À la Cour

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La Cour du château de Margaille, majestueuse et imposante, incarnait l'apogée de la grandeur et du raffinement de la monarchie du XVIIe siècle. Ce lieu mythique, conçu pour impressionner et subjuguer, se déployait avec une symétrie parfaite, célébrant l'absolutisme et l'opulence du roi Georges XIV.

Le pavé de la cour, soigneusement entretenu, résonnait sous les pas des courtisans vêtus de soie et de brocart. L'air était empli du murmure des conversations, des rires discrets et du froufrou des robes somptueuses. Au centre de la cour, une fontaine monumentale jaillissait avec grâce, ses eaux cristallines dansant sous la lumière du soleil, créant des arcs-en-ciel éphémères.

Les jardins qui encadraient la cour étaient un chef-d'œuvre de l'art paysager à la française, offrant une symphonie de verdure et de couleurs. Les parterres géométriques, ornés de fleurs exquises et de haies taillées à la perfection, s'étendaient à perte de vue, tandis que des allées ombragées invitaient à la promenade et à la contemplation.

Les statues de marbre blanc, représentant des figures mythologiques, jalonnaient les chemins, ajoutant une touche de poésie et de grandeur à l'ensemble. Les bassins réfléchissaient le ciel et les façades du château, créant un jeu de miroirs et de lumières qui envoûtait et émerveillait.

À la tombée de la nuit, la cour s'illuminait de milliers de chandelles, transformant le lieu en un tableau vivant de féerie et de magnificence, prenant l'apparence d'une myriade d'étoiles luisantes éclairant la voute céleste. Les éclats de lumière dansaient sur les dorures et les miroirs, tandis que les notes de musique s'élevaient, emportant les invités dans un tourbillon de faste et de délices.

Voilà la surface et le premier visage de la Cour de Margaille. Toutefois, sous ce premier voile se cachait une version plus débauchée et luxurieuse de ce château aux milles splendeurs. Derrière la face luxueuse et glorieuse de la Cour se dissimulent les besoins dépravés des nobles, la montée au pouvoir, le poison de la corruption, les trahisons derrière des sourires aimables, et les ressentiments enfouis. Ici prennent place les jeux de pouvoir, la domination d'un groupe ou d'une personne, pieuse ou bien impie, au nom des dieux, de la vertu ou d'une quelconque qualité morale ou spirituelle, le reste n'a que peu d'importance, seule la puissance importe.

Le jeune comte Célestin de La Source se trouvait alors fort embarrassé, placé comme un pion sur un échiquier mortel au milieu de cette lutte de pouvoirs parvenant de tous les côtés. Pour tous les nobles inexpérimentés qui posaient le pied dans cette Cour, ils devenaient la proie des moqueries implicites de la part des prédateurs puissants. Néanmoins, plus haut est le noble, plus la chute sera douloureuse. Concernant Célestin, uniquement présent pour une permission de construction de pont de la part de Sa Majesté à l'origine, celui-ci s'est malencontreusement retrouvé entraîné au milieu des différents conflits de puissance par son enchevêtrement avec l'archiduc de Foreloin, plus proche conseiller et confident du roi. Son statut de petit comte insignifiant s'est alors tristement retrouvé propulsé au rang de noble influent. Les rumeurs et les commérages tentèrent bien malgré tout de le rétrograder, cependant cela ne fit qu'appuyer le soutien qu'il recevait de la part de l'archiduc. Alors, les nobles aux bouches cruelles et fielleuses ont préféré se tourner vers un aspect bien plus intéressant, son penchant tacite pour le même sexe. Bien que le jeune comte n'ait jamais exprimé la moindre préférence envers une gente plus que l'autre, les paroles n'ont nullement cessé de couler dans un flot continu de haine et de dédain à son égard, sous couvert de mots mielleux et hypocrites. Tout cet environnement empli d'hostilité expliquait l'aversion profonde de Célestin envers la Cour, ne s'y rendant finalement que pour déclamer ses fables adorées par le roi.

Le jeune comte inspira ainsi un grand coup avant de descendre du carrosse et de poser le pied sur le gravier. Il balaya son regard vers les jardins, la beauté de la nature le subjuguant pendant un moment, avant de le reporter à nouveau vers les grilles menaçantes qui s'élevaient vers le ciel dont les pointes en flèches lui donnaient l'impression de vouloir le transpercer au moindre faux pas. Un frisson d'horreur remonta le long de son dos et il s'avança en définitif vers cette Cour mal-aimée. Il épousseta légèrement l'une des manches de son costume, ne souhaitant pas se salir avant son audience avec Sa Majesté, se devant d'être impeccable. Il marcha alors droit devant lui, se concentrant uniquement sur le chemin, ignorant les regards condescendants qui lui étaient adressés par les autres nobles.

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