Chapitre 11

8 3 1
                                    

Non. Non je ne vais pas bien, comme vous aimez tous le dire.

Je retire mes lunettes de mon nez, passant un chiffon sur le verre gras. Je croise le regard de Sae-Jin, qui attend peut-être que je réponde ce qui ne tarde pas.
- T'as toujours cru à mes mensonges einh... T'sais quand tu me reprochais de mal t'écouter et de mal te consoler, je pensais vraiment que tu avais raison. Mais en fait, toi t'as jamais fait l'effort de m'écouter ou de me comprendre.
Je reprends ma respiration, regardant le tissus danser sur mes lunettes maintenant propres.
- Parce que moi je voyais la différence quand tu allais mal. Je suis p'têtre une merde pour consoler, pour écouter, pour comprendre. Je suis ptet un pote de merde. Mais au moins je la voyais la différence. Pas toi. Toi, tu as cru à mes mensonges, même les plus gros.
Il me fixe et je lui rend son regard dans lequel émotions se mélangent. Pourtant je ne m'arrête pas.
- Tu pensais réellement que je pouvais aller bien en sachant que je vivais les menaces de mon ex depuis des mois ? Mais c'est certainement plus simple de faire semblant de pas voir nan? Tout comme c'est plus simple de mentir tous les jours pour s'en persuader.
Est-ce que tu as même conscience de ce j'ai pu faire pour me sentir mieux ?

Le silence tombe, net, il est trop lourd pour respirer. Je passe ma main sur ma nuque et ma cuisse, sentant le gonflement de mes cicatrices sous mon jean. Je gratte distraitement le dos de ma main gauche, attendant qu'il me réponde. Mais rien. Le silence reste de glace. Jusqu'à ce qu'il se lève et quitte la salle. Contrairement à Matt qui reste en face de moi en me fixant de haut en bas.
- Un problème peut-être ?
Ma repartie a l'air de plus l'amuser qu'autre chose à vrai dire mais je vois bien un courant de pitié passer dans ses yeux.
- Tu lui en veux ? Chuchota t'il en brisant le silence.
- Non.
Ma voix le tranche sur place. Mais la vérité est telle. Je ne lui en veux pas, je le haïrai presque pour avoir vidé la place qu'il prenait dans mon esprit en détruisant tout autour. Comme s'il était un lourd bâtiment qui s'écroulerait en laissant un trou béant sous lui.
________ ________ ________
La soirée s'est terminée quatre heures plus tôt, dans un silence assez glacial dont je pense être le coupable. Une fois rentré, je me suis enfermé dans ma chambre avant d'enfiler de beaux vêtements. Soit un pantalon ultra baggy noir délavé, un pull manche longues gris, en dessous d'un t-shirt très large de la même couleur.

Je marche lentement le long de la route trempée. Mes pas se dessinent sur la fine couche d'eau formée par la pluie. La musique tamponne doucement mon tympan alors que j'atteins le pont surplombant la rivière. Je regarde les gouttes d'eau s'abattre sur l'eau reposé. C'est calme.
La musique bat dans mon casque, j'écoute attentivement les paroles, les yeux mi-clos, puis sur les douces paroles de Dpr Ian, je m'assoie devant le mur du pont, les jambes croisées. Je regarde le ciel qui m'appelle presque des ses éclairs. Les larmes commencent à dévaler mes joues, augmentant la sensation froide qui m'emplît.
« Dieu, si Tu existes, sache que Ta mission pour moi était trop compliqué. Confie la à quelqu'un d'autre qui saura la faire. Mais par pitié ne lui confie pas ma douleur. »
Sur ces mots, j'essuie les larmes sur ma peau, passe ma jambe au dessus du muret qui me sépare du vide et balance mon corps en avant.
Les larmes se déversent sur mon visage alors que je tombe a la renverse , l'air frais giflant mes yeux embués.
« Par pitié, réincarne moi dans une personne sans souffrances et sans peines »
J'ai l'impression de vivre ses quelques secondes pleinement pour la première fois, le sentant envahi d'une émotion nouvelle.
Puis mon corps heurte l'eau brusquement, douleur, vide et noir.

Je pleure comme je ne l'ai jamais fait, sentant la vie m'échapper, pris dans un courant gelé.

Mon corps ne vit plus.

J'entends la musique qui s'élève toujours dans mes oreilles, malgré les grésillements du casque et les sifflements aigus de mes tympans .
Je commence à trembler fortement, avant de m'éteindre complètement sur les rochers.
🎵I'll find a way to come back, like I always do 🎵

———- ————— ————
- Heure du décès : 20:30.
Seo-Jun a abandonné son corps à l'eau-Dela.

Surface EmergenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant