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Je me réveillai doucement, bercée par la lumière dorée qui se faufilait à travers les volets mi-clos de ma chambre. Barcelone. Cette ville avait une âme qui me captivait, un mélange d'ancien et de moderne, de traditions et de rébellion. Mais pour moi, elle représentait surtout une nouvelle prison, certes plus grande et plus animée, mais une prison tout de même.

Je m'étirai lentement, écoutant les bruits familiers de l'appartement que je partageais avec Chiara et Amara. Elles étaient plus que des amies ; elles étaient mon soutien, les seules personnes qui m'ancraient dans cette réalité où chaque jour était une bataille contre moi-même. Elles ignoraient tout de mes véritables rêves, et je préférais les laisser dans l'ignorance. C'était plus simple ainsi. Personne ne devait savoir. Personne ne devait découvrir cette part de moi.

Je me levai et me dirigeai vers la petite salle de bain attenante. L'eau chaude coula sur ma peau, chassant les derniers vestiges du sommeil, mais pas les pensées sombres qui flottaient toujours à la surface de mon esprit. Le miroir embué refléta un visage que je connaissais trop bien, mais qui me paraissait souvent étranger. Qui étais-je, vraiment ? Une héritière soumise à la volonté de son père ou cette autre version de moi, celle qui vivait pour la musique, pour les accords parfaits du piano et les mélodies que j'écrivais en secret ?

En sortant de la salle de bain, j'enfilai un simple jean et un pull, puis je me dirigeai vers la cuisine. L'odeur du café fraîchement préparé m'accueillit, et je trouvai Chiara, déjà attablée avec son ordinateur portable, plongée dans son travail.

« Salut, Bella, bien dormi ? » me demanda-t-elle sans lever les yeux de l'écran.

« Oui, plutôt bien, merci, » mentis-je en m'asseyant en face d'elle.

Je pris une tasse et me servis du café, le regard perdu dans le liquide noir qui tourbillonnait sous la cuillère. Amara fit son entrée dans la cuisine à ce moment-là, un sourire radieux aux lèvres comme d'habitude.

« Alors, prête pour une nouvelle journée sous le soleil de Barcelone ? » dit-elle en s'emparant de son propre bol de céréales.

Je souris en retour, mais une partie de moi se demandait si elles pouvaient sentir la mélancolie que je cachais si bien. J'étais devenue experte en dissimulation au fil des ans. Mon père m'avait enseigné cette leçon dès mon plus jeune âge : les émotions sont une faiblesse, surtout pour une Moretti.

« Toujours prête, » répondis-je, jouant mon rôle à la perfection. « Quoi de prévu pour aujourd'hui ? »

« Je pensais qu'on pourrait sortir ce soir, » proposa Chiara, levant finalement les yeux de son écran. « Il y a le match des gars ce soir. Pablo nous a invités. »

Je ressentis un léger pincement au cœur en entendant cette invitation. Les soirées avec le groupe avaient toujours une ambiance particulière, une sorte de tension sous-jacente que je ne pouvais ignorer. Mais c'était surtout le fait de devoir me mettre encore une fois dans un rôle, celui de la fille insouciante qui n'a d'autre souci que de profiter de la vie, qui me pesait.

« Le match, hein ? » Je pris une gorgée de café pour dissimuler mon hésitation. « Ça pourrait être sympa. »

Amara s'installa à côté de moi, croquant dans une pomme. « Ça va être amusant, Bella. On pourra passer un bon moment ensemble, et puis, après le match, il y a une fête chez Hector. »

J'acquiesçai doucement, consciente que refuser ne ferait qu'attirer des questions auxquelles je n'avais pas envie de répondre. « D'accord, pourquoi pas. »

Mais à l'intérieur, je me sentais déjà prise au piège. Les soirées comme celles-ci étaient souvent bruyantes, pleines de rires, d'alcool, et de conversations superficielles. Mais pour moi, elles étaient aussi pleines de ces regards furtifs que je captais parfois, comme si quelqu'un cherchait à percer le masque que je m'efforçais de maintenir en place.

Chiara referma son ordinateur avec un sourire satisfait. « Génial ! Il va juste falloir qu'on décide de ce qu'on va porter. Hector a mentionné que ça allait être une grande soirée. »

Je tentai de sourire, mais mes pensées étaient déjà ailleurs, cherchant une issue. Peut-être que je pourrais prétexter un mal de tête plus tard dans la soirée et rentrer plus tôt. De toute façon, l'idée de regarder un match ne m'enchantait pas vraiment, même si je savais que Pablo et les autres tenaient à ce que l'on soit présentes.

La journée passa en un flou presque automatique. Université, discussions banales, tout cela me donnait l'impression de jouer un rôle dans une pièce de théâtre où les répliques étaient écrites à l'avance. Les seuls moments où je me sentais véritablement moi-même étaient ces quelques minutes volées dans ma chambre, où je laissais mes doigts effleurer les touches de mon clavier, construisant en silence les mélodies qui restaient à jamais enfermées dans mon esprit.

Quand le soir arriva, je me préparai sans grande conviction, enfilant une robe noire simple mais élégante que j'avais achetée lors d'une de nos virées shopping. Elle suffisait à me fondre dans le décor sans attirer l'attention, exactement ce que je cherchais. Chiara et Amara, elles, étaient resplendissantes, prêtes à conquérir la soirée.

« Tu es magnifique, Bella, » commenta Amara en me voyant sortir de ma chambre.

Je lui renvoyai un sourire. « Merci, toi aussi. »

Nous sortîmes enfin de l'appartement, plongeant dans la douce soirée barcelonaise. Les rues étaient animées, comme toujours, mais je ne pouvais m'empêcher de ressentir une certaine distance entre moi et cette effervescence. Comme si j'étais une spectatrice de ma propre vie, observant de loin sans vraiment y participer.

Arrivées au stade, l'atmosphère était électrique. Pablo, Hector, Marc et les autres étaient déjà là, nous accueillant avec enthousiasme. Le match commença rapidement, et je m'efforçai de paraître intéressée, riant aux blagues, applaudissant aux moments appropriés. Mais une partie de moi restait ailleurs, accrochée à ces notes que j'avais laissées en suspens plus tôt dans la journée.

À la mi-temps, alors que je me levais pour m'échapper et chercher un moment de répit, je sentis quelqu'un me bousculer brusquement.

Je me retournai, prête à m'excuser ou à me défendre, selon la situation. Et c'est là que je le vis. João Félix. Son regard croisa le mien, et pendant une seconde, le temps sembla suspendu. Ses yeux, d'un brun profond, me fixaient avec cette même intensité que je lui connaissais bien. Nous ne nous supportions pas, c'était un fait. Depuis notre première rencontre, quelque chose en lui m'avait irritée, peut-être son assurance, ou cette manière qu'il avait de sourire comme s'il savait quelque chose que j'ignorais.

« Tu devrais faire attention, Moretti, » dit-il d'un ton qui oscillait entre le taquin et le provocateur. « Ce serait dommage de tomber devant tout le monde. »

Desire's Deception | Joao FelixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant