Les jours et les mois passèrent dans un calme qui m'en aurait presque effrayé. Mes séances de psychologue, qui m'avait d'abord apaisé, avaient fait grandir chez moi ce vide, plus que jamais. Mes journées ne s'organisaient pas, elles s'enchaînaient juste, sans que mon corps ne se décolle de mon lit. Je n'avais plus reçu de message de sa part, plus aucuns, mais je m'étais décidé à ne plus lui porter quelconque attention.
Les gouttes de pluies dévalaient sur mon velux, dans un vacarme assourdissant, battant derrière le doux son de ma musique dans mes écouteurs. J'ai rendez-vous, je le sais, d'ici une vingtaine de minutes, mais si m'échapper quelques instants me permet de retarder l'échéance, j'ai conscience que ma présence au psychologue ne fait que me peser.
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La voix de ma mère retentit une seconde fois dans l'escalier, alors que je remonte mon pantalon le long de mes hanches trop peu marquées.
La voiture vrombit dehors tandis que je sors rapidement de chez moi pour m'y engouffrer, évitant de justesse d'être trempé. Je remonte mes cheveux qui frisent légèrement à cause de l'humidité et en fait une demi-queue décoiffée.
Mon téléphone s'allume plusieurs fois dans ma paume, mais je ne fais rien, espérant seulement qu'il ne se rallumera plus.
Devant l'insistance des messages qui s'affichent les uns après les autres sur mon écran, je finis à contre-coeur par y porter attention. Lee-nah. Je ne suis qu'à peine surpris. A vrai dire, ce n'est que la suite de la conversation que j'ai entretenue avec elle il y a quelques minutes, juste avant mon départ.
Elle est comme ma petite sœur, même si moins d'un an nous sépare. Je ne la vois qu'à chaque vacances, faute de temps, mais reste avec elle à sa résidence, où elle vit depuis la mort de ses parents. En réalité, elle ne vit pas seule, puisque sa tante est présument chez elle également.
Mais depuis quelques mois, elle se referme sur elle-même et refuse de me parler, ce que j'ai beaucoup de mal à comprendre même si je vois où j'ai fauté, encore une fois. Ce matin même, elle m'a déclarée avoir été hospitalisée suite à une tentative de suicide. Ma réponse a été longue, car même si sa douleur se faisait transparaître dans son message, j'étais encore dans l'incapacité de comprendre ses sentiments.
Je lis et relis ses messages, toujours vide et interrogatif.
« - Tu t'en fous ? »
Non, bien sûr que non. Mais cette réponse ne convient à rien, parce qu'elle n'explique rien non plus. Il me faudrait poser des mots sur des choses que moi-même je ne sais pas expliquer. Si je pouvais lui dire, à quel point j'ai du mal à la comprendre et à gérer ses sentiments qui chez moi me posent tellement problème. Elle ne le sait pas, elle ne comprendrait pas. Je survole une dernière fois son cours monologue et tape un vague « ok ». A l'instant même où elle ouvre ma réponse, son prénom disparaît de mon écran : elle m'a bloqué.
Désolé.
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La salle de la psychologue s'ouvre devant mes pieds alors qu'elle me salue. Je ne réponds rien comme à mon habitude et rentre simplement le regard vide. Elle commence d'abord doucement puis enchaîne les questions auxquelles je réponds vaguement sans vraiment m'attarder sur le sujet.
« - Tu en veux à ton père ?
Je devrais lui en vouloir ? »
Elle me regarde interrogative mais je vois dans ses yeux que ma réponse la rend fière, comme si elle avait atteint son but en me faisant parler.
Je me contente de fixer mon reflet déformé dans la glace. Elle le sait, ça sera la dernière réponse qu'elle obtiendra de moi jusqu'à la fin de la séance.
Elle continue pourtant d'orienter mes réponses, cherchant à les faire plus précises mais je ne fais qu'acquiescer à ses interrogations.
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La pluie continue de s'abattre devant la petite fenêtre. Je réfléchis, mes doigts en suspens, tapant dans un rythme entraînant sur la table de bois. J'observe, pensif, les fleurs se courber sous le poids de l'eau. Le ciel gris plonge la pièce dans laquelle je me trouve dans les ténèbres, seulement éclairés par le fin rayon de lumière produit par la lampe de bureau. Les douces notes de musique se dévoilent dans mes oreilles, m'apaisant automatiquement. Les gouttes de pluie ruissellent sur la vitre, la beauté se révèle devant mes yeux, alors que je déshabille le paysage sombre du regard.
J'ai toujours préféré la pluie à toutes les autres choses. Peut-être parce que c'est comme un instant où mes pensées se concentrent réellement et arrêtent de se manifester à répétition.
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Surface Emergence
Novela JuvenilJ'ai promis beaucoup de choses dans ma vie. Il y a des promesses qui resteront sans retour. Je vous ai promis à tous que j'irais mieux, mais aujourd'hui je prends conscience que cette promesse fait partie des nombreuses autres qui resteront un men...