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Sasha


— Merde ! s'écrie Grant, avant de balancer ses cartes tandis que j'amasse pour la seconde fois de l'après-midi un joli pactole.

— Tu devrais sérieusement arrêter de jouer, t'es tellement transparent qu'on sait direct lorsque tu as une bonne main. Si tu ne veux pas te faire plumer davantage, Sergio organise des parties de UNO le vendredi soir avec les gars de la cantine. Ce serait moins dangereux pour ton porte-monnaie, tu crois pas ? le taquiné-je.

Il se lève en grognant mais alors qu'il allait certainement m'insulter copieusement, la porte de notre baraquement s'ouvre à la volée.

— Tout le monde sur la place dans cinq minutes avec tenue d'intervention complète. Et ceci n'est pas un exercice !

Notre commandant s'empresse de repartir aussi sec. Enfin de l'action ! Intérieurement, je me réjouis d'enfin quitter ce camp car si je me suis engagé ce n'est pas pour passer mes journées à dépouiller mes camarades, mais pour sauver des vies. Et aujourd'hui, je vais être servi !

Lorsque nous arrivons sur la grande place poussiéreuse, la première chose qui me frappe est le visage fermé de mon supérieur. La mission a l'air sérieuse et les secondes qui suivent ne me contredisent pas.

— Un hôpital à une dizaine de kilomètres est la cible de plusieurs rebelles et notre devoir du jour est d'y aller et d'exfiltrer tous les médecins ainsi qu'un maximum de patients en provoquant un minimum de dégâts. Randall, votre équipe est chargée de l'évacuation du personnel soignant. Vous aurez deux hélicoptères à disposition pour y arriver mais pas plus de cinq minutes. Soyez efficace et pas de bavure car cette fois personne ne sauvera votre cul, est-ce que c'est clair officier ?

— Oui, réponds-je, sans broncher sur la pique qu'il vient de m'envoyer en pleine tronche devant toute mon unité.

Ce mec m'avait déjà dans le nez pendant ma formation mais depuis que j'ai eu le malheur de désobéir en refusant de sacrifier une civile lors d'une attaque, manquant de justesse de sauter avec un bâtiment, il rêve de me faire la peau. Tout le monde n'a pas la même définition du mot honneur. Je préfère cent fois recevoir une balle et sauver une vie que recevoir une putain de médaille parce que j'ai pris une décision de merde assis derrière un bureau !

Nous embarquons dans notre véhicule en direction du quartier qui est pris d'assaut par une troupe d'extrémistes qui tiennent la ville et qui se battent contre les forces du gouvernement. Je ne regarde pas la route puisque je suis concentré à répartir mon équipe sur le terrain avant d'arriver. Nous n'avons que très peu de temps donc tout doit être coordonné de manière à ne rien laisser au hasard. Une mauvaise manœuvre et ce sont les civils qui trinquent.

Lorsque nous arrivons sur place, c'est le chaos. Tout ce que je vois, ce sont plusieurs blouses blanches qui courent partout, une multitude de patients qui attendent d'être pris en charge et ça, c'est mon job. Mais à peine un pied sur le sol, que j'aperçois une femme s'éloigner du reste du groupe. Je fais signe à mes quelques hommes d'aller à la rencontre des blessés, et je me lance à sa poursuite avec prudence.

Alors que je cours, j'entends quelqu'un crier ce qui m'alerte. Je m'arrête et une infirmière m'interpelle.
— Si vous partez chercher la doctoresse Green, elle est allée chercher une patiente qui se trouve au fond du bâtiment. C'est mon amie, souffle-t-elle.

Je n'ai pas l'habitude de faire du sentiment mais là, je me dois de la rassurer afin qu'elle déguerpisse au plus vite de ce terrain.

— Ma mission est de sauver tout le monde, je ne reviendrais pas sans elle. Maintenant, partez ! lui ordonné-je avant de reprendre le cours de ma course.

Au moment où j'entre, j'aperçois un groupe de terroristes. Caché derrière un pilier, je les laisse passer. Ne sachant pas du tout comment tout cela peut se finir, je décide d'avertir mes hommes par radio : " Poursuivez l'évacuation, n'attendez pas sur moi, terminé ".

Le doigt sur la gâchette, je suis le groupe de trois personnes qui semble chercher la même cible que moi. Ils l'ont sans doute vu rentrer dans l'immeuble sans savoir exactement où elle est, ce qui me donne un avantage non négligeable sur eux.

Je m'engage dans le couloir, n'ayant aucun moyen de savoir où elle en est de son sauvetage. Sans compter que je n'ai pas le temps de fouiller toutes les pièces. De plus, les portes risquent de faire du bruit... Le silence est mon meilleur allié pour le moment. Je continue mon exploration jusqu'à atteindre l'aile indiquée un peu plus tôt par sa collègue. Durant quelques minutes, je tends l'oreille en me promenant à pas feutré dans le couloir et quelque chose m'interpelle lorsque je passe devant la seule porte fermée.

Ayant entendu un bruit, comme un sanglot très rapidement étouffé, je n'ai pas de mal à deviner que si une enfant qui pleure se tait si vite, c'est que quelqu'un est caché avec elle... Il me faut vérifier mon intuition. La main sur la poignée et l'autre toujours sur mon arme, j'ouvre doucement la porte, la lumière entre lentement dans la pièce. La première chose que j'aperçois est un visage féminin dont les yeux sont fermés et les bras serrant un petit corps fragile.

Mais dès qu'elle se rend compte que je ne suis pas un ennemi, elle relève la tête et un regard d'un bleu intense plonge dans le mien. Pendant une poignée de seconde, j'ai l'impression d'être hypnotisé. C'est le sanglot qu'elle lâche qui me ramène sur terre. Il ne me faut pas longtemps pour reprendre mon sérieux ainsi que mon rôle. Le doigt sur ma bouche, je lui fais signe de se taire sans pour autant lui faire peur.

— Il est temps de vous sortir d'ici, Doc, venez, murmuré-je, lui tendant la main.

Au moment où elle se lève pour me rejoindre, je peux sentir que son contact m'électrise, tout ça à travers mon gant. Putain, voilà un truc qui n'était pas prévu dans cette foutue mission ! 

Hell's LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant