Chapitre 2 - Chiara

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4 juin 2019

À l'aube d'une nouvelle journée, nous emmenons les corps des contaminés dans au crématorium de Taran. Le fossoyeur, du même nom, nous a laissé les clés pour qu'on puisse s'en débarrasser en toute discrétion. Notre mission d'extermination doit rester secrète. Seuls une poignée d'habitants, sélectionnés selon des critères précis, sont au courant de nos activités. Ils font partie de l'élite de l'agence, appelés les nettoyeurs. Ils nous aident à cacher nos victimes et à faire disparaître les traces, les plus infimes soient-elles. En contrepartie, nous les rémunérons à la hauteur du double d'un salaire de cadre et les protégeons des forces de police. Souvent, ce sont eux qui les mènent au crématorium. Hélas, cette fois-ci, ils n'ont pas eu le temps d'effectuer cette sale besogne, car l'apparition de ces contaminés était anormale. Ils ont pu les ramener à la morgue, en nous laissant l'immense joie de nous occuper des trois cadavres.

Cela va faire deux heures que nous sommes dans la chambre de crémation. La lumière artificielle se reflète sur le banc en bois de pin, sur lequel je suis assise. Mon regard se pose sur mon père et River, occupés à transférer le troisième corps du brancard sur un tapis roulant qui l'emmène vers des flammes, sorties d'un immense four.

Mon frère m'a taquiné sur le fait que je pouvais ouvrir mon propre commerce avec le don que je possède. C'est hors de question ! Si quelqu'un venait à le savoir... Je n'ai pas envie de devenir un sujet d'expérience.

La silhouette ombrageuse de mon pire cauchemar traverse mon esprit.

"Respire. Ne te laisse pas submerger par ses mauvais souvenirs. Tu n'es plus la même qu'à cette époque." me réconforte la voix dans mon crâne.

Je respire difficilement.

— Chiara, m'interpelle mon père d'un ton inquiet.

Je me lève du banc.

— Tout va bien papa, j'ai juste envie de prendre l'air, lui réponds-je avant que mes pas quittent la pièce.

L'aurore pointe à l'horizon, annonçant une journée pluvieuse. Le vent souffle fort au moment où je reprends mes esprits. Je resserre ma veste, réajuste mon cache-nez jusqu'à mes yeux et patiente le temps que ma famille termine leur rite funéraire. Le fossoyeur attend à la sortie. Nous lui rendons les clés, le saluons pour enfin monter dans la voiture.

Le voyage jusqu'à la maison est court. Ma tête repose contre la fenêtre. Bercée, je somnole. La voiture s'arrête. Mes yeux s'ouvrent pour découvrir qu'ils m'attendent dans l'allée. Ils m'ont laissé émerger toute seule. Je suis contente, car souvent après une traque éprouvante, je suis épuisée physiquement et psychologiquement. Même si mon expression neutre ne le leur montre pas, j'apprécie quand ils me laissent dormir. Cette courte sieste m'a reboostée. Sur ce, je quitte mon siège pour rejoindre ma famille aux visages découverts, mon cache-nez rangé dans le coffre.

Je m'étonne de les trouver avec une femme qui attend devant la porte d'entrée. Qu'est-ce que cette inconnue fait chez nous, à une heure aussi matinale ?

Les contaminés ont beau ne pas être dangereux cette nuit, cela n'empêche pas la prudence.

Je rejoins mon père et mon frère. La dame, coiffée d'un chignon, ne cesse de m'observer, je la regarde avec froideur. Elle se rend compte de ma méfiance et s'empresse de me rassurer.

« Aie confiance en cette femme. Tu ne risques rien.» me murmure la voix dans mon esprit.

— Messieurs Miller, Mademoiselle, je ne vous veux aucun désagrément, je souhaite juste discuter avec vous, argumente-t-elle d'un ton courtois.

Le sang Noir, tome 1 : résonance mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant