.Chapitre 9.

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Airi

Je pose un pied sur le trottoir et déplie mon parapluie avant de le secouer un instant. Des gouttes de pluies glissent le long du manche et viennent s'écraser sur le sol en béton. Je jette un coup d'œil au ciel gris, la couleur des nuages se reflètent tristement sur les flaques noircies par les passants. Je baisse la tête amèrement.

J'ai annulé l'entraînement de ce week-end avec Minori ce matin, elle doit certainement être en train de rattraper toutes ses grasses matinées à l'heure qu'il est. Elle ne m'en a pas demandé la raison, dans tout les cas je lui aurai seulement répondu que j'ai obtenu une autorisation de sortie pour me balader un peu, ou que j'ai une course à faire.

Ma destination d'aujourd'hui n'a aucune importance. Je préfère ne pas en parler, j'aurai même souhaité ne pas m'y rendre. Mais mes jambes ont bougés toutes seules et mes pas me mènent devant ce bâtiment que je redoutai tant.

Celui aux teints immaculés mais à l'ambiance si sombre.

Cet endroit si nuisible pour une personne comme moi, mais dont la responsabilité et le remord m'ont poussés à franchir le seuil de mon cauchemar. C'est accompagnée d'une boule au ventre que je m'avance vers une dame à l'accueil.

Je connais le rituel.

Elle me sourit, m'indique la chambre où je dois me rendre, je la remercie et pars, la douleur à l'estomac devenant de plus en plus vive. Toujours le même chemin, impossible que je me perde.

Les portes aux plaques numérotées se succèdent, mes yeux s'arrêtent sur une en particulier. Je ne perds pas de temps à rentrer en contact avec la poignée froide. Ça fait combien de temps que je n'étais pas venue ici ? C'est peut-être le premier songe qui m'est venu lorsque nos regards vides ce sont croisés.

En robe de chambre, entourée de mur aussi pâles que son visage me toisant, le temps semblait s'arrêter quand ses lèvres se sont étirées en un sourire effronté.

– Airi ! Ça fait vraiment longtemps que tu n'es pas venue.

Je reste immobile un instant avant de répondre à son sourire et de m'installer près d'elle.

– Excuse-moi, Haruka. J'ai été pas mal occupée en ce moment !

Mon homologue et ancienne amie lâche un petit rire avant de croiser ses doigts entre eux et de poursuivre :

– Tu sais, je m'ennuyais beaucoup sans toi. À force on se sent seule.

Kiritani Haruka. Pendant tout son temps, elle n'a pas changé. À part ses cheveux s'étant légèrement étendue et son étrange maigreur, elle reste toujours la même que j'ai connue à mes débuts.

– Je suppose que tu as pleins de choses à me raconter, Airi. Oh et qu'en est-il de celle que tu as choisi pour te succéder ? Je pourrai bientôt la rencontrer ?

– Ce n'est qu'une débutante pour l'instant. C'est un peu tôt pour la designer comme successeur, et puis, tu devrais penser à améliorer ton état pour pouvoir la voir.

– Je vais bien pourtant...

Son ton devient un peu plus faible mais je préfère ne pas y faire attention. À chaque visite ici, j'ai peur de la voir disparaître pour de bon. C'est pourquoi je déteste me déplacer dans cet endroit, je ne veux pas être confronté à cette réalité. Elle devient un peu plus transparente chaque jours qui passent, c'est normal de s'inquiéter.

Son corps est en mauvais état maintenant, je veux qu'elle le comprenne.

– Pourquoi tu fais cette tête Airi ? Je t'assure que je commence à aller mieux ! Bientôt, je suis sûre que tu pourras de nouveau me voir à la télé ! Comme autrefois, me susurre t-elle, comme pour se rassurer.

"J'espère aussi"

Une réponse pourtant restée sur ma langue. Scellée comme les autres mots que j'aurai voulu déblatérer dans le passé. Je serre mon poings jusqu'à sentir mes ongles s'enfoncer dans la chair de ma paume. Je dois me retenir de pleurer.

Haruka, comment te dire que tu ne bougeras plus jamais comme avant ? C'est tout.

La fille talentueuse en elle est morte.

Entièrement.

Et je ne pourrai jamais me l'avouer. Seul son regard continu de pétiller encore plus fort que la première fois, il pétille comme Minori. C'est d'ailleurs peut-être pour ça que j'ai accepté de l'aider à accomplir son rêve. Dans l'espoir qu'un jour je pourrai me pardonner...

– Airi...

Je ne souhaite plus que mon nom soit prononcer par la bouche de ceux que j'ai blessé. Je me mords la lèvre et me force à soutenir mon regard dans les yeux bleus de mon amie.
Des yeux qui rendraient jaloux le ciel azuré. Ces yeux que je me refuse de voir mourir.

– Haruka, je commence d'une voix sèche, c'est bientôt l'anniversaire de Shizuku, tu voudras bien m'accompagner voir sa sépulture ? Comme elle l'aurait voulu...

Je me sens honteuse de lui demander après ce qu'il est arrivé. Je ne mérite même pas de vouloir qu'elle parte en paix, pourtant, je tremble à l'idée qu'avant d'être une rivale c'était une amie. Une précieuse. Haruka semble remarquer mon état et pose sa main sur la mienne et me regarde d'un air confiant :

– Bien sûr que je viendrai avec toi ! Tu ramèneras Minori aussi, il faut absolument que je la rencontre !

Je pouffe à l'idée de voir mon élève dans tout ses états, en face de l'héroïne de sa vie. Je ne crois pas qu'Haruka a conscience que la fille qu'elle a tant hâte de rencontrer lui voue un véritable culte. Je pense même que le mot n'est pas assez fort.

– Tu vois Airi, commence t-elle en prenant mes deux mains, tout va bien se passer, n'est-ce pas ?

Elle sourit mais je sens ses doigts frêles, enroulés contre les miens, ainsi que ses épaules trembler comme une feuille en hiver.

Son rire est si vulnérable.

Je relève la tête, affichant le visage de la Airi fière que tout le monde connaît tant.
Cette figure qui n'est pourtant qu'une façade, dissimulant une jeune fille faible et apeurée. Une figure qui finira par s'estomper, le temps que le remords me consume. Entièrement.

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Un chapitre de plus pour pardonner mon retard.

J'ai bien aimé écrire celui-ci par contre et ça fait pas mal de temps qu'il est prêt.

On se revoit pour le prochain (j'espère très bientôt) !

La cohérence de nos sonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant