Chapitre 20

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(⚠️TW)

Ça fait au moins plus d’une heure que je suis assise, les bras enroulés autour du corps tremblant de Noam. Sa tête est posée sur mon épaule, son souffle chaud effleure mon cou. De toute évidence, il s’est rendormi… Pendant tout ce temps, mon cerveau n’a pas arrêté une seule seconde de retourner en boucle mes angoisses.
Qu’est-ce qui fait si peur à Noam pour qu’il soit autant hanté dans son sommeil ?
Est-ce qu’il a des problèmes ?
Est-ce que lui aussi est brisé ?     Déchiré de l’intérieur ?
Je le serre un peu plus fort contre moi et fourre mes doigts dans ses cheveux, une envie soudaine de le protéger de tout ce qui pourrait le faire souffrir. Il pousse un long soupir, apaisé par mes caresses.
Noam est quelqu’un de si doux, de si gentil, de si attentionné… Il ne mérite pas de souffrir. C’est tout simplement injuste.
Je prends une grande inspiration pour tenter d’apaiser mon esprit frustré. Mes yeux viennent se poser sur la fenêtre qui montre maintenant le bleu uni du ciel. Pas un seul nuage à l’horizon, et pourtant ça m’inquiète… Parce qu’après le beau temps vient toujours la tempête et je ne me sens pas prête à l’affronter. Pas encore.
Quelques minutes s’écoulent avant que je ne sente la respiration de Noam changer. Je comprend rapidement qu’il vient de se réveiller. Je continue de lui caresser les cheveux, le feu inondant mes joues. Soudain, sans prévenir, il se relève brusquement, quittant mes bras. Il se dirige vers son armoir, silencieux, prend un tee-shirt et déclare:
-Rentre chez toi.
-Pardon ?
Le choc me submerge immédiatement. Je ne comprends pas…
-Tu as bien compris rentre chez toi. dit-il d’une voix froide tout en mettant son tee-shirt, l’air de rien. Comme s’il n’était pas en train de briser mes espoirs… L’espoir qu’enfin une personne tienne à moi et veuille bien m’aider.
Le visage déformé par la colère et la honte d’y avoir cru et de mettre ouverte, je me lève à mon tour du lit, contourne Noam pour lui faire face, et lui colle une puissante claque. Sa tête se tourne sur le côté. Il ne remonte pas une fois ses yeux vers les miens tandis que des larmes viennent rouler sur mes joues.
Pourquoi fait-il ça ?
-Va te faire voir, Miller.
Il ne réagit pas, à la place il lève les yeux vers le plafond et me fait signe de partir. J’attrape donc mes affaires, puis sort rageusement de sa chambre sans oublier de le bousculer au passage. 
Je descends en trombe les escaliers et passe devant la cuisine où déjeunent calmement Carmen et Elya. La première m’interpelle, la voix inquiète. Mais je n’ai pas envie de discuter… Je claque la porte derrière moi et me mets à courir sans réel itinéraire.

***

Je crois que je suis perdue. Je suis seule, assise dans un champ. Je crois que je vais rester ici longtemps étant donné que je n’ai aucune envie d’appeler mon père pour qu’il vienne me chercher. Non, je ne veux plus jamais remettre les pieds dans un endroit où il est. Plus jamais.
Mes larmes ont séché sur mes joues, laissant quelques traces sèches sur ma peau. Comment a-t-il pu faire ça ? Pourquoi ce brusque changement de personnalité ? Ce n’est pas Noam, ça ne lui ressemble pas… Mes sentiments pour lui commençaient tout juste à refaire surface…
La nuit commence à tomber au-dessus de moi. Les journées deviennent de plus en plus courtes, nous nous rapprochons doucement de l'hiver. Et je n’aime pas ça. Les autres adorent cette saison car elle évoque la neige, les films de Noël, la bonne humeur, l’odeur de la cannelle embaumant toute la maison. Elle représente la famille, la générosité, les cadeaux.
Mais ma famille est détruite, brisée. Inexistante. Cette saison me fait uniquement penser à l’absence de ma mère. A ce fameux jour de décembre où tout a basculé… Où j’ai perdu la seule personne qui ne m’aimera jamais. Parce que tout me prouve que seule elle tenait réellement à moi. Mon père n’en a plus rien à foutre de mon bonheur ou du mal qu’il me fait, Noam que je pensais sincère vient de me virer de chez lui sans raison apparente, je n’ai plus d’amis…
Une nouvelle larme vient s’échapper de mes yeux bouffis. Un hoquet prend possession de ma poitrine tandis que j’essuie mes joues mouillées.
HONTEUSE.
C’est ce que je suis. J’aimerai me le graver sur la peau, entailler ma chair et marquer ce que mon cœur me crie. Ou plutôt ce qu’il hurle. Tout mon être s’époumone au fond de moi, il crie à l’aide, il crie au désespoir, il crie la souffrance. S’en est douloureux.
Une douleur lancinante vient se répandre dans mon buste. Je pose une main sur mon cœur. Noam aurait dû me laisser m’écraser contre ce fleuve…  Je me déteste.
Une grande bourrasque de vent soulève mes cheveux dans un tourbillon. Sa fraîcheur me fait doucement trembler tandis que je regarde autour de moi. J’aimerai mourir dans ce champ.
Soudain, un klaxon retentit. Je relève ma tête, guettant une possible voiture arriver sur la route d’en face. Alors je vois sa voiture.
Non, non, non…
Alors que je vois la voiture s’arrêter sur le bas côté, ma poitrine se contracte douloureusement, m’empêchant de reprendre mon souffle. Je tente désespérément de respirer, de prendre une quelconque bouffée d’oxygène. Mais je semble bloquer.
Ma panique monte en flèche lorsqu’il descend de sa voiture. Je me relève rapidement et détale en direction de la forêt.
Je ne veux pas l’affronter…
Un torrent dévale maintenant mes joues alors que je cours à en perdre haleine. J'atteins vite les arbres rassurants de la forêt. Je m’y enfonce encore un peu plus. Je préfère largement me perdre dans cet endroit de nuit que de lui faire face. Je tente difficilement de retenir mes larmes pour éviter de faire trop de bruit. Je me planque derrière un arbre fin et me tais.
Ses pas résonnent dans le bois peu de temps après. Des branches craquent sous son passage. Mon cœur bat la chamade et mes poumons me font toujours un mal de chien. Mon cœur bat si fort que j’ai peur qu’il l’entende…
Je ne veux pas le voir, pitié…    
Je sens qu’il se rapproche dangereusement de moi. Je peux entendre sa respiration et sentir son parfum beaucoup trop affirmé. Celui qui empeste mes draps.
Je ferme fort mes yeux, priant silencieusement qu’il ne me trouve pas et reparte. Mais je sais déjà qu’il n’abandonnera pas, il est comme ça. Il me veut.
Soudain plus aucun bruit ne résonne. Le silence recouvre la forêt. Mais ça n’apaise en rien ma panique bien au contraire, elle ne fait que grandir dans l’attente de la suite. La suite… 
Devrais-je appeler quelqu’un à mon secours ? Devrais-je appeler la police ? Je tente une oeillade derrière l’arbre mais personne n’est là. Mes muscles se détendent quelque peu. Je me tourne alors entièrement vers d’où je suis venue. A mon plus grand soulagement, je n'aperçois pas mon père. Je devrais retourner vers le…
-Bouh.
Un cri strident sort de ma bouche avant que sa main ne se plaque contre mes lèvres et qu’il ne m'entraîne vers la voiture, me tenant fermement et me répétant que je ne suis qu’une salope.
-Monte dans la voiture, bordel. s’écrie-t-il.
La peur s’insinue dans mon esprit, bousculant tout sur son passage. Je me dépêche de monter dans la voiture, apeuré. Je boucle ma ceinture et me presse contre la portière pour mettre le plus de distance entre lui et moi. Il rentre en trombe dans l'habitacle et démarre sans un mot, un sourire carnassier scotché aux lèvres. Je ne peux retenir les nouveaux sanglots qui me secouent. Parce que je sais parfaitement ce qu’il va se passer une fois à la maison.
Je vais revivre l’enfer…
-FERME LA ! aboie-t-il.
Mes yeux s’écarquillent, mon coeur s’emballe dans une course folle, l’adrénaline remonte mes veines.
Il est fou
Il tourne sa tête vers moi, liant nos regards. Je plonge dans le vert de ses yeux, n’y découvrant qu’une profonde haine. Seulement et uniquement de la rage. Il faut que je fasse quelque chose sinon je ne vais pas en sortir vivante.
Alors s’en prévenir, je détache d’un coup sec ma ceinture, ouvre la portière et saute de la voiture qui roule à toute allure. Je m’écroule durement sur le bitume, ouvrant mes paumes et mes genoux. J’entends mon père hurler de rage juste avant de faire un demi tour sec. Alors je comprends.
L’adrénaline et la frayeur chassent toutes mes pensées, rendant mes mouvements mécaniques. Mon instinct de survie se réveille, mettant en alerte tous mes sens. Je me relève alors et me mets à courir. Mais une voiture va beaucoup plus vite. Les pneus crissent sur la route avant de percuter mon corps.

Puis le néant.

Born to die before your nameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant