Quand je reprends conscience, je suis dans un lit, je le sais à la sensation de mes doigts sur les draps en soie.
J'ouvre les yeux avec peine, battant des cils pour m'aclimater à la lumière.
J'essaie de me redresser mais ma tête est encore trop lourde.
Je rabats mes paupières quelques secondes, le temps que mon cerveau se stabilise.
Tout mon corps me fait mal. Chaque respiration est douloureuse.
Au bout de quelques minutes, la pièce semble enfin s'arrêter de tourner et je réussis enfin à m'asseoir, aidée par la multitude d'oreillers dans mon dos.La chambre dans laquelle je me trouve est luxueuse et bien plus grande que toutes celles dans lesquelles j'ai dormi. Des moulures habillent les murs et le plafond de la pièce, lui donnant ainsi un aspect ancien, comme dans un château. De grands rideaux violets partent du plafond et descendent jusqu'au sol avant de s'arrêter à quelques millimètres du parquet. Un mince filet de lumière filtre à travers les immenses fenêtres, projetant l'ombre mouvante des arbres sur le tapis à poils longs au pied du lit.
Ma vessie menace d'exploser si je ne la soulage pas très vite et je rabats la couverture dans laquelle je suis emmitouflée pour m'extraire du lit. Mes mouvements sont vite arrêtés par la perfusion dans ma main gauche que je retire délicatement avant de rejoindre la porte à double battant sur ma droite.
Je débouche dans un long couloir sombre, menant sans doute au reste de la propriété. Je m'accroche au mur pour ne pas m'écrouler de fatigue et de douleur et finis par trouver les toilettes. Quelques souvenirs de mon enlèvement refont surface dans mon esprit, me clouant contre le battant en bois quand je le referme.
J'inspire profondément et tente de calmer les battements effrénés de mon cœur.
Malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à canaliser la crise d'angoisse qui s'insinue en moi et explose en sanglots. Ma respiration se fait difficile et la douleur dans mes côtes augmente à chaque inspiration.
Je porte les mains à mon cou et renverse la tête en arrière dans l'espoir de laisser entrer plus d'air dans mes poumons. Mes doigts entrent en contact avec la chaîne qui ne me quitte jamais depuis bientôt un an et le métal froid distrait mon cerveau, me faisant lentement revenir à la réalité. Le tourbillon de mes pensées ralentit et ma respiration retrouve un rythme normal, semblable à celui de mon cœur.
Les mains tremblantes, je me frotte le visage et essuie les larmes qui ruissellent encore sur mes joues et gouttent dans mon cou. Les bandages blanc sur mes poignets m'interpellent et je m'aperçois que mes chevilles en sont également recouvertes. De nouveaux flashs s'insinuent dans mon cerveau, comme si mon inconscient essayait de tester ma résistance aux crises d'angoisse.
Je ferme les yeux et me concentre sur ma respiration, refoulant la flopée d'images terrifiantes qui s'offrent à moi. Les événements de ces derniers jours seront difficiles à oublier et seront maintenant gravés en moi à jamais. Mon estomac se retourne au souvenir des mains de mon kidnappeur sur moi et de ce qu'il m'a fait subir ensuite et je me précipite à l'intérieur des toilettes pour vomir. Les crampes dans mon ventre me font tourner la tête et me donnent l'impression que je vais tomber dans les pommes. Je me cramponne aux murs à côté de moi tandis qu'une douleur intense me déchire le ventre.
Des points noirs se mettent à danser devant mes yeux et je m'effondre contre le mur derrière moi, inconsciente.
Une pression sur mes chevilles me fait revenir à la réalité et quelques bruits parviennent à mes oreilles et me tirent de l'inconscience. Je bats des cils et distingue petit à petit la pièce qui m'entoure, je suis à nouveau dans la chambre dans laquelle je me suis réveillée ce matin. La perfusion a repris sa place sur le dos de main ainsi qu'une autre dans le creux de mon coude. Je grimace en sentant l'aiguille bouger dans ma veine quand mon bras est replacé sur mon ventre.
