Chapitre 28

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Alexander




11 ans plus tôt

Ce matin, le silence règne dans la maison. Il n'y a aucune odeur. Normalement, il devrait y avoir l'odeur du café que maman s'entête à préparer, même si papa n'en boit plus trop. Et aussi des pancakes avec du sirop d'érable. Mais aujourd'hui, rien. Maman n'a rien préparé et papa doit déjà être parti, ou peut-être qu'il n'est pas rentré cette nuit. Je suis donc censé me débrouiller tout seul. Je commence à en avoir l'habitude. Peut-être que maman est dans un jour sombre et est dans sa chambre. Parfois, quand sa maladie la fait être mal, je dis toujours que c'est un jour sombre, ou noir, ça dépend. Les bons jours sont rares, autant que les entre-deux. Je fais bien attention maintenant. Je veille sur elle, peu importe le jour. Mais pour les jours comme la fois où elle a fracassé la voiture du voisin, je ne pouvais rien faire, ou quand elle a voulu faire des travaux à la maison, qu'elle n'a jamais terminé et que papa a dû tout remettre comme avant. J'ai aussi peur quand elle dépense beaucoup d'argent. Ce sont les économies de papa, et elle s'en sert pour payer de tout et n'importe quoi, parfois même pour moi. Elle m'a payé plusieurs peluches de dinosaures alors que je ne suis plus intéressé par ça depuis un petit moment, mais je n'avais pas le coeur à lui dire. Papa a dû tout rendre pour récupérer son argent. Tout ça me perturbe tellement que je n'écoute plus les cours à l'école. En plus, les autres enfants se moquent de moi parce qu'ils traitent ma mère de folle et mon père d'alcoolo. J'en ai parfois marre. Mais ce n'est pas de leur faute. Maman est malade et papa n'arrive juste pas à gérer. Ils ne peuvent pas comprendre, personne.

Mais ce silence me met mal à l'aise, je ne sais pas pourquoi. Je sors un jus de fruits du frigo et me sers un verre, las. Je réfléchis à la suite et des tartines me semble une bonne idée. Je prends la confiture quand j'entends des bruits venant des escaliers, comme si quelqu'un tombait au ralenti. Je me dis que c'est maman et c'est ce qui m'inquiète, donc je lâche tout et décide de voir ce qu'il se passe.

J'espère ne pas avoir à appeler les urgences !

Au milieu des escaliers, je vois ma mère. Elle est là, avec une assez grande valise de couleur bleu. Je crois que c'est papa qui lui a offert. Maman est vêtue d'une longue robe blanche, ce qui est assez rare et suspect. Elle est dans un bon jour, il n'y a pas de doute possible. Elle a l'air différente, agitée mais souriante, un sourire large dont je dois me méfier, je le sais. Mais ça pourrait être pour nous proposer une sortie, donc je me force à me détendre un minimum. Je m'approche d'elle, confus et prudent.

— Maman, qu'est-ce que tu fais ?

Elle me regarde, son sourire toujours accroché à ses lèvres, ce qui ne me rassure pas. Ses yeux brillent d'une lueur que je n'arrive pas à comprendre.

— Oh chéri, s'exclame maman en descendant le reste des escaliers, je sais ce que je veux faire maintenant ! Je vais être heureuse !

Je fronce les sourcils, ne comprenant rien à ce charabia.

— Je ne comprends pas maman, dis-je en la dévisageant du regard. Est-ce que tout va bien ?

— Mais bien sûr que ça va ! Et encore plus lorsque je serais partie !

— Partie ? demandé-je, déconcerté. Partir où ? Et où on va ? Il faut attendre papa avant de faire ça.

C'est une première qu'elle veuille quitter la maison sur un coup de tête. Bien sûr, elle parle des villes et des pays qu'elle voudrait visiter à table ou pendant des soirées devant la télé, mais en dehors de ça, elle n'a jamais embarqué personne pour un voyage surprise.

Red SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant