Red Sun

Chapitre 25

Tate

Je suis en cuisine depuis un certain temps, maintenant. Je n'ai toujours rien avalé, mais c'est toujours mieux de rester là, que de rester coincé avec Jody qui est juste à côté. La lumière du jour éclaire la pièce d'une lueur douce, jetant des ombres sur les murs d'un blanc immaculé. J'essaye de me concentrer sur quelque chose, n'importe quoi, même sur le plan de travail, mais mon esprit s'égare sans arrêt vers Winter. Elle doit toujours se reposer à l'heure actuelle. Je pense aussi à mon père, qui est avec Alexander, qui doit essayer de vérifier la version de ma meilleure amie.

On va espérer qu'il ne fasse pas son Juda. L'espoir fait vivre.

J'espère qu'il suivra le plan, mais une partie de moi doute. Qui suis-je pour lui demander d'être de notre côté alors que mon père est devenu quelqu'un d'important pour lui ? Il doit également se poser des questions sur les possibles conséquences. Tout peut déraper à tout moment... peu importe que mon frère adoptif dise la vérité ou non. Si j'en ai l'occasion, je voudrais lui demander pourquoi il a suivi mon père et peut-être, comment il vivait dans la rue, et même avant. Il y a forcément un avant. Je jette un œil dans le couloir et vois Jody qui me lance un sourire plutôt flippant, ses yeux brillant d'amusement. Mon coeur se serre, mais je fais de mon mieux pour ne pas le montrer. Jody s'avance vers moi, sa démarche lente et calculée, comme un serpent rampant vers sa proie.

— Alors, la tarlouze, commence-t-il avec une voix traînante, c'était bien ces derniers jours tout seul ? C'était comme des vacances, non ?

Je serre les poings sous la table, tentant de garder mon calme.

— C'était pas mal, réponds-je avec une voix trop aiguë à mon goût.

Le bras droit d'Orion rit doucement, un son qui résonne dans toute la cuisine commes des ongles sur un tableau noir.

Il gagnerait n'importe quel casting pour incarner un antagoniste.

— T'oublie les bonnes manières, me reproche-t-il en croisant les bras sur son torse. D'ailleurs, sacrée coïncidence, non ? Tout ça, ce qui arrive. Des ennuis qui tournent autour de gens qui t'ont côtoyé. Tu portes vraiment la poisse.

Je déglutis. Orion ne m'a rien dit. Il ne m'a pas mis la faute dessus tout ça mais, on dirait que pour Jody, tout est excuse pour me faire la misère. Il observe mes réactions et je n'ose pas répondre. Il me fixe avec ses yeux perçants puis grogne.

— C'est dans vingt jours ton anniversaire, non ? Tu auras ta marque et ensuite ta première mission. Quel chanceux ! J'ai une idée ! Je pourrais t'accompagner !

Le rappel de mes dix-huit ans me glace le sang. La marque. La mission. Ma première et ma dernière. Et j'ose espérer que cette idée de m'accompagner n'est là que pour me faire peur.

Pourvu que ça n'arrive pas. N'importe qui sauf lui...

Jody continue de parler, mais je l'entends à peine, mon esprit imaginant tous les scénarios possibles. J'ai envie de vomir. Jody serait capable de prendre son temps pour me torturer avant de me tuer ou me jeter aux ennemis et me laisser comme ça. Je suis comme ces pauvres animaux destinés à l'abattoir, mais, au moins ces pauvres bêtes vivent sans savoir jusqu'à la fin. J'aurais préféré être du côté ignorant. Je me dis que je vivrais peut-être mieux aujourd'hui. Je sors de mes pensées en entendant un claquement sec venant de ma chambre, puis des bruits de pas pressés qui descendent les escaliers. Orion se montre quelques secondes plus tard, furieux.