ABYSS

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Abyss savait qu’elle allait passer une bonne journée. Premièrement, elle avait mangé une panna cotta exquise, ce matin. Ensuite, elle avait appris qu’elle s’entraînerait loin des garçons : Oros, le fils de Sincérité, la regardait vraiment bizarrement, et Sowenn, fils de Confiance, était un gros macho. La jeune fille plaignait Lyo, la fille de Curiosité, qui allait passer la matinée avec eux.

  En réalité, Abyss détestait tous les enfants des divinités. Elle pensait qu’elle avait été créée pour cela, mais ça lui paraissait exagéré à quel point ils étaient détestables : Sowenn était trop frimeur, il passait ses journées à parler de lui ; Oros à la fois bad-boy et intello, ce qui lui conférait un tempérament assez étrange ; Lyo, qui était très charismatique pour son âge, mais qui n’en faisait jamais trop : c’était vraiment la fille à maman parfaite ; et enfin, Xéna, musclée et sarcastique, le contraire d’Abyss.

  La jeune fille était d’ailleurs assez sensible à ce sujet : comment sa mère, Prudence, n’avait pas pu se rendre compte à quel point les capacités de sa fille pourraient être importantes ? Lyo était intelligente. Xéna était forte. Sowenn était habile. Oros était cultivé. Abyss ? Elle maniait deux bouts de bois reliés par une chaîne et savait parler aux gens. Wow. Sérieux ? Le nunchaku comme arme ? La diplomatie comme capacité ? Et la timidité comme défaut ? Abyss n'était pas taillée pour être une combattante. Encore moins une divinité !

- Abyss ! Réveille-toi !

  La voix autoritaire de sa mère la tira de ses rêveries.

- Excuse-moi. On en était où ?

- À décapiter des mannequins.

- Ah oui, c’est vrai.

  L’adolescente attrapa son arme : deux morceaux de bois de chêne noir, entourés de corde bleu roi, reliés par une chaîne en saphir. Elle s’approcha du mannequin. La jeune fille lui décocha un coup de poing dans la mâchoire, fit tourner la chaîne du nunchaku entre ses mains avant de passer une des poignées derrière la tête de son agresseur. Elle envoya son genou dans le ventre du pantin, puis serra les deux poignées de son arme pour étrangler son adversaire. Les fagots de paille craquèrent, et des centaines de brindilles tombèrent au sol.

- C’est bien… commenta sa mère.

  Elle avait saisi son menton dans ses doigts pâles, et ses yeux bleus étaient plissés.

- C’est bien, supposa Abyss, mais…?

- Mais tu ne te fais pas assez confiance. Tu dois mettre plus de force dans ton coup de genou.

- Si j’y mets plus de force, je devrais effectuer une rotation des hanches et étant donné que mes bras sont levés au niveau du cou de mon ennemi, il a le champ libre pour attaquer mes côtes.

  Prudence sourit. Jamais avec les dents, avait remarqué sa fille. Elle aimait remarquer les petits détails chez les gens. Sa mère avait aussi le réflexe de replacer ses mèches blond foncé derrière des oreilles, de pincer les lèvres lorsqu’elle réfléchissait…

  La divinité s’avança vers sa fille. Elle passa un bras sur les épaules d’Abyss, et regarda Acharnement coacher Xéna. La guerrière frappait sans relâche la silhouette du mannequin. Inlassablement. Ses longs cheveux roux lui tombaient sur le visage. Elle ne prenait pas la peine de les dégager. Elle frappait, frappait.

- Xéna est une guerrière très douée, commença Prudence. Est-ce que tu vois une différence avec toi ?

- Tu viens de le dire, répondit Abyss. C’est une guerrière très douée.

  La divinité rit doucement.

- Non. Elle ne réfléchit pas à ses coups. Toi, tu calcules tout. Pourquoi ?

Le Nouveau GardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant