Chapitre 11 - Ayden

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Pleine lune, 17 juin 2019


Quelques minutes plus tôt, j'ai envoyé un message express à Saya. Je dois la rencontrer dans ma chambre, à l'abri des regards.

Depuis une semaine, je fais visiter le manoir à Saya et lui montre tous les objets anciens qui décorent chaque pièce. Ses yeux pétillent devant les antiquités, la résonance de sang s'harmonise, à la fois qu'elle nous lie, me donnant l'impression que nous sommes uniques.

Allongé sur mon lit, un profond soupir s'échappe de ma bouche, au moment où je fixe le plafond blanc de ma chambre en désordre. Mon portable à la main, j'espère recevoir un message de sa part. Normalement, mon sang résonne et me signale quand Saya est dans le coin. Ce qui me permet d'être le premier à lui ouvrir la porte.

Elle doit probablement être avec Nadia dans la cuisine. Heureux, je constate que ma deuxième maman apprécie Saya. Elle essaie de nous rapprocher. Me croit-elle ignorant de son stratagème ?

Avoir plus d'affinité, c'est tout ce que je demande, hélas, c'est mission impossible avec Shelby... elle n'arrive pas à faire confiance à un autre que moi. À cause de ma lâcheté, il m'est difficile de lui confesser mon attirance pour Saya. Sa réaction me fait peur, elle pourrait croire que je l'abandonne. Pour une fois m'octroyer le droit d'être heureux, même si pour ça, je dois être égoïste, mais mon amie me fait hésiter...

Qu'est-ce qui me prend à hésiter et à cacher mes sentiments naissants ?

Dépité, je me tourne sur le côté, les mains sous ma nuque. Mes yeux se posent sur le tableau préféré de ma mère, le seul objet que j'ai récupéré d'elle. C'est une aquarelle qui représente un couple d'anges. Assis, à côté d'un homme aux ailes noires, le deuxième, orné d'ailes d'un blanc pur, pointe l'horizon de son index. Un magnifique coucher de soleil illumine le rocher où sont posées ces silhouettes inconnues. Cette scène montre le lien complexe qu'entretiennent ces deux êtres mystiques. Nous ne connaissons pas leurs identités, mais nous sentons une force émaner d'eux, ainsi qu'un puissant pouvoir.

D'après ma mère, ces êtres ont existé autrefois et ont disparu durant le XXe siècle sans laisser de trace. Je me suis toujours demandé où ma mère a trouvé cette peinture, malheureusement elle a emporté son secret dans sa tombe.

Des talons qui claquent dans le couloir m'alertent. Je me redresse, le regard rivé sur la porte d'entrée. Mon attention se détourne de cette fascinante fresque quand j'aperçois une jolie paire de jambes mise en valeur dans une jupe courte, teinté de noir. Mon cœur manque un battement en reconnaissant ma belle Saya. Je l'observe sans dire un mot. Elle se retourne et fronce son nez devant mes vêtements, placés en désordre. J'avoue, j'ai fait exprès de mettre le foutoir... Je réprime un petit rire en voyant ses collants à pois verts qui contraste avec sa tenue sobre de domestique. Cette fois-ci, son foulard, entourant sa jolie nuque, attire mon regard.

Pourquoi porte-t-elle toujours des gants noirs ainsi que des vêtements qui camouflent sa silhouette athlétique ? Je ne lui ai jamais posé la question, de peur qu'elle trouve un autre prétexte pour me fuir à nouveau. Sans que j'en prenne conscience, les mots sortent d'eux-mêmes et déstabilisent la belle brune.

— Pourquoi portes-tu toujours des gants et des manches longues ?

Adossé à la tête de lit, je l'observe un instant.

A-t-elle entendu ma question si indiscrète ; son corps tendu me prouve que oui.

Nerveux, je fixe sa chevelure noire attachée en queue de cheval. Mon esprit s'imagine retirer son élastique. Quant à mes doigts, ils glissent lentement dans sa crinière lâchée, pour ensuite la prendre dans mes bras. Je détourne le regard vers un panier de linge sale qui trône par terre en plus des livres empruntés à la bibliothèque du manoir.

Je devrais peut-être le lui faire visiter un jour.

Un juron me fait quitter mon lit douillet et m'empresser de la rejoindre. La tête baissée, silencieuse, elle s'agrippe fermement à ma commode. Serait-elle énervée ou vexée ? Saya est tellement mystérieuse et dure à déchiffrer.

À distance raisonnable, comme me l'a conseillé Nadia, je lui avoue sur un ton sincère :

— Si tu ne veux pas me répondre, ce n'est pas grave. Je t'en prie, regarde-moi s'il te plait.

Mal à l'aise, j'attends une réaction de sa part, puis sans prévenir, son visage dépité se retourne vers moi quand elle me répond froidement :

— Ce sont des cicatrices. Voilà, ce que je cache. Je vous en prie, laissez-moi faire mon travail.

Stupéfait, je la fixe et ne reconnais pas la femme timide et douce devant moi. On dirait une autre personne, plus sombre et pleine de secrets. Cette facette d'elle me pousse à m'imaginer mille scénarios au point de me poser des centaines de questions.

Pourquoi cache-t-elle des cicatrices ? Est-ce qu'elle a eu une enfance heureuse ? Une famille bienveillante ? Fait-elle ce travail parce qu'elle n'a pas d'autres choix ?

En une phrase, elle remet en cause tout ce que je m'étais imaginé sur elle. Mes iris qui perçoivent en elle une autre personne m'incitent à braver l'interdit : celle de caresser sa peau.

Poussée par ma rare curiosité, ma main s'avance vers son bras et essaie de la frôler. Saya s'écarte alors que je m'approche d'elle. Ses yeux noirs, maculés de souffrance, me fusillent et font ressortir la timidité, émanant de sa personnalité. Je prends conscience de mon erreur.

Frustré, je recule, tête baissée, déçu de cette maladresse. Impassible, la Saya différente de celle que je connais, quitte ma chambre en claquant la porte à en faire trembler les cadres du mur.

Inutile de la rattraper avec ce qui vient de se passer. Mon esprit imagine son corps strié de cicatrices, ce qui fait monter la pitié en moi, pensant qu'une personne aurait pu la mutiler ou la kidnapper. L'image d'elle ensanglantée traverse mes pensées et me pousse à agir.

Une fois sorti de ma transe, je quitte ma chambre pour la rejoindre. Arrivé dans le couloir, j'aperçois deux femmes qui se toisent. Shelby croise mon regard et me balance un sourire désinvolte.

Désinvolte ?

Mes sourcils se froncent quand Saya contourne Shelby pour s'enfuir. Ébranlé, mon cœur s'emballe et mes pieds se mettent en marche dans le but de la rattraper. Je dois m'excuser et comprendre ce qui lui arrive.

Le sang Noir, tome 1 : résonance mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant