10. Le dernier historien

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Un hologramme se forma progressivement dans la pièce. Il représentait une femme d'une petite trentaine d'années, aux longs cheveux châtains attachés, vêtue des curieux tissus que l'on pouvait voir sur les dessins et tableaux présents dans ses biographies.

Mia était fascinée par ces grands draps colorés décorés de jolis motifs dorés aux formes arrondies, qui s'enroulaient autour de la courtisane en se chevauchant les uns les autres et s'étendaient jusqu'au plancher.

Gaïa semblait perdue. Elle regarda autour d'elle sans comprendre ce décor sombre et souterrain. L'analyse de données comportementales qui la régissait plaçait dans son regard un désarroi muet qui dura un long moment, pendant lequel Mia ne sut pas quoi faire.

Finalement, les nombreux éléments biographiques qui témoignaient du tempérament hardi de Gaïa furent appliqués et elle prit les devants.

— Eh bien, lança-t-elle à Mia, tu pourrais peut-être me dire ce qu'il se passe, au lieu de me regarder ainsi ! La dernière chose dont je crois me souvenir est mon retour d'une partie de chasse avec le tsar et son entourage, et me voilà ici.

« La partie de chasse avec le tsar ! se dit Mia. Ça figure dans sa biographie. J'ai donc créé une version d'elle à 33 ans. »

— Toujours pas de réponse ? s'agaça Gaïa. Tu m'as enlevée pour m'amener ici, c'est cela ? Tu m'as fait boire quelque chose pour m'endormir ? Et tu pourrais aussi en profiter pour me dire qui tu es, cela ne t'arrachera pas la bouche. Eh bien alors ? Tu as perdu ta langue ?

— Oh, non, elle est toujours là, répondit enfin Mia, je crains simplement que tu ne me comprennes pas. Je doute que tu y voies plus clair si je te parle de génération d'intelligence artificielle sous forme holographique.

— Que... Comment ?

— Tu vas peut-être avoir du mal à le croire, mais je suis presque aussi perdue que toi. Créer une IA est un travail infiniment complexe, même pour moi qui en suis une. Il me faudrait des années entières d'apprentissage pour y parvenir – raison pour laquelle je suis apprentie modeleuse.

— Je confirme, je ne comprends rien, dit Gaïa. Ce n'est peut-être pas la peine de...

— J'ai pourtant entendu parler de recherches visant à rendre certaines IA capables de générer d'autres IA aussi performantes qu'elles, continua Mia. Mais pour l'instant, à ma connaissance, ça n'a pas abouti. Toutes les IA complexes sont encore programmées par des humains. Je n'aurais pas dû pouvoir te créer. En somme, moi non plus, je ne comprends pas ce que tu fabriques ici.

— Tu aurais pu commencer par là, alors, au lieu d'inventer tous ces mots qui n'ont aucun sens ! Bon, je ne sais pas ce que je fais là, tu ne sais pas ce que je fais là, nous voilà bien avancées. Peux-tu au moins me dire où nous sommes ? Enfin, non, tout compte fait, tais-toi. Indique-moi simplement la sortie, je me débrouillerai.

— Je doute que tu arrives à te débrouiller seule dehors, argua Mia. Les choses sont un peu... différentes de ce que tu connais.

— Ah oui ? s'énerva Gaïa. Eh bien, parmi les choses que je connais, figure-toi qu'il y a le tsar de Russie en personne, alors je pense pouvoir m'en sortir, merci beaucoup. Montre-moi juste le chemin vers l'extérieur. J'irai m'adresser au relais de poste le plus proche.

— Il n'y a plus de tsar. Quant au relais de poste, je ne sais même pas ce que c'est. J'ai encore beaucoup d'ouvrages du Temps des Légendes à assimiler.

— Comment ça, plus de tsar ?

— Bon, je vais essayer de t'expliquer. Ça risque de prendre pas mal de temps.

Les Chroniques de TerranovaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant