— Un historien... les Protecteurs des Neufs..., répéta Mia en scrutant les fichiers du réseau Thêta à la recherche d'informations complémentaires. Non, il n'y a rien à ce sujet. « Le dernier historien s'appelle... » Qu'est-ce que je suis censée faire d'une phrase comme ça, moi ? Il faudrait que tu m'expliques plus en détail ce qu'est un historien, Gaïa.
— Et si on commençait par sortir d'ici ? suggéra la courtisane.
Mia trouva dans le réseau un plan des souterrains. Sur le chemin, elle tenta à nouveau de faire comprendre à Gaïa ce qu'était une IA. Elle lui demanda d'abord de toucher un mur. Comme la jeune courtisane passait à travers, elle admit une bonne fois pour toutes qu'elle n'était pas sous forme matérielle, mais refusait toujours les concepts d'hologramme et d'intelligence artificielle.
— J'ai déjà reconnu être un fantôme, s'exaspéra-t-elle. Que veux-tu de plus ? Tu crois que ce n'est pas suffisamment perturbant pour moi ?
Il lui était tout simplement impossible d'imaginer être une création artificielle. Mia, entêtée, essaya alors autre chose.
— Dis-moi, commença-t-elle, selon ta biographie, tu maîtrisais plusieurs langues anciennes aux noms étranges. Laisse-moi revérifier dans mes fichiers... Ah oui, le latin et le grec.
— C'est exact, affirma fièrement Gaïa. Tous les nobles de la cour savent parler ces langues, mais j'étais la meilleure. J'ai gagné un concours de traduction très réputé.
— C'est ce que tu as écrit dans une de tes lettres, en effet, confirma Mia. Et maintenant, puisque tu parles le grec ancien, peux-tu dire une phrase dans cette langue ?
— Oui, bien sûr. Par exemple... Hmm... Attends...
Gaïa réfléchit longuement, mais ne trouva aucun mot.
— Rien ? demanda Mia d'un ton moqueur.
— Si, attends... Je... Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Pourquoi rien ne me vient ?
— Parce que le programme qui te régit simule tes réactions probables en fonction de la documentation bibliographique dont il dispose, puis formule tes réponses. Comme je n'ai trouvé aucun dictionnaire de grec ancien dans le réseau Thêta, l'algorithme de simulation ne peut pas inclure de mots dans cette langue. Si tu étais un simple fantôme, tu aurais tous tes souvenirs et tu saurais parler grec, mais ce n'est pas le cas.
— Ce n'est pas possible... Je dois forcément être capable de dire au moins une phrase en grec...
— Ce n'est pas tout, continua Mia. Tu ne peux pas non plus m'indiquer ta couleur préférée.
— Hmm..., dit Gaïa en réfléchissant de plus belle. Ma couleur préférée... Euh... Effectivement, je suis incapable de répondre, là, comme ça. Mais peut-être que je n'en ai pas ?
— Pourtant, dans l'une de tes lettres, tu as écrit à une amie que le frère du tsar t'avait offert une robe de ta couleur préférée. Tu en as donc bien une, mais tu n'as pas précisé laquelle dans le texte. Peut-être sauras-tu me donner cette information ?
Cette fois-ci, Gaïa était vaincue. Son système identifia en une seconde le passage évoqué par Mia, et elle ne put donc pas nier. Pourtant, elle n'arrivait pas à mettre la main sur cette satanée couleur préférée. Cette incohérence provoqua comme un léger dysfonctionnement, et l'hologramme se figea quelques instants.
— Je... je ne sais pas, concéda finalement Gaïa, impuissante.
— Tu n'es pas un fantôme, conclut Mia. Tu es une création humaine qui fonctionne sur la base d'une accumulation de données et de probabilités. Enfin, non, pas humaine, puisque c'est moi qui t'ai créée.
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Les Chroniques de Terranova
Science FictionUn nouveau jour se lève dans la ville de Nova II. Il est toutefois paradoxal d'employer le mot « jour », car dans cet univers futuriste où chacun se voit implanter une puce cérébrale à sa naissance, la lumière du jour ne pénètre jamais. Une épaisse...