Ce soir-là...
Il pleut. Encore et encore. Et pourtant, des coups frappés à la porte — Qui cela peut-il être à une heure pareil ? — je descends, intrigué. Tout le monde dort profondément. Indécis, je m'arrête au bas des marches — J'ai rêvé, non ? Il est pas loin d'une heure du matin, personne ne viendrait à une heure pareille, non ? — On toque à nouveau. Cette fois, aucun doute, je ne suis pas fou. J'ouvre la porte.
« Margot ?
Son visage est blême alors que ses cheveux dégoulinants sont aussi sombres que la nuit. Ce contraste crée un halo luminescent autour de sa fine silhouette. Marin surgit derrière elle, sortant de la brume épaisse. Lui qui déteste habituellement la pluie n'a pas même rabattu sa capuche. Sa peau si bronzée est pâle.
Ils viennent d'ailleurs.
« Désolée Mordred.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi êtes-vous dehors à une heure pareille ? Et avec cette pluie... Entrez ! Vous allez tomber malade ! »
Elle me regarde avec un air désolé et secoue doucement la tête tandis que Marin détourne le regard, gêné. — Qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi ce silence... — Soudain, une boule au niveau de la poitrine me bloque la respiration et m'empêche de les questionner. Mon rythme cardiaque s'accélère alors que mon esprit part en roue libre. — Que se passe-t-il ? — Je ne peux retenir mes sanglots. Des larmes venant de je ne sais où. Des larmes à la signification mystérieuse. — J'ai mal. Si mal, pourquoi ? — Alors que je m'effondre, que mes jambes faiblissent, Margot s'accroupit et me prend doucement le visage. Elle pose son front contre le mien, plantant son regard dans mes yeux embués.
« Nous avons peu de temps. Alors écoute-moi bien : Ce sera dur. Mais tu surmonteras tout ça. Je te le promets. Tu y arriveras. Tu ne dois pas abandonner. »
Cela ne fait qu'accroître mon mal-être. Mon monde s'écroule et je ne peux en connaître la raison. Elle dépose un baiser sur mon front. Un baiser fugace d'une amie de longue date. Un baiser tendre d'une sœur aimée. Un baiser aux allures d'un adieu. Et m'enlace. Son odeur m'enveloppe un instant, sa respiration calme résonne à mes oreilles mais ne peut m'apaiser, son corps la trahit : il tremble. Elle recule et Marin s'approche à son tour. Son sourire habituel accroché à ses lèvres.
« Tu vas me manquer frangin, lâche-t-il en passant sa main dans mes cheveux. Tu vas me manquer. Oh ça oui ! »
Ma vue se brouille et mes larmes redoublent malgré moi — Qu'est-ce qu'il m'arrive bon sang ?! — Je suis tétanisé. Je ne peux pas parler. Mon corps ne me répond plus. Et les larmes ne tarissent pas. Alors que mon frère me taquine, une dernière fois, Margot nous observe avec bienveillance. Toutefois, son regard, je le connais si bien, exprime autre chose, je le sens. Enfin, elle s'approche. Elle dépose sa main sur l'épaule de Marin et dit :
— Il est temps.
— J'aimerais rester, répond-il après un moment de silence. Encore une seconde.
Je ne l'ai jamais vu aussi ému, il est étrange. Il cache mal son émotion, même derrière son sourire.
— Nous ne pouvons pas. Tu le sais.
Il ne répond pas. Il me regarde.
— Rejoins-le. Je te suis.
Elle ferme les yeux un instant.
— D'accord »
Le halo autour d'elle s'intensifie immédiatement. Lentement, ses pieds, ses jambes, ses hanches, son torse disparaissent. Jamais notre lien n'a été aussi fort. Je le sens grandir encore et encore. Il vibre avec une telle violence, je frissonne de tout mon être.
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Au fil des saisons
Novela JuvenilSous-titre : Eclat adolescence, une odyssée tumultueuse Tout allait bien. Tout allait parfaitement bien. Je ne pouvais rêver mieux : une amie en or et une fratrie soudée. Mais en cette chaude journée de printemps, tout a basculé. Des semainnes après...