Alexander
Quelques heures plus tôt.
C'est tout de même incroyable à quelle point le monde se fout de moi. Je me dirige vers la salle de sport, non sans avoir d'abord essayé de trouver Winter qui reste introuvable, pareil pour Tate, que je tombe sur la seule personne que je ne voulais pas voir avant très longtemps.
Caleb.
Voir le médecin me fout les boules dès le matin. J'aurais peut-être dû boire de l'alcool au réveil au lieu d'un simple jus d'orange. Mais trop tard. Et ça fait vraiment chier parce que je me doute des pensées qu'il doit avoir me concernant. Il est là, avec son regard noir dans ma direction, et son sourire perfide qui dévoile ses dents. Si j'étais une personne lambda qui le croisait dans la rue, je changerais vite de trottoir. Je souffle et arrive enfin pour commencer à m'échauffer, mais évidemment, le médecin débarque deux secondes après. À croire qu'il me suit. Mais je l'ignore, me concentrant uniquement sur moi.
— On ne t'as jamais appris la politesse ? demande Caleb l'air de rien.
Je serre les dents mais ne réplique pas. C'est ce qu'il cherche à faire. Il ne veut que me provoquer cet abruti. Et il est plus âgé que moi ? On dirait un gosse. Surtout vu sa façon de me coller actuellement. Mais je suis désavantagée ici. Même si je suis le "protégé" d'Orion, je reste le nouveau. S'il se passe quelque chose, et qu'il n'y a personne autour, ils le croiront, lui. Il en profite bien le bâtard.
— Faudrait pas que tu te fasses mal aujourd'hui, sinon je devrais te soigner... , déclare Caleb, un rictus cruel étirant ses lèvres.
Je retiens de justesse mon grognement. Je sais très bien ce que ces paroles signifient. Caleb ne me soignerait pas, ça serait même le contraire. Il n'y aurait que sous la contrainte du Boss qu'il le ferait. C'est comme ça que ce type fonctionne. Je commence mes exercices, même si je sais que je suis toujours fixé.
Il n'a rien d'autre à faire ce connard ?!
Comment Tate arrive à supporter tout ça ? Il est complètement maso. Avec son cœur pur et son âme lumineuse. Il est comme un rayon de soleil au milieu de l'obscurité, une force qui refuse de plier sous le poids des ténèbres. Je secoue la tête, chassant mes pensées et commence une série de tractions. De toute façon, je ne suis pas comme Tate et le serait jamais. Ce n'est clairement pas pour moi. J'ai mes limites.
***
J'achève ma dernière session d'abdos dans un grognement. La salle de sport est déserte à cette heure. Midi. Même Caleb a dû abandonner son cirque de provocation et voyeurisme pour aller soigner je-ne-sais-qui. Ma santé mentale remercie son patient. Mes muscles brûlent encore de mes efforts précédents, mais j'accueille cette sensation avec plaisir. Ces entraînements me font du bien, à mon corps tout comme à mon esprit. J'attrape ma serviette, j'essuie mon visage puis je me dirige vers les douches. Maintenant que je suis seul, mes pensées vagabondent vers Tate. Je trouve ça bizarre qu'il ne se pointe pas. Même sous la contrainte. Orion veut toujours qu'il s'entraîne avec Jody d'habitude. Je ne l'avouerai sans doute jamais à voix haute mais, ça me manque un peu notre cohabitation. Et de plus, maintenant, je ne peux pas voir ce qu'il devient. Tout comme Winter que je n'arrive jamais à voir. Est-ce qu'elle va bien ? Je me sens vraiment impuissant. C'est une sensation merdique. Je me douche rapidement et enfile un tee-shirt noir et un pantalon de la même couleur, je sors ensuite pour chercher quelque chose à manger dans siège des Red Sun, lorsque j'aperçoit une silhouette familière en train de zigzaguer entre les différents hommes présents. Un immense soulagement m'envahit. C'est Winter. Elle a l'air d'aller bien. Ses cheveux sont toujours aussi magnifiques. Elle porte un débardeur noir et un jean troué au niveau des cuisses. Qu'est-ce que je veux faire au final ? Lui dire bonjour ? Demander si tout va bien depuis cette mission qui n'était qu'un test ? Tout ça, à cause de moi ? Je ne comprendrais sûrement jamais pourquoi Orion avait voulu qu'elle l'accompagne mais...Elle n'était pas à l'aise, vraiment pas. Winter passe juste à côté de moi et lorsqu'elle me remarque, son visage se ferme. Elle est clairement en colère. J'hésite vraiment à faire demi-tour, mais je dois lui parler. Je souffle et attrape son poignet.
— Attends, lançé-je en me rapprochant plus près d'elle.
Elle se retourne et me fusille du regard.
— Qu'est-ce que tu veux, Hélios ? me demande-t-elle.
— On doit parler, je murmure pour que d'autres ne nous entende pas.
— Tu veux parler maintenant ? rétorque-t-elle tout en se forçant sur son poignet pour que je lui lâche. J'ai du travail je te signale et j'ai autre chose à faire que parler à un abruti dans ton genre.
Winter croise les bras et je fais de mon mieux pour pas que mon regard dérive. Mais il semblerait qu'elle ait remarqué parce qu'elle grogne.
— Eh ! Avant tu faisais le mec taciturne, puis ensuite le mec qui devient un peu sympa, puis ensuite le chouchou du boss qui a droit à son indépendance ? C'est de ça que tu veux parler ?
Le chouchou ? Je ne vois pas vraiment les choses de cette manière.
— Winter s'il-te-plaît, dis-je, on ne peut pas parler ici. J'ai dû déménager...
Winter souffle mais si elle reste devant moi, je suppose que c'est bon signe. Je réfléchis à un endroit où discuter tranquillement quand je pense à Tate. Je souris à la brune qui, elle, lève un sourcil.
— Si la conversation ne te plaît pas, commencé-je, tu pourras partir. Mais suis-moi. On va prendre une chambre.
***
Je ne sais pas par quel miracle j'ai pu convaincre Winter de m'accompagner dans une chambre, mais j'ai réussi.
C'est peut-être un jour de pleine lune.
Les autres qui nous ont sûrement vu pensent qu'on va baiser. Je comprends mieux pourquoi Tate utilise cette technique, ça fonctionne vraiment bien ! Winter regarde le lit puis au final, se tourne vers moi.
— Bon, commence-t-elle, je me doute que pour toi apprendre que cette foutu mission n'a été qu'un test. Pour moi aussi ça m'a fait chier, autant pour toi que pour moi. Ils m'ont envoyé avec toi pour je ne sais quelle raison et franchement maintenant j'en ai rien à faire...Mais depuis, tout à changer ! Tu déménage dans un appartement et laisse Tate tout seul !
Ok, elle est vraiment en pétard mais également inquiète, ce que...je comprends. Je ne pensais pas que ce serait possible, surtout pour de l'inquiétude. Je serre ma mâchoire, nerveux. Bordel je suis nerveux ! Je ne sais pas si c'est à cause de Winter ou si c'est penser à Tate qui est finalement tout seul dans cette grande maison. Pas qu'il se soit passé des choses horribles là-bas, mis à part lorsqu'Orion lui avait foutu une petite raclée. Mais comme Orion ne bouge plus...Mais c'est vrai que d'autres pourraient venir...Je réfléchis à tout ça quand une question me taraude :
— Tu as des nouvelles de Tate ? questionné-je la brune, la voix basse.
Winter cligne des yeux, surprise, puis détourne le regard.
— Un peu, avoue-t-elle. Je ne lui dis pas grand-chose de mon côté pour ne pas l'inquiéter et comme d'habitude il dit que tout va bien. Mais je le connais assez pour savoir que c'est faux.
Hm. Je vais peut-être regretter cette question et je connais sûrement la réponse mais...
— Tu ne veux pas aller le voir ?
Winter lève les bras en l'air, indignée et s'éloigne le plus possible de moi.
— Tu crois que je n'y ai pas pensé ? crie-t-elle. Je ne veux pas m'éloigner trop de ma mère et en plus si je vais voir Tate, quelqu'un peut me suivre ! Je te rappelle que c'est la maison d'Orion aussi. On ne peut pas y rentrer comme dans un moulin ! Et si Orion débarquait pile à ce moment-là ? Je ne veux pas imaginer les conséquences !
Elle lâche un soupir et me regarde, tandis que je reste muet. Je me doutais bien qu'il y avait quelque chose avec sa mère et elle vient de me le confirmer. Mais je vois aussi qu'elle a vraiment peur d'Orion. C'est compréhensible, surtout depuis le jour de mon anniversaire.
— En plus, qu'est-ce que tu en as à faire de tout ça ? continue Winter en commençant à frapper un oreiller sale. Tate est le seul à avoir voulu avoir une relation avec toi. Tu sais qu'il voulait qu'on traine ensemble ? Que vous soyez amis ?
Je fixe Winter comme si elle venait de me sortir un problème de maths vraiment compliqué. Je suis un peu déboussolé. Tate veut être ami avec moi ? Pour moi il est juste amical avec tout le monde. Bravo ! Maintenant je dois répondre à ça !
— Je ne le savais pas, je reconnais. Enfin, je ne l'avais pas vu sous cet angle. Ou je ne voulais pas le voir. J'en sais rien.
Les traits de la brune s'adoucissent et je crois voir l'esquisse d'un sourire quelques secondes, mais cette vision s'envole aussi vite qu'elle est venue. Elle regarde ailleurs pendant plusieurs secondes avant de se tourner vers moi, laissant ce malheureux coussin tranquille d'ailleurs.
— Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ? demande-t-elle avec un air légèrement plus léger. Je veux dire, pour aujourd'hui ? Je vais réfléchir de mon côté concernant Tate.
Eh bien, je ne m'attendais pas à ça. Est-ce que ma réponse à changer un peu son point de vue à mon sujet ? Je ne vois pas en quoi mais passons. Aujourd'hui, eh bien, j'espère juste ne pas me faire attaquer par un médecin rancunier.
— Si je ne me fais pas attaquer par Caleb en chemin, je déclare, je vais rentrer tout simplement à l'appartement.
— T'as vu Caleb aujourd'hui ?
— Oui, je souffle en passant une main dans mes cheveux. Il m'a collé pendant toute ma séance de sport et gentiment menacer. S'il veut m'attaquer, il le fera en dehors de l'organisation et avant que je n'arrive chez moi. Il y a des caméras et à mon avis il ne veut pas de témoins.
Winter sort son téléphone portable de sa poche et envoie un message.
— Donc s'il y a témoin il ne tentera peut-être rien, surtout seul. Je vais t'accompagner jusque chez toi.
— Ce n'est pas...
Winter réduit la distance entre nous au point que j'arrive à sentir son odeur et observer ses lèvres fines. Je me retiens difficilement de poser mes mains sur ses hanches et de la porter jusqu'au lit. Pourquoi j'ai autant de pensées lubriques ?! Et la voir sourire n'arrange rien.
— Je ne te laisse pas le choix, Hélios.
***
Je suis sorti du bâtiment quelques minutes avant Winter, pour pas que les autres se posent des questions ou en parlent au Boss. Maintenant elle m'a rejoint et nous marchons en silence vers mon appartement. Ce n'est pas si loin d'ici de toute façon. Il y a juste un garage avant, une supérette et pour finir l'immeuble. On est encore en été donc il fait encore jour, c'est un avantage je suppose, au cas où Caleb débarque. S'il le fait. Je ne le connais pas assez pour savoir s'il va mettre sa menace à exécution. Il a peut-être trop peur de la réaction du boss, surtout s'il y a un risque que je le bat. Winter me sort de mes pensées en me faisant un coup de coude à la hanche.
— Reste sur tes gardes, me chuchote-t-elle en regardant rapidement dans chaque coin.
Je réponds par un léger signe de tête. Chaque muscles de mon corps est tendu, prêt à réagir. Le silence entre nous me perturbe, ce qui est toujours étrange avec cette fille, d'habitude j'apprécie le contraire. Mais je n'engage pas la conversation parce que je ne sais toujours pas si une partie d'elle est toujours en colère et je ressent un frisson dans mon dos au même moment. Nous sommes suivis.
J'accélère le pas, et je vois la ruelle qui longe mon immeuble. Parfait. Je suis presque certain qu'il n'y a pas de caméras ici. Je fais un signe discret à Winter pour qu'elle comprenne qu'il faut tourner et entrer dans la ruelle. Elle hoche la tête et me suit rapidement. Une fois à l'intérieur, nous nous plaquons contre le mur et attendons, retenant notre souffle.
Quelques secondes passent, puis, comme prévu, Caleb apparaît. Mais je n'avais pas du tout anticipé qu'il ne viendrait pas seul ! Jeff est avec lui, tout comme un autre type, Ben je crois. Une armoire à glace de la trentaine, avec des cheveux courts, blonds, et des yeux bleus ciel plein de malice. Mon regard se pose sur Caleb, et je remarque assez vite le flingue qu'il tient. Mon cœur bat plus fort.
— Comme on se retrouve Hélios, ricane le médecin. Je t'ai prévenu tout à l'heure.
— Oui, je réponds calmement, je m'en souviens. Mais tu n'avais pas dit que tu serais accompagné. Tout seul, tu as peur de perdre ?
— Tu peux parler, rétorque Jeff en montrant Winter du menton. Tu te fais accompagner aussi.
Winter sourit avec un air de défi, c'est ce qui me pousse à lui glisser mon couteau entre les doigts discrètement pour que les trois autres ne le voient pas. Je ne tourne pas la tête mais murmure à son attention :
— Aller, Bambi.
Je sais que ça va l'énerver et j'espère la motiver. Caleb se rapproche de moi, le visage dur par rapport à tout à l'heure. Ça devient sérieux. Je ne suis plus armé mais je pense pouvoir m'en sortir contre lui. Il braque son flingue vers moi.
