Treize jours plus tard...
Je les sens. Leurs regards. Ces regards de pitié me suivent partout. Partout depuis que j'ai mis les pieds dans ce foutu lycée. Cette putain de psy qui veux que je reprenne les cours le plus vite possible « pour éviter de déprimer » comme elle dit. Est-ce qu'elle a la moindre idée de l'enfer que c'est ? Comme si revenir ici, sans elle, arrangerait mon état mental...
Et puis d'abord qui est-elle pour décider ce qui est bon pour moi ? Seulement treize jours de deuil et ça y est : la vie doit reprendre. On vous renvoie comme si de rien n'était dans ce monde implacable.
Pas le temps.
Pas le temps de se souvenir.
De les laisser partir. Non.
Ou plutôt, si, mais nous ne nous offrons pas ce droit.
Et puis merde ! J'en ai déjà marre de leurs regards. Je ne suis là que depuis deux minutes et il me colle où que j'aille. Les rumeurs, les chuchotements...
J'ai mon casque enfoncé sur les oreilles. Dans mon sac, il n'y a rien. Enfin, si. Il y a tout le matériel du parfait petit terminale. Des feuilles, un agenda, le manuel d'anglais, la trousse, l'ordinateur. Mais il n'y a rien de vivant. Tout a disparu avec eux.
C'est illusoire. Tout n'est qu'illusion maintenant.
Cette vie qu'on veut me faire reprendre de force plutôt que de grès alors qu'elle n'est plus là, qu'ils ne sont plus là.
Voir tout ce monde me révulse.
Je ne suis pas prêt.
Ni pour suivre des cours.
Ni pour sourire à tout-va.
Je n'irai pas en cours aujourd'hui.
J'arpente les couloirs à grande enjambée. Dernier arrivé, premier sortit, aussitôt je disparais au fin fond du CDI, de la musique plein les oreilles.
Finalement, je suis resté.
Je ne veux pas revoir cette psy. Je veux lui faire croire que tout va bien pour qu'elle me lâche la grappe. Je n'ai pas envie qu'elle se mêle de ma vie. Ni elle. Ni aucun des élèves qui ont essayé de m'aborder. Ou des pions. Personne. Sauf Madame Phillips. Une professeure d'anglais que je respecte particulièrement. Et que j'apprécie autant qu'elle m'apprécie. Elle comprend et elle n'aurait pas pu mieux réagir. Exactement ce que je souhaite.
Arrivé en retard comme dans l'ensemble des cours, je m'excuse. Sa réponse est simple : « Je suis heureuse de te revoir ». Je m'installe au fond de la classe. Je n'écoute pas un mot du cours. Elle ne m'interroge pas une fois. Ça sonne. Je range mes affaires, connecte mon casque alors qu'elle termine son cours et donne les devoirs. Je ne les note pas plus que le reste.
« Mordred, tu peux attendre cinq minutes ? »
Je hoche la tête. Elle va s'y mettre elle aussi : m'engueuler parce que je n'ai pas écouté. La plupart des profs ne le tolèrent pas : « ceci n'excuse pas cela » et blablabla... Je connais la rengaine. Ils me l'ont déjà tous plus ou moins servi ce matin. Toutefois, je ne m'y attendais pas. Qu'elle, elle soit comme eux. J'avais plus d'estime. Je la croyais différente. Je me suis leurré. Ils sont tous pareil, ces profs. Aucune pitié. Je me renferme. Prêt à ne rien laisser paraître, comme si tout coule sur moi sans m'atteindre. Comme depuis ce soir-là...
« Je te mets le cours sur l'ENT. Ceux des quelques jours déjà écoulés et ceux des cours suivants. Pour que, si jamais tu aies envie de rattraper, tu es tout pour réussir. Je te demande simplement d'être physiquement présent. Seulement que tu arrives à l'heure. Marché conclu ? »
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Au fil des saisons
Подростковая литератураSous-titre : Eclat adolescence, une odyssée tumultueuse Tout allait bien. Tout allait parfaitement bien. Je ne pouvais rêver mieux : une amie en or et une fratrie soudée. Mais en cette chaude journée de printemps, tout a basculé. Des semainnes après...