Supernova

Chapitre 9

Le lundi, après les cours, je sors du collège bien décidée, laissant ce grand bâtiment gris derrière moi. Ce petit week-end m'a fait réfléchir. Je ne veux pas vivre dans l'ombre de mon passé mais dans la lumière de mon présent.

A peine ai-je franchi les grilles qu'une main m'attrape et me fait pivoter. Je me retrouve alors face à Logan, un éclat que je ne lui connais pas sur le visage. Ou peut-être a-t-il plus de difficulté à le camoufler que d'habitude ? Difficile à dire. Tout ce que je sais, c'est qu'en le voyant ainsi, je me sens mal, vraiment mal. Il a l'air triste. Non ; détruit. Je le sais car, cette tête, je la vois souvent lorsque je me regarde dans le miroir. Je m'attends à ce qu'il dise quelque chose mais non. Nous restons ainsi jusqu'à ce que je décide de prendre la parole :

- Heu... je vais au magasin de Benoît. Tu veux m'accompagner ?

Il acquiesce mais ne bouge pas d'un centimètre.

- Es-tu sûr que tout va bien ?

Il ne répond pas, les larmes aux yeux. Je sens que je suis sensée faire quelque chose mais quoi ? Je ne sais même pas ce qu'il a. Pour seule réponse vient une autre interrogation :

- Est-ce que tu m'aimes bien ? En ami, je veux dire.

Je suis d'abord surprise par la question mais n'hésite pas une seconde pour y répondre.

- Bien sûr.

Je passe un bras autour de ses épaules.

- Logan, qu'y a-t-il ?

Il retient ses larmes et peine à déglutir convenablement. Je me sens impuissante, tellement inutile.

- Les autres, en tout cas, me détestent.

Mon sang ne fait qu'un tour. Je ne suis pas certaine d'être étonnée car je crois cerner de quoi il parle mais l'incite tout de même à poursuivre. J'espère de tout cœur qu'il me détrompe, pourtant, il ne fait que confirmer ce que je m'efforçai d'ignorer. Sa voix se fait toute petite, pleine de retenue et d'appréhension, lorsqu'il parvient à articuler à demi-mot :

- On m'embêtait déjà avant mais, depuis les dernières semaines, c'est de pire en pire. On m'a toujours trouvé soit étrange, soit agaçant. Maintenant, on me reproche aussi de te parler alors que tu en as défendu tous les autres. Donc, dès qu'on me voit seul, on en profite pour me prendre à part et m'insulter.

Il s'interrompt avant de reprendre, sa voix déraillant à chaque mot. Je sens à quel point se confier lui coûte et je me rappelle aussi à quel point ça a été dur pour moi de le faire lorsque j'ai évoqué mon frère devant lui.

- J'ai essayer de supporter, de faire comme si leurs paroles ne m'atteignaient pas mais je n'y arrive plus. 

Il s'étrangle d'un sanglot qu'il retient au fond de sa gorge tant bien que mal.

- J'ai vraiment essayé, Sacha, je te le promets... J'ai tout essayé. Mais, là, je n'en peux plus...

Il s'accroupit sur le béton du trottoir, presque adossé aux grilles encerclant le collège, et enfoui sa tête entre ses mains. Je me précipite pour le prendre dans mes bras, ne sachant quoi faire d'autre que le laisser pleurer sur mon nouveau t-shirt en caressant affectueusement ses boucles châtain-rousses. Je n'ai jamais été très forte pour tout ça. Il aurait sûrement dû s'adresser à quelqu'un d'autre mais, puisque c'est moi qu'il a choisi, je dois me montrer présente du mieux que je peux.

Son aveux ne m'étonne pas tant, finalement. J'aurai dû m'en douter. Il n'a jamais vraiment eu d'amis depuis que je le connais et recevait des réflexions de temps en temps. Je ne les ai jamais perçues comme quelque chose qui pouvait le blesser ou cacher bien plus. Je ne voulais pas le comprendre même si ça sautait aux yeux, d'autant plus maintenant. Pourquoi est-il venu me parler le premier jour ? Parce qu'il n'avait sans doute rien de mieux à faire et, voyant que j'étais, moi aussi, seule, il s'est dit que l'occasion était trop belle pour la manquer. Depuis le début, il cherchait un ami. Simplement un ami. Dire que je croyais, à la base, qu'il était venu m'embêter... Mais, en réalité, c'est lui qui l'était. Je me prétends son amie alors que je ne suis même pas capable de savoir qui il est vraiment, de le protéger ou d'être là pour lui !