Chapitre 1

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L'assistante sociale me fixe comme si j'étais un animal prêt à m'enfuir. J'ai 16 ans merde.

-Donc ta rue c'est bien ''rue des Champs Elysés'' ?

-Oui.

J'observe la femme de haut en bas. Une femme blonde en tailleur et talons hauts. Elle juge beaucoup du regard. Je ne l'aime pas. Depuis tout à l'heure elle entortille ses cheveux en mâchouillant trop fort son chewing-gum.

Si j'ai l'air dure c'est parce que j'ai déjà suffisamment pleuré. Des heures entières cloîtrée dans ma chambre pendant que des gens tapaient à tour de rôle à la porte de ma chambre pour essayer de m'en faire sortir. Évidemment, c'était peine perdue. Apparemment, la colère est une étape du deuil après la perte de quelqu'un. On m'a même offert un livre pour surmonter le deuil. Quelques jours après on m'avait demandé si ça m'avait aidé car il était grandement conseillé par les psychologues. Dommage qu'il aie fini dans la cheminée.

***

Ça fait maintenant deux mois que je vis sous la responsabilité de l'Etat en attendant que quelqu'un m'adopte.

Adopter.

C'est un mot que je n'aurai jamais pensé utiliser dans ma vie. En tout cas pas pour moi. Je me promène en ville, je regarde les vitrines, je m'occupe comme je peux. La famille qui m'héberge le temps que je me fasse adopter m'appelle:

-Allô?

-Viens.

C'était leur grande fille qui m'avait appelé.

-Euh ouais. Pourquoi ?

-Lol. Viens et tu verras.

J'ai aucun mot pour la décrire. À part garce. Mais après mon enquête, j'ai remarqué qu'il n'y a qu'à moi qu'elle parle comme ça. Elle se trouve drôle et supérieure. Chacun son délire.

J'arrive devant leur maison en taxi et j'entre sans frapper, ce qui exaspère Maria, la mère.

-Je t'ai déjà demandé de changer cette mauvaise habitude. De toute façon, ça s'arrêtera rapidement.

-Qu'est ce que tu veux dire ?

-Je veux dire que tu as été adoptée.

Comme ça. De but en blanc. J'ai été adoptée.

-Ok. Ok. J'imagine que je suis censée bien le prendre.

-En tout cas nous oui.

-Ça veut dire quoi ?

-Tu sais très bien ce que ça veut dire, ne te fiche pas de moi. Dis toi qu'au moins il y a une famille qui a voulu de toi rien qu'en voyant ta gueule, se moque-t-elle.

-T'es sérieuse ? T'es vraiment qu'une salope.

-OOH! Tu baisses d'un ton immédiatement, intervient cette fois le père.

-T'as aucun pouvoir sur moi.

-Tant que tu vis sous mon toit j'ai tous les droits du monde. Alors tu te la fermes et tu vas faire ta valise.

Je passe devant eux sans m'empêcher de lever mon majeur. Il n'est jamais trop tard pour montrer des signes d'affection !

***

Je sors de ma chambre, il est 5 heures du mat'. On est une semaine plus tard et c'est Amaro, le père qui m'emmène. Histoire de l'entendre râler tout le trajet. Je sais, c'est le nom d'un filtre Instagram. Cherchez pas à comprendre.

-Bon tu te bouges ? crie-t-il depuis la voiture.

-Eh relax, deux secondes ! je hurle à mon tour.

-Oh ça se la ferme la ? Il est 5 heures du matin. Juste, petit rappel.

Là où le coeur ne parle pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant