Chapitre 8 | 𝒜𝒸𝒽𝓁𝓎𝓈

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Sa voix brise le silence.

- Veux-tu parler de ce qu'il s'est passé le 31 ?

Cela fait maintenant un moment que Than et moi sommes assis à discuter.

Je me relève légèrement, me détache de son épaule, et garde le silence pendant plusieurs minutes.

- Je ne sais pas si je vais réussir à remonter la pente, avouais-je en renversant la tête en arrière.

- Tu en es capable Ach, on est tous là pour toi, me dit-il en s'allumant une clope.

J'aimerais en faire de même, mais je ne trouve pas mon paquet de cigarette, je me contente de fixer les cendres de la sienne.

Ma réponse à l'air de le perturber et de le faire cogiter.

- Tu n'as jamais tué de femme ou tu as peur de perdre le contrôle ? D'aller trop loin ? me demanda-t-il plus soucieux que curieux, à ce sujet.

Il me tend sa clope, me permettant de me relaxer après quelques taffes.

- J'en ai déjà tué auparavant, mais j'ai arrêté en rejoignant hécatombe.

Au lycée, hécatombe était le surnom qui était donné à l'organisation pour faire peur aux élèves, à la population et ceux bien avant nous. Cela nous permettait d'être, encore aujourd'hui, craint par beaucoup.

Hécatombe était constamment dans la bouche des flics.

Aujourd'hui, c'est devenu une simple abréviation.

Après tout, il a été donné à juste titre.

Il pose son regard interrogatif sur moi, me demandant, indirectement, de continuer.

- Tuer des femmes réveille certains de mes traumatismes, je perds donc très vite pied. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi, surtout que je suis bien plus violente envers les hommes, en partie à cause de lui.

- Toujours lui... dit-il avec une haine évidente dans la voix.

Je ne réponds rien et me plonge dans mes pensées, les yeux fermés.

C'est à cet instant que je me souviens de ce mot que j'ai découvert il y a 2 jours de cela, sous le paillasson de ma porte.

- J'ai oublié de t'en parler, j'ai trouvé devant ma porte un mot, dis-je en gardant les yeux fermés.

- Un mot ? Quel genre de mot ?

- Un mot plutôt étrange, qui disait "guardarsi le spalle".
Surveille tes arrières.

- De l'italien, chuchota-t-il, plus pour lui-même.

J'ouvre les yeux et le regarde du coin de l'œil. Je sais pertinemment à quoi il pense.

Je préfère me murer dans un silence, chassant les souvenirs qui tentent de resurgir.

Ça fait mal.

Je ne veux pas y penser, ne plus y penser.

Je le vois, tout d'un coup, se lever et se diriger vers la caméra placée en face de nous, à droite d'un des meubles haut de la cuisine, à peine visible si on ne sait pas où elle se situe.

- Elle fonctionne toujours ? Me demande -t-il avec un air inquiet.

Je hoche simplement la tête.

- Et les autres ?

- Elles marchent encore toutes.

Je le vois faire les 100 pas, avec un air sérieux, qui fronce ses traits.

- On ne s'est pas introduit dans mon appart, lui expliquai-je, personne n'apparaît sur les vidéos.

Il vient se rasseoir à côté de moi, l'air un peu plus rassuré.

- S'il se passe quoi que ce soit, appelle-moi ou même Moros. On viendra le plus vite possible.

Je le regarde, le questionne.

- Est-ce que tu aurais oublié que je suis aussi une tueuse à gage ? Je peux me défendre toute seule.

- Non mais-

Je le coupe, ne voulant pas entendre le reste de sa phrase.

- Je sais, me contentai-je de répondre.

On finit par s'endormir l'un contre l'autre.

- Tu penses vraiment qu'on est des monstres ? lui demandai-je, me remémorant ce qu'on dit de nous, la voix encore endormie.

J'ouvre les yeux, mais reste appuyer sur son épaule. Nous avons dû nous assoupir, à peine, quelques heures. Il doit maintenant être 9 heures du matin.

- Je suis un tueur à gages, qui tue de sang-froid, tout comme toi Ach, je ne peux pas répondre à ta question.

- Ouais, c'était con, je sais. Oublie.

- On est peut-être vu comme des monstres par la société, mais est ce que ça change quelque chose pour nous ? Toi comme moi, nous savons très bien qu'on ne tue pas toujours par plaisir. On fait le sale boulot pour la vengeance des clients ou juste pour permettre à la société de vivre sans crainte.

- Pour eux, ça reste inconcevable de retirer la vie d'un humain.

Il bouge de sorte à ce qu'on se retrouve face à face.

- Les bas-fonds de cette ville, nous révèlent bien que nous ne sommes pas les pires pourritures qu'elle ai pu connaître, bien au contraire.

Je ne réponds rien, restant plongé dans mes pensées à réfléchir à ce que Than vient de dire.

Il n'a pas tort après tout. Les flics sont les premiers à cracher sur nous, alors qu'on fait le taff le plus dangereux, à leur place.

- Parfois, ça m'arrive de me demander si notre vie n'aurait pas pu être meilleure sans tout ça, confessai-je.

Au fond de moi, je sais parfaitement que non. La plupart d'entre nous ont été brisés bien avant de rentrer chez hécatombe.

- Un jour, j'ai lu une phrase qui m'a fait pas mal réfléchir, c'était : "car le feu qui me brûle est celui qui m'éclaire.*" Pour nous, le feu ça symbolise Hécatombéon. Il nous consume à petit feu, pour autant, il est celui qui nous guide, qui nous aide à retrouver notre chemin dans l'obscurité de nos problèmes.

- Qui aurait, un jour, pu imaginer qu'une organisation criminelle pourrait nous sauver la vie, dis-je sentant, une nouvelle fois, Morphée me prendre dans ses bras























* Par Étienne de La Boétie.

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