Chapitre 21

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Noam:

-Mais tu es idiot Noam !
-Non, Maman. Je voulais simplement la protéger.
-La protéger ? Elle est à l’hôpital parce qu'elle vient de se faire renverser par une voiture.
Ma gorge se serre. Je l’ai vu aux infos il y a quelques minutes, John apparaît dans le journal télévisé. Il joue le jeu du bon père, dévasté. De ce qu’on sait, il a dit qu’il venait la récupérer et puis quand elle a traversé la route une voiture l'a percuté. Je n’y crois pas une seule seconde et ma mère aussi.
Je regrette ce que je lui ai dit ce matin, je me sens responsable de son accident. Mais je ne pouvais pas lui dire ce qu’était mon cauchemar…
-Je ne voulais pas lui dire ce qui me tourmente et…
-Noam, arrête, tu as fait ça uniquement par ego. Et maintenant tu dois en payer les conséquences.
Je m’arrête net. Non, ce n’est pas ça. Je voulais simplement l’écarter de mes problèmes, elle en a déjà bien trop à elle seule. Je secoue la tête.
- Tu ne comprends pas ? Elle a déjà trop de problèmes.
-Mais elle était prête à t’épauler, s’écrie-t-elle.
Je passe ma main tremblante sur mon visage, me tassant un peu plus dans mon siège. J’ai honte. Honte de ne pas avoir assuré le rôle que je me suis donné. Je n’aurais jamais dû lui demander de rentrer chez elle. C’était si bête… Je m’en veux terriblement maintenant que le mal est fait.
Mais c’est trop tard. Et à cet instant même, elle lutte pour rester en vie. Ou peut-être qu’elle est soulagée de pouvoir se laisser aller au néant, soulagée de partir. Non, non, non, non…   
-Va plus vite, maman, je t’en supplie, soufflais-je.
-Je ne vais pas risquer un accident, prends ton mal en patience, répondit-elle d’une voix dure.
Je tourne la tête vers elle, ma souffrance et mes regrets se transformant rapidement en colère. Je la regarde froidement et murmure rageusement:
-Comment veux-tu que je “prenne mon mal en patience” ? Vas-y explique moi. Expliques moi comment je suis censé me détendre et attendre calmement les minutes passer alors que l’amour de ma vie est entre la vie et la mort ? DIS MOI MAMAN.
Son visage reste impassible. Elle murmure alors des mots vrais qui pourtant me mettent plus bas que terre:
-C’est uniquement de ta faute si “l’amour de ta vie” est à l’hôpital.

Le pire c’est qu’elle a raison. 

***

La voiture n’est même pas complètement arrêtée que je sors en trombe de l’habitacle et cours jusqu'à l’accueil de l’hôpital. Un monsieur avenant me reçoit et me demande ce dont j’ai besoin.
-Je… une jeune fille vient d’arriver, je balbutie.
-Son nom s’il vous plaît.
Il est le plus calme du monde alors qu’Athéna va peut-être laisser sa vie dans cet accident. Je ne peux retenir la larme qui perle au coin de mon œil.
-Athéna Smith. 
-En réanimation.
Mon visage se décompose, le sang dans mes veines se glace. Non, ce ne peut pas être vrai… C’est encore ce cauchemar. Je préfère quand c’est moi qui y meurt.
Le temps autour de moi se met comme en pause lorsque je cours en direction de la réanimation. J’entends au loin des personnes me crier que je dois demander la permission et attendre. Mais comment pourrais-je attendre ? Je l’aime.
Après un moment, j’arrive le souffle-court devant une porte battante. Réanimation. J’ai peur de pousser cette porte. Qu’est-ce que je vais y découvrir ? Je ne suis pas courageux, je n’ai jamais prétendu l’être…
-Qu’est-ce que vous faites là, Monsieur ?
Je pose mon regard vide sur une vieille infirmière. Elle doit se rapprocher de la retraite, vu son apparence de gentille mamie. Ça ne l’empêche pas d’avoir une certaine prestance dans sa blouse blanche.
-Vous êtes infirmière ?
-Je suis médecin, mon grand. Je ne répéterai pas deux fois ma…
-Ma petite amie est ici. J’ai besoin de la voir, je vous en supplie.
Je l'implore du regard, mes larmes dévalant encore mes joues. Je prie silencieusement pour qu’elle accepte même si j’ai bien compris que ce n’était pas réellement autorisé. Elle finit par répondre:
-Tu as de la chance que je sois sensible et que j’ai connu ta grand-mère, dépêche toi. 
-Dana ? demandais-je interloqué.
-Oui. J’étais sa médecin.
Je renifle et mets le masque et les gants qu’elle me tend, le cœur soudain lourd.
-Mieux vaut être prévenant.
Elle me guide ensuite vers la chambre de ma Divine. Je lui demande comment elle va mais sa seule réponse est:
-Attends ici. On l'a réanimé il y a peu, je viens voir comment avance les choses. 
Elle ne prend pas le temps d’écouter ma réponse qu’elle rentre déjà précipitamment dans la chambre. Je ne lui en veux pas, au contraire. J’attends alors de longues minutes, mes pensées me bouffant un peu plus chaque seconde. Les remords m'assaillent, me compriment le cœur.
Soudain, la porte se rouvre et le docteur en sort. J’inspecte son visage, cherchant le moindre indice qui expliquerait son état. Mais elle est impassible. Sa voix douce et sûre emplit alors le couloir:
-Elle n’est plus entre la vie et la mort. Son cœur bat normalement, sa pression artérielle est encore un peu basse mais tout est sous contrôle. Sa tête a pris un choc, je l’ai diagnostiqué avec un léger traumatisme crânien. On lui a également plâtré sa jambe et son bras gauche. Elle a aussi deux côtes cassées mais ils n'ont pas atteint les poumons, par chance. On lui a donné des antis douleurs.
Je pousse un soupir de soulagemment, tout va mieux.
-Et avant la réanimation, elle avait quoi?
-Elle a fait un arrêt cardiaque.
… 
Je perds pied, c’est comme si le sol s’échappait sous mon corps. Elle a échappé à la mort… Elle aurait pu y passer par ma faute. Ces mots tournent en boucle dans ma tête, me torturant au plus au point.
-Monsieur, il vous faut un morceau de sucre.
Elle appelle un infirmier au loin et lui demande de me raccompagner dans la salle d’attente. Je me laisse faire, une brume recouvrant le monde autour de moi. Je jette tout de même un dernier regard derrière moi.  Athéna…
-Je suis désolé… je souffle.

Born to die before your nameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant