Investiguer. Investiguer aurait été le bon mot. Quel idiot ! Pourtant, quand il avait joué la scène dans sa tête, le lendemain de sa visite chez Malhotra, tout s'était parfaitement bien passé. ( Étape 1 : prétendre être étonné de la voir, feindre l'impression de l'avoir oublié. Étape 2 : provoquer / taquiner l'adversaire. Étape 3 : rattraper l'objet de ses réflexions dans l'enceinte de l'école, même si cette étape n'était pas prévue à la base. Étape 4 : aborder le sujet délicat ; la professeure. Étape 5 : convaincre Malhotra de jouer ; non, d'investiguer avec lui sur ledit sujet. )
C'est pourtant plutôt simple à suivre, bon sang ! Tête baissée vers le sol, le gryffondor entre dans un couloir qui mène vers le dortoir de sa maison. Il sent le chien mouillé, son allure aussi minable que celle d'un canidé trempé par la pluie. Le brun prend pour cible une boulette de papier qui traîne par terre ( allez donc savoir pourquoi ) et l'envoie à l'autre bout de la pièce avec la pointe de son pied droit. Son corps déborde de honte qu'il méprend pour de la colère. ( C'est comme cela qu'on a élevé Sirius : laisser son sang pur lui monter à la tête au lieu de la baisser. )
⸺ Fait chier !
Ses mots ricochent sur les murs faits de pierres. Ses cheveux trempés sont collés à son visage, formant un cadre autour de celui-ci. ( On pourrait croire à une œuvre d'art moderne, un coup minutieux de pinceau ayant tracé ses longs cils noirs, l'arête de son nez, ses lèvres abîmées par le froid de l'hiver, les deux arcs de cercle profondément creusés sous ses yeux. ) Il les dégage à l'aide de son avant-bras, sa main étant occupée à tenir sa valise. Résultat : les cheveux n'ont pas bougé de place et le sorcier a dû soulevé ses bagages pour rien. Le dortoir est vide, quand Sirius entre à l'intérieur. ( Absolument vide, contrairement à sa tête. )
Enfin, sans compter sur les affaires de ses camarades, déjà étalées sur le sol pour James, encore enfermées dans la valise pour Remus et rangées dans le coffre au pied de son lit pour Peter. Le brun décide de prendre exemple sur son meilleur ami, et jette ses bagages sur sa literie. Elles attendront ce soir.
Siris ressort, et s'arrête dans le salon commun. Le feu crépite déjà dans la cheminée. L'odeur du bois brûlé est, sans doute, l'une de ses préférées. La raison à cela est simple : dans le joli manoir de la famille Black, la chaleur n'a jamais été considérée comme une invitée. Alors ici, il est heureux de se sentir réchauffé par les flammes d'or et de carmin qui dansent dans l'âtre, confortablement assis sur un fauteuil rouge, sentant ses joues devenir de la même teinte.
Même s'il ne devrait pas, car il est attendu dans la Grande Salle, Sirius Black s'installe sur la causeuse et se surprend à rêvasser ; à penser.
( ✷ Une forêt. Voilà à quoi ressemble l'esprit de Sirius Black. Des arbres à perte de vue, dénués de feuilles. L'un d'entre eux est joliment décoré, avec les têtes des membres de sa famille ; misérable sapin, une version Black. )
Cette soirée là, il avait rodé dans les rues de Londres, à la recherche d'un remède miracle à ses maux. Ses pieds s'étaient perdus devant la demeure familiale des Malhotra en plein cœur de Fulham ; là où Gideon Prewett lui avait dit d'aller. Et quand, chassé par la nouvelle propriétaire des lieux, il avait dû partir de cet endroit, il s'est retrouvé en solitaire dans les ruelles étroites de Londres, encore une fois.
Et l'appel du cœur avait été plus fort que celui de la raison. ( "Sirius Black a-t-il déjà écouté la sienne ?" certains demandent. Et "Sirius Black a-t-il un cœur ?" d'autres questionnent. ) Son instinct l'avait traîné au "Black Dog".
Malheureusement pour Sirius Black, ni les mots affectueux de Marjorie, ni l'alcool servi à flots par celle-ci, n'ont réussi à apaiser son esprit. ( Et n'ayez crainte, servir un whisky brun à un adolescent est autorisé de ce côté de Londres. Du moins, Marjorie Bow, la propriétaire du pub londonien, en a pris le droit. Et ce qu'elle souhaite, la blonde obtient. Jamais un contrôle a été effectué dans son établissement. )
