfaitement ce qu'on attendait de lui.

Après des années-lumière de voyage et de multiples embûches sur sa route, Ellie touchait enfin à son but.

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Quand Luc sortit de la salle de bain, il ne s'attendait pas à tomber sur l'ombre de Seth au milieu de la chambre. Le géant ordonna que la lumière de la pièce d'eau soit coupée immédiatement et le jeune codétenu s'exécuta sans prendre le temps de réfléchir. Plusieurs minutes s'écoulèrent dans un silence oppressant avant que d'autres mots ne soient échangés.

— Qu'est-ce que vous faites là ? osa Luc en laissant son dos glisser le long du mur pour s'asseoir au sol.

— Ça ne durera que quelques jours.

L'apprenti tourna cette réponse plusieurs fois dans son esprit avant d'en comprendre la signification. Le plan était facile à deviner quand on savait la fin du voyage proche.

— Sans mauvais jeu de mot, vous devez être sacrément aveugle pour faire confiance à Ellie, railla-t-il avec toute la virulence dont sa réserve voulait bien le laisser faire preuve.

— L'un de nous sortira perdant de cette histoire. Notre geôlière n'a plus beaucoup d'estime pour toi, je ne serais pas si confiant à ta place.

— Vous croyez vraiment qu'elle va vous laisser partir aux commandes du Stockholm ? Si elle faisait ça, elle me condamnerait à rester reclus sur cette planète pour je ne sais combien d'années. Elle ne m'apprécie peut-être plus autant qu'avant, mais au moins je suis de la même espèce qu'elle. Elle me donnera la priorité.

— Dans ce cas, accroche-toi à tes espoirs et évite de faire capoter le plan si tu ne veux pas perdre encore plus de points à ses yeux, conseilla Seth, serein.

Une grimace de dédain se dessina sur le visage du jeune homme, il gagnait en confiance et éprouvait de moins en moins de crainte à l'égard de son camarade de cellule à mesure qu'il prenait conscience de la situation de dépendance de celui-ci. Ellie menait la danse depuis le début, il le voyait clairement maintenant ; c'est elle qui aurait le fin mot de l'histoire et pas cet albinos pathétique.

— Si j'ai bien compris, ça fait un paquet d'années que t'as quitté ta planète, interrogea Luc avec l'assurance de celui qui sait que les dés sont pipés en sa faveur. Tu crois qu'il y a encore quelque chose qui t'attend là-bas ?

Seth ignora la question mais l'apprenti continua à jacasser à la recherche d'un point sensible à titiller :

— Ils t'ont sûrement tous oublié depuis le temps. Tu te donnes du mal pour rien. Tu devrais laisser tomber l'idée. En plus, t'imagines si tu te pointes en orbite autour d'Albinos Land avec un gros vaisseau terrien ? Ils vont tirer à vue et poseront les questions plus tard, moi j'te l'dis.