Chapitre 11

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Je boucle ma valise le vendredi soir qui suit, une excitation croissante provoquant des vagues de chaleur dans mon ventre chaque fois que je songe au fait que je vais revoir Carlos. J'ai emporté des vêtements pour trois jours au cas où nous ne rentrions pas le dimanche soir mais le lundi matin. Enchaîner la journée de cours par la suite me paraîtra être le pire des supplices mais je suis convaincue que cela en vaudra la peine.

Ma mère, assise au bord de mon lit, insiste pour vérifier que j'ai bien emporté tout ce dont j'ai besoin. Je proteste d'abord avant de la laisser finalement faire ; elle ne cédera pas. Ce qu'elle découvre, en premier lieu, par-dessus la pile de vêtements et les produits de toilette, l'étonne particulièrement. Le carnet de Freddy. Je détourne aussitôt la tête pour ne pas voir son visage absent. La nausée me prend la gorge mais, du coin de l'œil, je me force à scruter ce qu'elle sort de mon sac. Il y a une photo de mon frère, Carlos et moi à côté de ma pochette remplie de dessins nous concernant. Je trouve le courage de l'observer à nouveau. Ma mère, comme absente, ouvre la pochette et observe un à un chaque dessin dans un silence pesant. Le regard qu'elle y porte me glace le sang. Elle n'a plus l'air que l'ombre d'elle même, plongée dans une nostalgie passée.

- Ils sont magnifiques, ma chérie.

Puis elle déclare, au bout d'un moment :

- On le reconnaît bien.

Après les avoir longuement observé, elle range les dessins et replace soigneusement la pochette dans la valise. Son regard se tourne vers moi.

- Ma chérie, est-ce que je peux te poser une question ?

J'acquiesce sans un mot.

- Pourquoi dessiner toujours les mêmes personnes ?

Je préfère autant la laisser deviner. Si elle prenait la peine de m'écouter, elle saurait.

- J'ai remarqué que Carlos est présent sur nombreux de tes dessins. Tu dessines si bien... Pourtant, la date est ressente. Il me semblait que tu l'avais oublié.

Et comment pourrai-je ? Lorsqu'un être si important entre dans notre vie, il reste gravé dans notre ciel à tout jamais. Même les étoiles filantes demeurent indélébiles.

- Sacha, lui, tu n'as pas à le regretter. Il faut tourner la page.

C'en est trop ! A quel moment a-t-elle renoncé ? A quel moment a-t-elle osé baisser les bras ? A quel moment a-t-elle cessé de croire ? Je me dois d'intervenir.

- Et pour quelles raisons ? Il a toujours été très important, pour Freddy comme pour moi. Pourquoi ne l'as-tu jamais accepté ?

- Mais je l'ai accepté !

- Ce n'est pas l'impression que tu donnes.

- Je suis simplement méfiante.

A mon avis, elle s'est juste trop laissée manipuler par Madison dès le début. Celle-ci en avait après leur relation et souhaitait se venger. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle a réussi.

- Mais, ma chérie, pourquoi ne réalises-tu pas des dessins montrant le présent ? Il faut voir la vérité en face ; les trois personnes sur ton dessin ne pourront jamais être réunies ailleurs que sur du papier, désormais. Vous avez pris des chemins différents, c'est dur mais il faut l'accepter. Tu n'es plus cette petite fille que tu représentes mais une jeune fille de quatorze ans qui est bien réelle. Arrête de courir derrière le passé et regarde devant toi !

Je trouve ses paroles injustes et bien trop sévères pour quelques dessins. Elle est sensée souffrir autant que moi. Alors pourquoi n'est-ce pas le cas ?

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