Je rencontre deux grands yeux bleus quand je me tourne vers le reste de la chambre. Je suis immédiatement happée par l'intensité de son regard et plonge sans me retenir dans les abysses de ses iris.
L'homme se rapproche de moi, sans me quitter des yeux et attrape mes poignets entre ses mains. Je tressaille et tente de me dégager de sa prise, incertaine de la tournure que pourraient prendre les évènements.
- Il ne t'arrivera rien tant que tu seras avec moi, dit-il calmement en défaisant le bandage sur mon poignet gauche.
Je le laisse panser mes blessures, incapable de prononcer le moindre mot. La panique qui grandissait en moi redescend lentement, ne laissant plus qu'un poids raisonnable dans ma poitrine.
Un rayon de soleil entre par la fenêtre et éclaire les mains de mon soignant, me permettant d'observer les tatouages qui recouvrent sa peau, presque totalement recouverte d'encre.
Sur le dos de sa main gauche est dessinée une fleur. Une fleur que je connais bien puisque je porte le même prénom qu'elle. Une Amaryllis. Ses feuilles remontent sur son avant-bras et se mélangent avec d'autres fleurs jusqu'à son coude. Des vagues viennent se mêler aux feuillages de son bras et recouvrent son biceps. Les quatre familles d'As sont dessinées sur les doigts de sa main et une chevalière féminine orne son annulaire, comme s'il était marié.
Une sorte de clown, comme les jokers dans les jeux de cartes, recouvre la quasi totalité de son avant-bras droit. Le regard de celui-ci me fait froid dans le dos et m'intimide quelque peu. Des formes organiques parcourent le reste de son bras et semblent remonter sur son épaule sous son t-shirt, débordant jusque dans son cou.
Un papillon recouvre sa gorge, dont les ailes représentant une tête de mort, bougent au rythme de sa pomme d'Adam. Quelques autres petits tatouages recouvrent le reste de son cou mais l'un d'entre eux retient mon attention quand il tourne la tête pour attraper mon autre poignet.
Un pistolet pointé vers le ciel remonte derrière son oreille.
L'homme qui se tient en face de moi serait en réalité l'artisan de ma sortie de l'enfer dans lequel j'ai plongé quelques jours plus tôt. Je fronce les sourcils et continue d'inspecter le moindre centimètre de sa peau, incapable de détâcher mon regard de lui.
- Il ne t'arrivera rien, reprend-il calmement.
Malgré ses paroles qui se veulent rassurantes, mon cœur s'emballe et le sang afflue rapidement dans mes oreilles. Je me redresse difficilement mais l'homme aux yeux bleus me repousse doucement par les épaules. Son geste est doux et ferme à la fois, comme s'il avait peur de me casser. Je me renfonce dans les oreillers et l'interroge du regard, muette.
La panique grandit en moi et explose, faisant trembler la totalité de mes membres. Je peine à déglutir et à reprendre une respiration normale. Les larmes glissent sur mes joues sans que je puisse les retenir et brouillent ma vue.
Ses mains se posent sur les miennes et pressent légèrement mes doigts, comme pour me rassurer. Dans la brume de mon angoisse, j'aperçois ses iris bleus et me focalise dessus, me raccrochant à lui comme à une bouée de sauvetage. Ses doigts ne me lâchent pas jusqu'à ce que je me calme.
- Il ne t'arrivera rien de similaire à ce que tu as pu vivre dernièrement tant que tu seras avec moi, souffle-t-il d'un ton grave, presque solennel.
Il arque un sourcil pour appuyer ses propos, attendant sans doute une réponse de ma part. Je hoche difficilement la tête et déglutis, tentant vainement de faire disparaître la boule qui obstrue ma trachée.
- Repose-toi, on part tôt demain.
Ce sont ces dernières paroles avant de quitter la pièce en claquant la porte.
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Traquée
RomanceAmy Manson a grandit dans un orphelinat près de Los Angeles après le décès tragique de sa mère et la mystérieuse disparition de son père dix ans auparavant. Quelques mois après sa majorité, elle va se retrouver plongée au coeur de réseaux en tout ge...