Trois jours passèrent, pendant lesquels Mia et Gaïa continuèrent leur enquête. Gaïa s'était parfaitement intégrée et maîtrisait de plus en plus le vocabulaire de l'époque où elle vivait désormais. Elle dialoguait à présent sans difficulté avec n'importe qui. Mia s'attachait à sa nouvelle amie.
— Maintenant que tu as passé plusieurs jours avec les humains, lui dit-elle un matin, ta personnalité va commencer à changer. Ton système comprendra de mieux en mieux les interactions sociales, et par apprentissage automatique, tu vas t'adapter.
— Et je vais devenir plus comme toi ?
— C'est ça qui est beau : je n'en sais rien ! Les IA ne tirent pas toujours les mêmes conclusions, car en fonction des humains qu'elles côtoient, elles n'ont pas les mêmes expériences. Ainsi, quand on laisse fonctionner leur apprentissage automatique, elles développent chacune une personnalité unique, que l'on ne peut prévoir ! C'est ce qu'on appelle un comportement émergent. J'ai tellement hâte de voir quel sera le tien !
Gaïa ne répondit rien. Depuis sa création, elle n'avait jamais autant eu l'impression d'être vivante. Elle allait évoluer, changer, progresser...
Mia se figea soudain. Elle venait de repérer un garçon qui semblait les surveiller. Depuis plusieurs jours, elle le voyait les suivre régulièrement, les épier en restant toujours éloigné, sans jamais venir leur parler.
Il était d'assez grande taille, ses cheveux longs étaient attachés en queue de cheval, et il avait l'âge d'être un élève. Il apparaissait systématiquement de nulle part, se plaçait à bonne distance et les observait un long moment avant de disparaître. Mia n'aimait pas son regard. Se doutait-il de quelque chose ? Il semblait particulièrement intéressé par Gaïa.
Comment pourrait-il avoir deviné que Gaïa est une intruse ? se demanda Mia. Il ne s'est pas écoulé une semaine depuis le début de l'année, il n'a pas encore eu le temps de connaître tout le monde. Moi, je ne l'avais jamais vu, et je ne le soupçonne pas de s'être introduit dans l'école...
Le mystérieux garçon, après avoir une fois de plus regardé Gaïa, disparut.
— Tu as remarqué ce type, toi aussi ? glissa Gaïa à l'oreille de Mia. Il faut qu'on essaie de l'éviter, il va nous dénoncer. D'ailleurs, tu as réussi à pirater le système de l'école pour me créer un dossier d'élève ?
— Pas encore, mais je m'exerce tous les jours. J'ai piraté les caméras de surveillance, les portes automatiques de la cantine... mais pas la base de données des élèves.
Zamina et Jeff les rejoignirent. Mia ne leur avait pas dit qui était Gaïa, ils la prenaient simplement pour une nouvelle élève, mais Zamina n'aimait pas voir Mia passer tout son temps avec cette fille sortie de nulle part.
— Vous cherchez toujours le nom d'un ancien prof ? demanda Jeff.
— Oui, répondit Gaïa. Tu as des infos ?
— Il paraît que chaque enseignant a un casier à son nom dans la salle des professeurs, dit-il. Si quelqu'un a travaillé ici pendant des années, il a eu son casier. Avec un peu de chance, il est encore là.
— Avec beaucoup de chance, plutôt, rétorqua Zamina. Et pourquoi vous cherchez un ancien professeur, déjà ?
— Eh bien..., commença Gaïa en essayant de se rappeler la raison qu'elles leur avaient donnée.
— C'est excitant de se donner un défi, d'avoir quelque chose à chercher ! répondit Mia en prenant un air innocent.
Mia et Gaïa durent ensuite partir pour leur cours suivant.
— Elle me parle à peine, grommela Zamina. Depuis trois jours, elle reste avec cette fille sortie d'on ne sait où...
— Elles sont toutes les deux modeleuses, c'est normal qu'elles traînent ensemble, argua Jeff.
— Mais elles ne se quittent pas ! Avec leur espèce de mission ridicule... « C'est excitant d'avoir quelque chose à chercher », qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! Ou alors, Mia nous cache quelque chose.
— Nous aussi, on lui cache quelque chose, je te ferais remarquer. On ne lui a rien dit pour Dylo, comme promis.
— Et si elle nous avait vus avec lui, l'autre jour ? Si elle nous en voulait ?
— Bien sûr que non...
— Alors pourquoi elle invente des excuses invraisemblables pour nous éviter ?
— Excusez-moi, est-ce que vous connaissez bien les deux filles avec qui vous parliez il y a quelques minutes ? demanda un inconnu à côté d'eux. Je peux vous poser quelques questions ?
Ils se retournèrent. C'était un garçon de grande taille avec une queue de cheval et un regard étrange.
trouva dans sa classe une fenêtre qui donnait sur l'entrée de la salle des professeurs. Elle passa les deux heures qui suivirent à analyser les allées et venues pour déterminer à quel moment la salle serait probablement vide.
Ensuite, elle s'attaqua à un autre obstacle : un système de défense interdisait à toute IA sous forme d'hologramme de se matérialiser en dehors des zones autorisées. En revanche, il était plus ou moins fort en fonction du niveau de sensibilité des différents endroits, et la salle des professeurs n'était qu'un espace de rangement et de détente. Personne n'imaginait qu'on puisse vouloir s'y introduire. Après plusieurs essais, Mia parvint à pirater le système et à les enregistrer, elle et Gaïa, en tant que personnes autorisées.
Je progresse vraiment ! se dit-elle, satisfaite. La prochaine étape, c'est de créer cette satanée fiche d'élève à Gaïa et de la télécharger dans la base de données de l'école.
À la fin du cours, elle et Gaïa s'isolèrent, puis se téléportèrent dans la salle des professeurs. Elle était effectivement vide. Il y avait des casiers un peu partout dans la pièce.
— Tu sais, j'ai repensé à ce que tu m'as demandé l'autre jour dans les souterrains, commença Gaïa tandis qu'elles scrutaient les noms sur les casiers. Cette histoire de couleur préférée... Tu en as une, toi ?
— Eh bien, je dois dire que non. Je me demande même si je peux en avoir une. Je peux éventuellement consulter des statistiques sur les couleurs préférées les plus fréquentes chez les jeunes filles de mon âge pour m'en choisir une. Je peux utiliser autant de filtres que je veux, par lieu de résidence, par cursus scolaire... Je suis également capable de choisir volontairement une couleur peu commune, ou même d'en sélectionner une totalement au hasard. Mais est-ce que je peux vraiment avoir une couleur préférée ? Je ne sais pas.
— Est-ce que tu penses vraiment qu'on trouvera de nouveaux documents sur moi et mon passé si on libère cet historien ?
— Bien sûr que oui ! Tu as dû être quelqu'un de spécial à ton époque, sinon, je ne vois pas pourquoi tu aurais été générée dès que je me suis connectée au réseau Thêta. Si on découvre ta couleur préférée, tu seras d'une certaine manière plus humaine que moi !
Après dix minutes de recherche, Mia trouva enfin un nom inconnu.
— Regarde ! s'exclama-t-elle. Je n'ai jamais entendu parler de lui. Le casier est un peu sale, il n'a pas été lavé depuis longtemps.
— « Avador Philostan », lut Gaïa. Tu crois que c'est lui ?
— C'est le seul nom que je n'ai jamais vu, donc on va dire que c'est lui ! trancha Mia. Et maintenant, il va falloir trouver un moyen de savoir ce qu'il est devenu.
Elles quittèrent la salle en se téléportant dans la cour de récréation. Mia, qui avait remarqué plus tôt dans la journée l'air mécontent de Zamina, voulut aller lui parler. Elle quitta Gaïa et se dirigea vers la classe réservée au cursus scolaire des défenseurs.
— Excuse-moi, tu es Mia ? s'enquit une voix derrière elle. Je peux te parler de ton amie ?
Elle se retourna et vit le garçon aux cheveux longs.
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Les Chroniques de Terranova
Science FictionUn nouveau jour se lève dans la ville de Nova II. Il est toutefois paradoxal d'employer le mot « jour », car dans cet univers futuriste où chacun se voit implanter une puce cérébrale à sa naissance, la lumière du jour ne pénètre jamais. Une épaisse...