— Je vais me venger pour ce que tu as fait l'autre fois le nouveau ! Cri le médecin.
Eh merde !
J'évite habilement la balle qui a failli rentrer dans mon crâne et je lui fends un uppercut dans le menton. Caleb s'effondre sur le sol, sûrement un peu sonné. Jeff n'attend pas de voir si son pote se relève pour se jeter sur moi. Je me prépare à parer son attaque, mais Winter charge vers nous et plante Jeff à l'abdomen. Je réagis immédiatement et balaie les jambes de Jeff d'un violent coup de pied. Mais je ne pensais déjà plus à Ben qui en profite pour me frapper violemment dans le dos. Je grogne et m'écroule au sol, abasourdi par le choc.
Je n'arrive pas à voir ce que Winter fait, mais elle doit se battre avec Ben. Elle doit résister. J'entends le son d'une gifle. Je prends appui sur mes coudes pour me relever un minimum, quand je vois ma coéquipière porter un coup de genou dans les bijoux de famille du blond, d'un coup sec et rapide. Je me retiens de sourire.
Bien joué, Bambi !
Elle est vraiment forte. Et vraiment belle avec tout ça. Je crois qu'elle va utiliser le manche du couteau pour assommer Ben lorsque je me redresse, mais je n'ai pas vraiment le temps de visualiser qu'une douleur vive m'arrache un gémissement. J'ai l'impression de m'être pris une décharge électrique dans l'épaule. Quelqu'un m'a tiré dessus. Je sens un liquide chaud et je suis incapable de bouger mon bras. Je porte une main sur mon épaule quand Caleb se jette sur moi.
— Aller enfoiré, commande-t-il, fais-moi le plaisir de crever.
— Non ! Hurle Winter qui doit sans doute se rapprocher de nous.
Bordel, je ne sais même pas si la balle a traversé ou non ! Le médecin appuie son poing sur ma blessure. Il sait où faire mal ce connard !!
Evidemment, c'est le médecin de l'organisation !
Il essaie de m'immobiliser avec ses jambes et me frappe avec l'autre bras à la poitrine. Il le fait plusieurs fois et j'ai vraiment l'impression de ne plus pouvoir respirer. En plus de la douleur à l'épaule, d'autres arrivent. Si avec ça je n'ai pas des côtes cassées, c'est que je suis aussi chanceux que Charlie quand il a eu le dernier ticket d'or Wonka.
Oui, j'ai quelques références cinématographiques.
Caleb lâche mon épaule pour essayer de récupérer le flingue je pense, mais non. J'hurle quand il enfonce une lame dans mon torse. Putain !
Je ne peux rien faire, vraiment rien ! Saleté !
J'ai toujours les yeux ouverts mais j'entends un énorme bourdonnement et je suis incapable du moindre mouvement. C'est comme si les blessures, c'est quelqu'un d'autres qui les as et que je regarde juste avec ses yeux. Je crois voir Winter prendre le flingue et tirer sur Caleb. Puis elle se précipite vers moi et essaye de poser quelque chose à mon épaule ou mon torse...Je ne sens plus vraiment... Elle veut me faire les premiers soins ? Je ne sais pas. Je ne comprends rien à ce qu'elle me raconte en plus, mais je crois qu'elle essaie de m'aider à me redresser quand elle termine. Je n'arrive même pas à placer un mot. Mais je parviens tout de même à entendre un nom :
Tate.
***
Winter nous a fait monter dans une voiture. Le trajet a été interminable, du moins, c'est l'impression que j'en ai. La nuit est tombée à présent, et lorsque nous arrivons enfin, je peine à reconnaître la maison d'Orion. Merde, je crois que j'ai perdu trop de sang. Mon corps entier hurle, chaque mouvement intensifiant la douleur. Winter n'est pas médecin, et je ne suis pas certain que ce qu'elle a essayé de faire soit vraiment efficace. Elle m'aide à sortir de la voiture et à marcher. Je me raccroche à elle, chaque pas étant une lutte pour ne pas m'effondrer. Elle crie pour appeler Tate, encore et encore, sa voix résonnant dans toute la propriété. Alors que nous nous approchons un peu plus de la maison, la porte d'entrée s'ouvre brusquement. À cet instant, mes jambes lâchent et je perds connaissance.
VOUS LISEZ
Red Sun
Roman d'amourTate va mourir à 18 ans. Il le sait depuis bien longtemps. C'est sa destinée. Peu importe comment. Sa première mission chez les Red Sun va le tuer. Tate s'y ai fait mais il ne voudrait tout de même qu'une seule chose: qu'au moment où il rendra so...