Pour que tu me désires

1. Main dans la main

D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, Kanao n'avait jamais correctement sourit. Alors qu'elle se trouvait devant la glace elle se demandait à quand remontait sa perte d'empathie. Sûrement petite lorsqu'elle avait connu la misère. Les poux et la crasse étaient alors son quotidien.
Puis elle avait été recueillie par les deux sœurs Kocho et avec elles, elle avait appris que montrer tout ce que l'on pense ne servait à rien. Surtout devant des démons.
Elle savait que ce job était ingrat mais elle en était fière. Elle le faisait pour protéger les plus faibles. On lui avait donné l'opportunité de devenir quelqu'un. Elle en serait éternellement reconnaissante. Qui sait ce qu'elle serait devenu sans ça ?

Étirant ses zygomatiques, elle afficha un sourire empreint de fausseté devant la glace. Elle avait fait d'énormes progrès ces derniers temps mais son sourire de psychopathe la désespérait.
Si elle s'était peu à peu ouverte aux autres c'était grâce à Tanjiro. Le jeune homme lui avait conseillé de suivre son cœur et depuis l'admiration qu'elle lui vouait était sans fin. Personne ne s'était intéressé à ce qu'elle pouvait ressentir avant lui, et c'est pour ça qu'elle avait accepté de délaisser sa pièce de monnaie porte bonheur qui déterminait sa vie entière à pile ou face.

Elle poussa un soupir et se résigna. Elle allait devoir faire sans encore aujourd'hui.
Ce fut un « toc, toc » à la fenêtre qui la tira de sa rêverie. Se retournant elle s'aperçut qu'il pleuvait et que son fidèle corbeau était trempé. Elle alla lui ouvrir. Que pouvait-il bien avoir à lui dire ?

- Kanao, Kanao ! Croassa l'animal. Mission Kanao !

Elle hocha la tête signifiant qu'elle avait compris.

- Activité démoniaque suspecte au cœur de la ville la plus proche !

Nous y voilà ! Cela faisait que quelques mois que Muzan, le père de tous les démons était mort mais force est de constater qu'ils n'avaient pas tous disparu avec lui. Il allait encore falloir s'armer de patience avant de pouvoir tous les éliminer jusqu'au dernier. Au moins Muzan n'était plus là pour en créer de nouveaux, c'était déjà ça.

- Tu dois t'y rendre immédiatement ! Continua l'oiseau. Équipe avec le jeune Kamado !

Kanao reçu un électrochoc. D'abord elle écarquilla les yeux et arrêta de respirer pendant quelques secondes. Puis elle rougit.
Faire équipe avec Tanjiro ? Si elle pensait qu'ils pouvaient être efficaces au travail, elle était moins sûre pour ce qui était de son cœur. Elle avait préféré garder ses distances avec lui ces derniers temps, voyant qu'il ne semblait pas s'intéresser à elle. Elle avait revêtu sa carapace afin de se protéger.

- Pourquoi Tanjiro ? Finir elle par demander.

Mais elle n'obtint aucune réponse du corbeau si ce n'est un « dépêche-toi ».
Elle referma la fenêtre d'un geste assuré. Tant pis pour le piaf s'il était trempé.

Enfilant sa cape, elle se dirigea en vitesse à l'extérieur. Elle en aurait au moins pour deux bonnes heures pour s'y rendre. En partant maintenant elle arriverait à 11h30. Et bien soit ! Si elle devait faire équipe avec l'homme qu'elle aimait secrètement pour sauver des milliers d'innocents elle le ferait.

De son côté Tanjiro Kamado, toujours aussi enthousiaste à l'idée de partir en mission, était arrivé avec 1h d'avance par rapport à son équipière. Il avait décidé de se poser et de se goinfrer d'onigiris.
Depuis que sa sœur Nezuko était redevenue humaine, il ne la trimballait plus dans son dos et cela manquait au jeune homme désormais seul en mission. Bien sûr il était heureux pour elle mais lorsqu'il avait appris qu'il allait faire équipe avec Kanao son coeur avait explosé de joie. D'autant qu'il appréciait la jeune femme et qu'il n'avait encore jamais fait l'expérience de travailler avec elle.

- Oh secourt ! On a enlevé mon fils !! Hurla une dame en entrant dans le restaurant.

Tous les regards se braquèrent sur elle et Tanjiro arrêta de manger, du riz collant aux coins de la bouche.

C'était une femme d'une quarantaine d'années, complètement affolée, qui s'accrochait désespérément à l'homme derrière le comptoir.

- Qu'est-ce que vous racontez ? Demanda ce dernier.

- Mon petit a disparut ! Aidez-moi !!

Des murmures de peur se firent entendre dans la salle.

- Encore un ! Dit un homme qui était attablé plus loin. C'est au moins le quatrième gamin en une semaine.

Tanjiro reprit son sérieux.

- Que se passe-t-il avec les enfants ici ? Demanda-t-il au patron des lieux.

- Des enfants disparaissent soudainement en pleine nuit. On ne retrouve aucune trace d'eux.

Le jeune chasseur de 19 ans s'en alla rassurer la mère de famille, lui posant la main sur l'épaule de manière apaisante.

- Ne vous inquiétez pas, nous allons le retrouver. Comment est-il ?

- Il s'appelle Kotao, il a environ 4 ans, des yeux verts et une grosse tignasse de cheveux.

- Quand l'avez-vous vu la dernière fois ?

- Je ne sais pas, paniqua la mère, je l'ai couché hier soir et ce matin il n'était plus là. J'ai tourné dans le village mais personne ne l'a vu et ne veux m'aider.

Un démon, se dit Tanjiro. C'était l'œuvre d'un démon c'était sûr.
Du coin de l'œil il aperçut Kanao qui venait de rentrer dans le restaurant. On avait sûrement dû lui indiquer sa présence ici.
Il reporta son attention sur la femme.

- Ne vous en faites pas. Mon amie et moi allons le retrouver.

Il se précipita vers la sortie, les sourcils froncés, en attrapant Kanao par le poignet.

- Viens, lui dit-il. Nous avons du pain sur la planche.

Tanjiro la trainait à l'extérieur. Elle n'avait pas eu le temps de réagir à la scène qui s'était joué devant elle.
Kanao avait d'abord repéré l'éternel haori à carreaux vert menthe et chocolat du jeune homme avant de remarquer l'agitation autour d'elle.

Des enfants qui disparaissaient. En voilà un défi. En espérant qu'un démon ne les est déjà pas dévorés.

- Il faut qu'on le retrouve, dit Tanjiro avec l'adrénaline dans le sang, mais d'abord écartons toutes les possibilités. Il fait jour, on devrait aller faire un tour dans le village voir s'il ne s'est pas éclipsé en douce.

Elle hocha la tête.

- Tu as raison, séparons-nous.

L'idée de ne plus être aussi proche du jeune homme la soulageait un peu mais elle n'en montra rien.
Rien non plus sur le fait qu'il la perturbait depuis qu'il était dans son champ de vision. Dieu ce qu'elle aurait aimé se blottir dans ses bras !
Mais les humains qu'elle protégeait passaient avant tout.

Elle fit le tour d'une petite place. Un marché s'y trouvait. Où un enfant de 4 ans aurait-il pu se cacher ?
D'autres, plus grands jouaient au ballon pensant que leurs parents faisaient sûrement quelques courses.

- Bonjour, leur dit-elle, est-ce que vous connaissez un petit garçon du nom de Kotao ?

C'est l'un des plus grands qui lui répondit. À sa grande surprise celui-ci lui fit une révélation.

- Oui c'est le petit frère d'Inako, il veut souvent jouer au ballon avec nous mais nous on veut pas, c'est un bébé.

- Et où est Inako ?

- Elle habite dans la maison au bout de la rue, elle va à l'école avec nous vous savez. Elle a des ennuis ?

Kanao regarda en direction de la maison avant de sortir de sa rêvasserie.

- Non tout va bien, merci.

Elle était parvenu à décocher un petit sourire mais les gamins avaient déguerpi. Est-ce qu'elle leur avait fait peur ?
Elle lissa scrupuleusement les plis de sa jupe puis se mit à courir en direction de chez la petite fille.
Comment avait elle visé aussi juste ?