À sept heures du matin, tout le monde était réuni dans la salle des ordinateurs. Le principal Rose, qui était à la tête de l'établissement depuis dix ans, fit enfin son entrée. Il était particulièrement enthousiaste et adressa à l'équipe des surveillants un sourire communicatif.
— Mes chers collègues, j'espère que vous avez passé de bonnes vacances ! Je suis heureux de vous retrouver, et vous m'avez tous l'air en forme. Cette année sera particulière, car comme vous le savez, notre établissement a été choisi pour mettre à l'épreuve le tout nouveau superordinateur neuronal élaboré par le Département de recherche et développement. Il a été installé cet été.
Il montra fièrement l'unité centrale qui trônait au milieu de la pièce. L'équipe avait été tirée de ses vacances une semaine auparavant pour être formée à son utilisation, ce qui avait été assez rapide tant son interface était intuitive et bien conçue.
— Aujourd'hui, c'est la rentrée ! continua le proviseur. C'est l'un des jours les plus riches en réactions émotionnelles de la part des élèves humains. Ce sera donc l'une des journées de travail les plus intenses pour nous, qui devons les capter et les analyser. Allez, allumons la bête.
Il prit place devant l'unité centrale et la mit en route. Le processeur ronronna, des dizaines de néons bleutés s'illuminèrent, et les écrans holographiques apparurent dans les airs tout autour de la pièce. Chacun s'assit en face du sien et lança son interface.
— Bien, dit le principal Rose, nous sommes prêts. Les élèves vont entrer dans trois minutes. Pour rappel, nous avons noté l'an dernier que les retrouvailles avec un camarade humain provoquaient chez les lycéens une intensité émotionnelle supérieure de 23 % par rapport à un camarade IA. Comme vous le savez, l'objectif est d'atteindre 0 %, mais ce n'est pas pour tout de suite. Si nous passons en dessous des 20 %, cela montrera déjà un progrès de notre technologie d'intelligence artificielle.
Huit heures sonnèrent, et les portes de l'établissement s'ouvrirent. Des centaines d'élèves entrèrent dans la cour de récréation centrale et se dirigèrent vers les lieux de rassemblement prévus pour chaque classe.
Mia était la première arrivée de la classe 65. Contrairement à la plupart des élèves IA qui aimaient se matérialiser directement sur place, elle préférait marcher comme un humain. Son hologramme se déplaçait en reproduisant admirablement les gestes de ses camarades physiques. Cependant, la véritable prouesse technologique était ailleurs : ses pieds immatériels touchaient le sol sans laisser le moindre espace, pour éviter de donner l'impression qu'ils volaient, mais ne s'enfonçaient pas non plus dans le bitume. Le point de contact entre le sol et ses pieds était irréprochable, comme s'ils se posaient réellement dessus. Il avait fallu des décennies aux développeurs d'imagerie holographique pour arriver à un tel degré de perfection.
Ses camarades arrivèrent les uns après les autres. Ils se racontèrent leurs vacances, écoutèrent les dernières nouvelles, rirent tous ensemble. La plupart d'entre eux étaient humains, mais se mêlaient joyeusement aux IA. Ils ne savaient pas que les battements de leurs cœurs étaient enregistrés, leur sécrétion de dopamine mesurée et leurs expressions faciales analysées. Toutes ces données étaient prélevées par les caméras et capteurs sensoriels placés partout dans l'établissement – et, bien entendu, par la puce neuronale qui leur avait été implantée à la naissance – afin d'être rassemblées et traitées dans la salle des ordinateurs.
Le principal Rose, tout excité, était debout au centre de la pièce et faisait courir ses yeux sur les différents écrans.
— Alors, demanda-t-il à l'ensemble de son équipe. Qu'est-ce que ça donne ? Quelqu'un a quelque chose d'intéressant ?
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Les Chroniques de Terranova
خيال علميUn nouveau jour se lève dans la ville de Nova II. Il est toutefois paradoxal d'employer le mot « jour », car dans cet univers futuriste où chacun se voit implanter une puce cérébrale à sa naissance, la lumière du jour ne pénètre jamais. Une épaisse...