Chapitre 15 : La plateforme

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À bord de mon esquif, les embruns du large me fouettaient le visage alors que je ne relâchais pas mon attention de ma cible. J'ai réussi à bien m'en tirer avec mes notions de base en navigation couplées aux consignes du marin auquel j'ai emprunté le navire, ne heurtant aucun récif ou autre embarcation. J'ai profité d'un temps couvert pour me dissimuler dans les brumes ou au-dessous des nuages, au cas où l'Avatar décidais de suivre le convoi par les airs.

Et j'ai bien fait, car au bout d'une heure, j'ai entraperçu son bison volant au travers de deux Cumulus. Cette manœuvre avait forcément un but précis de leur part, je devais rester aux aguets, me préparant à tout.

Une heure plus tard, Sennu émit un cri aigu en arrivant à destination. Une énorme plateforme d'extraction de charbon dominait l'océan, toute en métal et en fumée noirâtre. Le brouillard marin donnait à cette construction une allure hostile et sépulcrale alors que les quartiers des officiers brillaient comme des phares.

J'ai débarqué à la prison vingt minutes après les prisonniers. Étant donné que j'avais conservé mon uniforme de soldat, on m'accepta sans poser de questions et j'ai confié mon faucon à un concierge qui s'est chargé de le garder auprès des autres de la structure.

L'endroit était austère, le métal de ces lieux résonnait à chaque pas qu'on faisait, encore pire que sur le bateau du prince. Les machineries provoquaient un raffut de tous les diables et les volutes de fumée empestaient l'atmosphère et les poumons. Je plaignais déjà les détenus, car je ne souhaitais pas rester ici plus longtemps que nécessaire. Je devais rencontrer le responsable dans les plus brefs délais pour assurer la réussite de mon opération.

Et il se trouve que j'ai réussi à dénicher un escalier en dessous du niveau qui accueillait les prisonniers, idéalement placé pour écouter l'accueil protocolaire du gardien. Il parlait d'une voix doucereuse et âcre avec des relents de mépris à l'égard de ses interlocuteurs, ce qui me l'a tout de suite rendu antipathique : "Chers maîtres de la terre, c'est un réel plaisir pour moi de vous accueillir dans mon modeste chantier naval. Ici, je suis votre gardien. Au lieu de vous traiter comme de vulgaires prisonniers, je vous considèrerais comme des invités ... d'honneur. Et j'espère que quand vous penserez à moi, ce sera en tant qu'hôte humble et chaleureux que vous me verrez. Vous serez comme des coqs en pâte ici si vous respectez ... "

Il n'eût pas le luxe de terminer sa phrase qu'un homme toussa bruyamment, sans doute à cause des vapeurs toxiques qui lui obstruait la gorge. Un bruit que je devinais être une déflagration suivi juste après. Des exclamations d'horreur et de stupeur de la part des prisonniers l'ont accompagné.

Le gardien changea radicalement de ton en aboyant sur l'homme qui a eu la malchance de l'interrompre : "Quel genre d'invité êtes-vous, misérable, pour interrompre votre hôte lorsqu'il parle ?! Conduisez-le en cellule !"

Des pas métalliques résonnaient au-dessus de ma tête après ce coup de sang du gardien. Celui-ci reprit contenance en laissant transparaitre sa véritable aversion pour les maitres de la terre : "Une semaine d'isolation devrait lui apprendre les bonnes manières. Si vous me traitez simplement avec autant de courtoisie que moi, je vous assure que tout se passera merveilleusement. Vous remarquerez chers maitres de la terre que cette plateforme est entièrement faite de métal. Vous êtes à des dizaines de kilomètres de la moindre parcelle de terre. Alors si vous aviez l'intention d'utiliser d'une quelconque façon vos pratiques de barbares que vous qualifiez orgueilleusement de maitrise de la terre, oubliez tout de suite. Car c'est totalement impossible. Bonne journée."

Cet homme représente décidément tout ce qu'il y a de pire dans la nation du feu, une complaisance et une hypocrisie nourrie par la soif de domination. Rien ne m'énerve plus que ceux qui pensent que le feu est l'élément supérieur, comme si ça avait le moindre sens. Et ce qui m'exaspérais davantage, c'est que depuis que j'ai quitté mes amis sur le quai, j'étais seul dans cette galère. La réussite ou l'échec de cette mission dépendais de moi. Et si j'échouais, je serais le seul à blâmer.

Les lys de feu : La traqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant