- 3 -

41 12 0
                                    


Sasha


Je m'installe au fond d'un siège afin de reprendre mes esprits. J'ai beau être entraîné à ce genre de situation, c'est toujours intense lorsqu'on la vit réellement. La femme soldat me regarde, comme si elle attendait une instruction qui ne vient pas. J'en profite pour retirer mon casque, mes cheveux bruns courts sont en bataille à cause de la sueur.

— Pffiiioouu, soufflé-je, m'étirant contre le siège.

J'observe celle qui, apparemment, à tout mit en œuvre pour que ce foutu hélicoptère ne parte pas sans moi et elle semble stressée par ce qu'elle vient de vivre. Ce qui est tout à fait compréhensible, surtout qu'elle a fait preuve d'un sacré cran et je me jure de ne jamais l'oublier. J'adresse un sourire puis un clin d'œil à la petite, afin de lui faire comprendre qu'à présent tout va bien.

Cette dernière se hisse sur sa jambe et décide d'aller voir comment se porte son médecin. Sa petite main passe dans ses cheveux noirs et elle relève la tête. Je l'aperçois essuyer discrètement une larme qui roulait sur sa joue avant de la blottir contre elle. Ce genre de moment d'humanité se fait rare dans le métier que je fais, j'en profite donc autant que je peux, ne sachant pas quand cela se reproduira.

Alors que je continue mon observation, je décide quand même de retirer le gant dont la main me fait mal. D'ailleurs, lorsque je le fais, j'aperçois une plaie.

— Tsss, grimacé-je, en découvrant ma main.

— Laissez-moi regarder.

Pour la première fois, nos visages nus se croisent. Malgré la peur visible chez elle, je ne peux m'empêcher de remarquer à quel point elle sait se montrer professionnelle et courageuse dans de telles circonstances. J'apprécie de plus en plus sa compagnie, chose à laquelle je ne devrais pas me laisser aller. Nous restons plusieurs secondes les yeux dans les yeux, comme hypnotisés. Ce sont les secousses de l'appareil qui nous ramène sur terre. A cet instant, elle baisse le regard sur ma blessure, ses doigts délicats examinant la moindre parcelle de peau, tournant ma main dans tous les sens pour vérifier tous les angles afin de ne rien rater.

— La balle n'a fait que vous érafler, malgré tout il vous faut quelques points.

— Ma carrière de pianiste est fichue... dis-je, déçu, en regardant le sang sur ma main.

Elle tend la sienne pour sortir de sous le siège une trousse de premier secours puis décide de me faire un pansement en attendant d'arriver à la base. Alors qu'elle nettoie ma plaie, elle répond à ma déception.

— Que monsieur Mozart ne se fasse aucun souci, la main de monsieur l'artiste pourra continuer de danser sur les touches de son piano adoré.

D'un ton très sérieux, je tourne la tête puis m'adresse à la femme soldat :

— Vous voyez, sergent, l'aimable docteur croit en mon talent, ELLE.

D'un ton lapidaire, tout en se retenant de rire, elle me répond :

— Putain, même quand tu te fais tirer dessus t'arrêtes jamais... N'hésitez pas à lui donner une bonne dose de morphine surtout, histoire qu'il nous foute la paix pour un moment, Doc.

Mon regard se repose sur elle, et elle semble apprécier ce moment de détente après cette séquence plus que mouvementée sur le terrain. Elle se concentre sur son travail puis sors un bandage, certainement pour garder ma plaie au sec le plus longtemps possible.

— Voilà, il faudra passer me voir une fois qu'on aura atterrit pour les points.

— Je vous remercie, docteur.

Elle me sourit timidement puis retourne s'occuper de sa patiente. Le pilote nous informe que la base n'est plus très loin ce qui me soulage car l'hélico et moi on n'est pas très amis. Alors qu'elle tente de changer les idées de la petite Aïcha, je commence à somnoler. Cette scène d'humanité et de tendresse me détend instantanément. Je pique du nez, me remettant de mes émotions avec une petite sieste. Je ne peux m'empêcher de trouver son visage rassurant, apaisant même.

Je me réveille au moment où je sens que l'appareil se pose. Nous descendons tous de l'hélicoptère et un petit groupe de soldats vient nous rejoindre. Quelques vannes fusent mais mon autorité ne tarit pas, même si j'apprécie de pouvoir plaisanter en rentrant d'une mission comme celle-ci. Mon regard n'arrive pas à se détacher d'elle, ce dernier est totalement assumé et je le maintiens avec amusement en la voyant toute gênée.

Elle ma salue timidement et je réponds à son signe de la main de manière ostensible, ce qui surprend les deux soldats venus m'accueillir sur l'héliport. Rapidement, je retrouve mon sérieux puis me dirige vers la tente principale afin de faire un rapport précis à mes supérieurs sur la situation. Vu la gravité de ce qu'il se passe en ce moment, il n'est pas exclu que je doive rapidement y retourner.

Tant pis, j'aurais aimé pouvoir rester un peu plus longtemps sur la base afin de revoir cette courageuse femme médecin... 

Hell's LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant