Dix jours plus tard...
Deux septembre.
Date fatidique marquant la fin des vacances.
Je rentre en première cette année.
Quelle blague ! Non mais sérieux qu'est-ce que je fais là ? Pourquoi faire ? Toute ceci n'a plus de sens à mes yeux, ce n'est qu'une mascarade ! Je n'aurais jamais dû y mettre les pieds... Je le regrette déjà...
J'arrive devant le lycée. Il y a une marée d'élèves. Tout le monde semble joyeux, on se salue, on se raconte ses délicieuses vacances, on prit pour éviter tel professeur ou pour avoir celui-là, on est même déjà lasse de retourner en cours avant même de franchir les portes. J'ai mon casque sur les oreilles. Je ne veux pas, je ne peux pas donner le change, faire semblant, je les trahirais, je serais faux. Alors je trace et j'évite tout le monde. On se retourne dans mon dos, on me suit du regard, son nom est sur chaque lèvre de chaque élève de cet établissement. Est-ce étonnant ? Tout le monde aime les potins... Après les discours interminables de la direction, les élèves sont répartis dans les classes. Évidemment, je suis appelé parmi les premiers, je ne peux éviter de traverser la salle devant tout le monde. Nous ne sommes pas nombreux en première A, seulement vingt-six. Et bientôt vingt-cinq...
Pendant plus d'une heure, notre professeur principal nous parle administration, manuels et emploi du temps. Je n'ai qu'une envie : rentrer chez moi. Pourtant, je patiente, je me dis que peut-être il faut que je me laisse du temps, me réhabitue à toute cette bonne humeur, ces gens... Ce n'est que du baratin. Si je reste une minute de plus, je risque d'exploser. Je ne suis pas à ma place. Il me faut fuir, retrouver la sécurité de ma chambre, à l'abri des regards.
J'ai besoin de respirer. De la musique dans les oreilles, dès que nous sommes relâchés, je pousse le portail du lycée. Je fuis. Je me fiche de là où je vais. Je veux simplement être au calme. J'ai encore mes oreilles qui me font mal, elles ne sont plus habituées à entendre autant de voix. Le nœud dans mon estomac se défait petit à petit, au rythme de mes chaussures foulant le gravier. C'est trop. Trop de couleurs, trop d'énergie, trop de personnes, trop de voix, trop d'émotions. Le clapotis de la rivière tranquille m'apaise. La brise foulant les feuillages des arbres centenaires me rassure. En cette douce matinée, il n'y a encore personne au parc. J'en profite pour m'allonger dans l'herbe. Je ferme les yeux un instant. Une minute seulement. Mes pensées me guident. Je me laisse entraîner loin sans savoir où je vais. Je me sens bien. Errant entre le sommeil et le réveil. Je ne veux pas bouger. Je veux rester ici. J'ouvre pourtant les yeux. Le soleil me semble plus haut. Je me relève et m'assoie. Des promeneurs se sont assis sur un banc. Un couple. Sa canne en bois est posée à sa droite. Sur ses cheveux blancs repose un béret bleu nuit. Ses mains sont tachées. Ses veines bleues apparaissent sous sa peau fripée. Une femme aux cheveux courts a posé sa tête sur son épaule. Ses longs doigts à la peau claire enlace ceux de son mari. Elle est habillée d'une charmante robe à fleurs. Ils doivent avoir soixante-dix ans peut-être. Leur peau est tombante, ils sont couverts de rides et quand il se lève, aidé de sa femme, il se tient le dos comme souffrant de rhumatismes. Ils rayonnent pourtant, une douce lumière les accompagne. Ils ont foi en leur vie. Ils vivent pleinement. C'est évident. « Demain est imprévisible », nous dit-elle. « Faites comme eux, profitez ! » nous enjoint-elle. Je leur souris malgré moi quand il passe. Il s'arrête, retire sa main de celle de sa femme et me salue. Elle me sourit. Et ils se remettent en route paisiblement. « Rien ne sert de se dépêcher, » conclut-elle. Je les observe s'éloigner, avançant lentement avec sérénité. Je jette un coup d'œil à mon téléphone quand ils disparaissent. Je jette un coup d'œil rapide aux notifications. Beaucoup ont essayés de me contacter. Je m'en fous. Ce qui compte seulement c'est de rassurer Maman. Elle m'a appelé huit fois et m'a laissé de nombreux messages.
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Au fil des saisons
Genç KurguSous-titre : Eclat adolescence, une odyssée tumultueuse Tout allait bien. Tout allait parfaitement bien. Je ne pouvais rêver mieux : une amie en or et une fratrie soudée. Mais en cette chaude journée de printemps, tout a basculé. Des semainnes après...