Chapitre 16 : l'amour est dans la plage

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«Quelle est la différence entre un palmier et un centrîlois ?

Y en a un qui reste sans bouger au soleil, et l'autre c'est un palmier» blague bordiarde

Rafaello a tout juste ouvert la porte de la maison que Kita lui bondit dessus. Il soulève sa fille et la fait tournoyer en l'air mais, plus excitée encore que d'habitude, Kita n'attend même pas d'avoir rejoint le sol pour poser sa question :

—Papa, je peux aller à la sortie avec l'école ? Dis oui. Dis oui.

—Une sortie, où ça ?

—À Pavd ! On va danser pour repousser la mer.

—Bien sûr que tu peux y aller, c'est important d'aider son prochain.

—Merci papa !

Euphorique, Kita bat des bras comme un papillon et Rafaello la repose avant de se prendre une gifle accidentelle. Après quelques pirouettes de joie au travers de la maison, elle revient enlacer son père. Alors que mille pensées bourdonnent dans sa petite tête, elle se souvient soudain que le professeur a besoin d'adultes pour encadrer la sortie.Armée de son plus mignon sourire, KIta tente sa chance :

—Dis papa, tu veux bien nous accompagner ?

Raffaello adore sa fille, mais de là à se retrouver entouré de ses clones survitaminés, c'est un autre histoire. Balbutiant à la recherche d'une bonne excuse, il finit par jouer la carte grande personne :

—J'adorerais, hélas je ne peux pas m'absenter à cause du travail.

Devant la moue boudeuse de Kita, il rajoute :

—Tu pourras toujours demander à ta mère.

Bella a tout juste ouvert la porte de la maison que Kita lui bondit dessus.

—Maman, maman, tu veux bien nous accompagner à la sortie scolaire chez les pavdois ?

Bella adore sa fille, mais de là à se retrouver entouré de ses clones survitaminés, c'est un autre histoire. Balbutiant à la recherche d'une bonne excuse, elle finit par jouer la carte grande personne :

—J'adorerais, hélas je ne peux pas m'absenter à cause du travail.

Devant la moue boudeuse de Kita, elle rajoute :

—Tu pourras toujours demander à ton frère.

Quand Pedro rentre de la boulangerie, il est lui aussi soumis à la question. Alors qu'il essaie de jouer la carte grande personne, Bella lui coupe la parole :

—Ne t'inquiète pas pour Regina, je suis sûre qu'elle comprendra.

—Les voyages forment la jeunesse, renchérit Rafaello.

C'est ainsi que Pedro se retrouve seul avec Aro et une armée d'enfants; aucun parent n'a pu se libérer à cause du travail. Ils montent à bord d'une carriole, le professeur à l'avant pour

guider les chevaux sur la route qui mène à Pavd. À l'arrière, Pedro est cerné par un incessant vacarme :

—Quand est-ce qu'on arrive ?

—Comment c'est de travailler avec Regina ?

—Tu sais faire le salut têtois ?

—Regarde, j'ai perdu cinq dents.

—Moi je sais compter jusqu'à cent !

—Pourquoi t'as pas de poil au menton ?

—On peut faire une pause pipi ?

—Dix, onze, treize...

—T'as une amoureuse ?

—Je jette des petits cailloux pour qu'on retrouve le chemin de la maison.

—Kita elle fait rien que m'embêter.

—C'est même pas vrai !

—Trente-cinq, trente-six, trente-sept...

—Tu veux te marier avec moi ?

—Oh le joli oiseau !

—On est bientôt arrivé ?

—Soixante-huit, soixante-neuf... euh c'est quoi après ?

—Mais qu'est ce que tu fais ?! hurle Pedro.

Il retient par le col un petit garçon qui, debout sur le bord de la carriole, risque de tomber à la moindre secousse. En plus, le casse-cou a sa zigounette à l'air, et arrose tranquillement l'herbe le long de la route; heureusement, le vent souffle dans la bonne direction.

—J'avais besoin de faire pipi, répond honteusement le garçonnet.

—Aro, crie Pedro, je crois qu'on ferait bien de s'arrêter un peu.

Quand l'équipée sauvage arrive enfin sur la plage pavdoise, les autres danseurs sont déjà en action. Il y a Nino, la danseuse étoile pardoise, venue personnellement aider ses voisins. Il y a aussi quelques parentes d'élèves, qui ont finalement pu se libérer du travail, mais qui ont préféré faire la route tranquillement avec les grandes personnes. Bien vite repérés par leur progéniture, ils se retrouvent encerclés de petits danseurs qui se dandinent à leur côté.

—Bon, soupire Aro, j'imagine que c'est quartier libre. Moi qui voulais leur enseigner la valse à mille temps...

—Tant qu'ils dansent, c'est l'essentiel, non ? fait remarquer Pedro.

—C'est pas faux. Enfin, merci pour ton aide lors du trajet.

—De rien ! Tu veux qu'on essaie de les regrouper ?

—Tout bon professeur sait quand renoncer. Va souffler un peu, tu l'as bien mérité.

—D'accord, à plus tard.

Virevoltant le long de la plage, Pedro avise une ronde de jeunes de son âge et se glisse dedans. Une belle femme sur sa droite le salue à la têtoise, avec des mouvements d'une perfection machinale. Pedro hésite à lui rendre son salut, craignant trop de s'humilier par sa maladresse; il opte pour une triple pirouette, les mains croisées de dos et de face.

—Oh, tu viens de Pard ? s'exclame la danseuse prodige.

—Tout à fait, et toi de la Tête, j'imagine ?

—Flora la têtoise, à votre service, répond-elle en s'inclinant exagérément.

—Pedro, sourit-il.

Les mots s'arrêtent tandis qu'ils continuent de danser, s'échangeant des regards appuyés, oubliant l'existence du reste de la ronde.

—Tu...

—Tu...

—Vas-y, toi d'abord, bafouille Pedro.

—Tu as déjà participé à un maribal?

—Non, c'est ma première, j'accompagne une sortie scolaire.

Du menton, il indique un trio de diablotins, mystérieusement torses nus, qui tournoient sauvagement face aux vagues. Flora se souvient, nostalgique, du temps de l'enfance où la danse n'était que mouvements insouciants et libérateurs.

—Et toi ? demande Pedro.

—Première fois aussi. Je suis venue avec ma grand-mère, mon père ne voulait pas.

—Pourquoi donc ? s'étonne Pedro.

—Il préférerait que je m'entraîne pour le grand concours.

—Oh ! Tu participes au grand concours ? Tu dois être super douée.

—Je me débrouille, rougit Flora.

—Tu vas affronter notre Regina du coup.

—C'est ce que m'a dit mon père...

Pedro sent que le sujet n'enchante pas Flora. Il laisse le silence poursuivre leur conversation, le silence, la caresse du vent, la plage vibrante sous leurs pieds, la lueur des étoiles. Et la danse. Les bras qui se lient, se délient, se suivent, se repoussent, s'effleurent et s'agrippent. Les jambes qui battent le sol, le rythme de Flora faisant écho à celui de Pedro, les pas qui tracent dans le sable un entrelac de courbes.

L'êdâge de la tortîleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant