13. Créatures souterraines

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Derrière leur petit meuble poussiéreux, Dylo, Zamina et Jeff retenaient leur souffle.

— Alors, qui se cache donc ici ? demanda la voix aiguë.

Elle émanait d'un petit homme trapu au front dégarni, qui s'approchait des trois adolescents, une arme à la main. Il s'agissait d'une sorte de matraque capable de projeter des rayons incandescents, ce qui lui permettait d'être utilisée aussi bien à distance qu'au corps à corps.

— S'il y a quelqu'un, il s'apprête à vivre ses derniers instants ! ajouta-t-il.

— Si ça se trouve, ce n'est qu'un animal, dit la voix grave.

Cette voix appartenait, elle, à un homme grand et mince aux cheveux sales.

— Il paraît qu'il y a plein d'animaux bizarres dans les sous-sols.

— Qu'est-ce que tu racontes ? répliqua le petit homme trapu. J'ai entendu un chuchotement. Les animaux ne chuchotent pas, à ce que je sache.

— On n'est pas tout à fait sûrs que c'était un chuchotement, dit alors un troisième homme au fond de la salle. Et c'est vrai qu'il y a toutes sortes de bêtes étranges par ici, le genre qui vit dans des galeries sans jamais voir la lumière.

— Que ce soit un animal ou un humain, je vais lui faire sa fête, déclara le petit homme trapu.

Il alluma sa matraque. La matière qui la composait chauffa et se teinta d'un rouge tourbillonnant qui ne présageait rien de bon. L'homme saisit le meuble poussiéreux, mais s'interrompit soudain.

— Sauf si c'est un rat-taupe, dit-il. Je déteste ces choses-là ! Rien qu'en voir un, ça me fait vomir, je préfère encore quitter la pièce.

Derrière la commode, les trois adolescents entendaient tout. Ne pouvant parler, ils communiquaient en écrivant sur leurs mini-ordinateurs. Il était impossible d'envoyer le moindre message en raison de l'absence de réseau, alors ils se contentaient de taper quelques mots sur l'écran holographique avant de les effacer aussitôt pour laisser place aux suivants.

« Quelqu'un sait imiter le rat-taupe ? écrivit Dylo. »

Comme il avait égaré son mini-ordinateur, il utilisait celui de Jeff. Ce dernier l'écarta d'un coup de bras pour pouvoir lui répondre. Ses doigts galopaient à toute allure sur les touches sans le moindre bruit.

« Bien sûr que non ! fit-il apparaître sur l'écran. Tu connais une seule personne au monde qui sait imiter le rat-taupe ? »

Zamina fouilla ses fichiers, et trouva une application qu'elle avait téléchargée pour sa petite sœur de trois ans. Elle contenait d'innombrables cris d'animaux pour apprendre aux enfants à les reconnaître. Zamina avait passé des heures entières à les faire écouter à sa sœur, qui les réclamait régulièrement. Elle écrivit « rat-taupe » dans la barre de recherche, croisa les doigts... et le trouva.

Un petit couinement s'échappa de son appareil.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? s'inquiéta l'homme trapu.

Un de ses compères utilisa une application de reconnaissance de bruits et prit un air amusé.

— Eh bien, Marv, dit-il, tu ne vas peut-être pas me croire, mais il s'agit d'un rat-taupe ! C'est ce qu'on appelle une sacrée coïncidence !

— Je m'en doutais ! s'exclama l'homme trapu, qui s'appelait donc Marv. Ça ne pouvait pas être une simple souris, il fallait que ce soit ça ! Allez, on décampe. Je ne peux pas rester dans la même pièce qu'un rat-taupe.

Derrière l'armoire, Jeff se retint de crier de joie.

« Bravo ! écrivit-il. Tu es vraiment la meill... »

Au moment d'ajouter le « e », la voix grave prit la parole :

— Attends, Marv, pas la peine de partir. Si ça te dérange tant que ça, je vais l'abattre et on n'en parlera plus. Laisse-moi prendre mon flingue... Voilà.

Le sourire de Jeff s'estompa aussi vite qu'il était apparu. Il regarda ses deux amis, tout aussi stupéfiés que lui. Plus personne n'avait d'idée. Ils restaient immobiles, figés, pris au piège. Jeff, résigné, se contenta d'effacer lentement sa phrase inachevée.

Le grand homme mince tira sur l'armoire pour la déplacer. Il ne lui restait plus qu'à passer la tête de l'autre côté pour découvrir le petit groupe.

— Non, arrête ! cria soudainement Marv. Si tu tires sur ce rat-taupe, il restera toujours son cadavre. Rien que de savoir ça, ça me dégoûte. Il faut le pulvériser. On ne peut pas lancer une petite grenade à désintégration ? On en a plein et on ne s'en sert jamais.

— Si tu veux, mais elles sont à l'autre bout de la planque. Le temps d'aller en chercher une, le rat-taupe aura certainement disparu. Mais bon, puisque tu y tiens...

Les trois hommes quittèrent la salle. Dylo, Zamina et Jeff sortirent prudemment et s'échappèrent. Ils continuèrent leur route dans les galeries sans encombre et atteignirent la sortie.

— Est-ce qu'on va faire quelque chose concernant cette femme que ces truands vont escroquer ? demanda Zamina. Comment s'appelait-elle ? Pella, je crois...

— Qu'est-ce qu'on peut faire ? répondit Jeff. On ne les a même pas vus, on ne sait pas à quoi ils ressemblent. Quant à cette femme, si on raconte tout aux autorités, elle risque d'avoir de gros problèmes. Si j'ai bien compris, elle essaye tout de même d'échapper à la loi en refusant la réquisition de son enfant. Il vaut mieux rester en dehors de tout ça.

— Peut-être, admit Zamina. Et toi, Dylo, vas-tu enfin nous dire où tu étais toutes ces années ?

Dylo hésita longuement avant de répondre :

— Je peux éventuellement vous révéler certaines choses. Mais d'abord, j'aimerais avoir des nouvelles de Mia. Comment va-t-elle ?

— Ah, c'est vrai que vous étiez proches, tous les deux, dit Jeff. Elle va bien. De toute façon, c'est une IA. Elle ne peut pas aller mal.

— Techniquement, peut-être pas, reconnut Dylo. Mais tout de même... J'espère juste que son programme ne l'a pas privée de sa bonne humeur habituelle par ma faute. Ce serait dommage pour son entourage.

— Eh bien, je te rassure, elle n'a pas changé, dit Zamina.

— Est-ce que je peux vous demander un service ? continua Dylo. Ne lui dites pas que vous m'avez vu.

— Pourquoi ?

— Déjà, personne n'est censé savoir ce que je suis devenu. Quant à Mia, si elle apprenait que je ne suis pas allé la voir et que je ne l'ai pas contactée une seule fois alors que je suis dans les parages, elle ne comprendrait pas. Ça la blesserait, et je ne le souhaite pas. Je m'étais toujours dit que si je devais revoir certaines personnes de mon ancienne vie, elle serait la première. Si elle apprend que je vous ai croisés, vous, et pas elle... Enfin, je ne préfère pas.

Zamina ne répondit rien, mais cela ne lui plaisait pas. Encore un secret à cacher à Mia. D'abord, la scandaleuse mission de ses professeurs, et maintenant ça. Comme elle était de nature bavarde, il lui était toujours difficile de garder pour elle des informations aussi importantes.

— Soit, dit Jeff. Maintenant, est-ce qu'on va enfin avoir droit à des explications ?

— Oui, oui. Mais pendant que j'y pense : je n'ai plus mon mini-ordinateur, j'ai dû le perdre dans les souterrains quand ces fumiers m'y ont amené. Vous n'en avez pas trouvé un en marchant ?

— Non, aucun. Parle, maintenant ! insista Jeff. Tu vas me rendre chèvre !

— Très bien, je vais vous dévoiler une partie de l'histoire.


Les Chroniques de TerranovaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant