Chapitre 18 - Ayden

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Nouvelle lune, 2 juillet 2019

Ces mots me troublent depuis qu'elle a quitté ma chambre. Pourquoi met-elle autant de distance entre nous ? Pourquoi est-elle aussi persuadée que je l'oublierai ? Je me souviendrai toujours d'elle, de ses mimiques ou de sa curiosité pour les antiquités. Mais surtout, ses réactions spontanées, bien qu'elle tente de les cacher, resteront gravées dans ma chair.

Je caresse le foulard accroché à mon poignet et repense à son visage surpris et ému, lorsqu'elle l'a aperçu sur moi. Ce tissu doit être important à ses yeux. Il est le reflet de sa véritable personnalité : celle d'une personne qui se cache derrière une timidité excessive.

Je pousse la porte de la cuisine et m'assois sur un des tabourets.

Nadia, croisée dans le couloir, m'a prévenu que Saya était dans le jardin des roses et m'a déconseillé de la rejoindre. J'ai rongé mon frein, afin de garder le contrôle pour ensuite prendre congé de la gouvernante.

Mes ongles tapotent la table tandis que mon regard songeur scrute les aiguilles de l'horloge approcher l'heure fatidique. Je râle, ennuyé, de devoir lui servir de chauffeur à cet homme détestable.

Je n'ai pas envie d'y aller, mais j'ai promis à Milton et je tiens toujours mes engagements.

Je suis plongé dans mes pensées, lorsque des mains me cachent la vue. Une personne était dans la cuisine avec moi et je ne l'avais même pas remarqué. Un rire aigu me permet d'identifier l'individu. Je pose mes mains sur les siennes et les retire de mon visage avant de me retourner.

— Shelby...

Elle m'interrompt en m'embrassant subitement sur la joue. J'émets un sursaut et proteste.

Rieuse, elle claque un autre bisou sonore. Je râle, détourne la tête en soupirant.

Qu'est-ce qui lui prend ?

Je la dévisage. Elle ne fait que me sourire et attend ma réaction. Je fronce les sourcils, cherche dans ma tête ce qu'elle souhaite. Je ne vois rien. Ma mine perplexe lui fait perdre son engouement. Ses yeux gris me fusillent du regard et me provoquent des frissons.

Ce comportement bizarre et changeant, il me rappelle quelque chose. Je me creuse les méninges. Aujourd'hui, Pascal, le père d'Alexandre, est attendu au manoir. Il vient pour y séjourner un temps indéterminé. Sa venue me ravit, à l'inverse de Shelby.

Cette dernière ne cesse de soupirer, et comme d'habitude, tape du pied. Elle me prend le menton de ses doigts fins pour me forcer à la regarder. Ces prunelles grises continuent de me lancer des éclairs. Progressivement, une mélodie rapide vibre en moi. Mes doigts me démangent à la fois que mon pouvoir brûle intérieurement.

C'est différent. Pas une résonance qui m'indique la présence de Saya.

Non, c'est le même phénomène lorsque Papi-Lou est en phase extrême d'instabilité. Il perd totalement le contrôle de son corps, n'a pas conscience de ce qu'il fait et devient enragé. Cet état grave arrive souvent lors des pleines lunes et plus récemment des nouvelles lunes, où l'influence lunaire est à son apogée.

Je l'ai compris au cours de ma première année au manoir. Aujourd'hui, ce n'est pas la pleine lune. Est-ce la lune noire ?

J'analyse son visage cerné et pâle, sans aucun maquillage. Je me concentre sur ses yeux gris. Au fond de ses prunelles, je perçois une subtile lueur de folie. Est-ce vraiment de la folie ? Non, ce n'est pas ça.

Soudainement, embarrassée, elle retire ses doigts avant de s'écarter de moi. Elle fronce les sourcils et revient à la charge sans avertissement.

— Espèce de... me hurle-t-elle.

Elle est hystérique. Pourquoi ce changement de comportement ? Elle semble en colère envers moi. Puis, le déclic. C'est la lune noire. Ces émotions négatives ou positives sont démultipliées. Elle pensait à quoi ? Je dois vite la calmer avant que son « état » empire.

— Shelby, je t'en prie, regarde-moi. Calme-toi et écoute ce que j'ai à te dire.

Je ferme les yeux et m'excuse avant de lui attraper les bras.

— NON !

Elle m'embrasse sur la bouche. Choqué, je lui mords les lèvres et ouvre les yeux. Dans un cri de rage, elle recule, le majeur pointé en ma direction.

— Espéce de.... Trou de cuc.... Sale.... Tu vas le regretter...

Habitué, je la laisse se défouler.

Dans quelques minutes, elle changera de comportement. Plus qu'à patienter.

Elle arrête de jurer et s'avance vers moi, d'un pas timide.

Toujours assis sur mon tabouret, je prends sa main et la pose sur mon cœur qui bat normalement. Le son l'apaise. Elle se blottit contre moi et je l'accepte de bon cœur, la mine soulagée.

— Ayden, que t'ai-je donc fait pour que tu ne veuilles pas de moi ?

Perdu, je mets un temps avant de répondre.

— Shelby. Tu resteras toujours mon amie. Tu pourras toujours compter sur moi dans les moments difficiles.

Je ne réponds pas à sa question. À vrai dire, je ne sais pas quoi lui dire.

Elle serre mon sweat jaune dans sa poigne, tandis que je caresse ses cheveux. Je lève la tête pour regarder l'heure. Il est temps d'y aller. Connaissant Alexandre, il ne vaut mieux pas être en retard.

Le sang Noir, tome 1 : résonance mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant