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Lya


Un message arrivé par radio juste avant la coupure des communications nous indique qu'une troupe de soldats est en route pour superviser l'évacuation. Mais alors que je rassemble mon équipe pour leur donner des instructions, des tirs se font entendre et ils se rapprochent de plus en plus. Nous accélérons le pas afin de sortir tous les patients le plus rapidement possible et lorsque nous sommes tous réunis dans la cour, je vois une collègue venir vers moi en courant.

— Il manque la petite Aïcha ! Il y a eu un mouvement de panique à cause des tirs et je n'ai pas eu le temps d'aller la chercher. Il faut que j'y retourne, s'écrie-t-elle en me tournant le dos.

Je l'attrape par le bras et lui ordonne de partir avec le groupe au point de rendez-vous, tandis que j'opère un demi-tour pour entrer dans le bâtiment. Même si je sais qu'à l'instant où je mettrais un pied là-dedans, les rebelles seront là et je serais prise au piège. Je fais fit des cris de mon amie qui me hurle de ne pas y aller.

Les coups de feu se font plus insistant alors que je cours comme une dératée à travers les couloirs. Lorsque j'atteins enfin la porte derrière laquelle se trouve ma patiente, une bombe explose à proximité et je tombe à plat ventre devant cette dernière. Un peu secouée, je mets quelques secondes à retrouver mes esprits avant de me relever, d'entrer et de prendre la petite dans mes bras.

Au moment où je m'engage dans le couloir pour sortir, des bruits de mitraillettes me parviennent ainsi que des voix dans une langue que je ne comprends pas. Je sais dès lors que je suis piégée et je retourne sur mes pas pour m'enfermer dans une sorte de placard à balais, dans le noir. Seule avec cette petite fille terrorisée, j'essaie de calmer ma respiration pour éviter de lui transmettre ma panique et tend l'oreille.

Les bruits de pas se rapprochent et je crains d'être perdue pour de bon cette fois. Je pose la main sur la bouche d'Aïcha, qui se met à sangloter. J'angoisse en fermant les yeux avant de prier en attendant le coup de grâce.

Lentement la porte s'ouvre et mon cœur s'accélère dès que je sens la lumière sur mon visage. J'ouvre les yeux, et lorsque j'aperçois cet homme, qui n'est pas un rebelle, devant moi je lâche un sanglot de soulagement. D'un geste précis et net, il me fait signe de me taire. Je plonge dans son regard tandis qu'il me demande silencieusement de le suivre, et à ce moment-là je sais que je peux lui faire confiance aveuglément. Je me relève, la petite accrochée à mon cou et me colle à son dos.

Son uniforme ainsi que son arme contrastent avec son visage qui, malgré la situation, est assez doux. Sa façon de bouger est bien celle d'un soldat expérimenté, qui a sans doute déjà tué mais ce détail m'importe peu du moment qu'il me sort d'ici en vie. Je l'observe sécuriser le trajet, jetant des coups d'œil rapides et efficaces dans tous les angles. Nous arrivons rapidement dans la rue, et c'est là que j'entends sa voix pour la première fois.

— Docteur, vous avancez juste derrière moi, vous stoppez quand je lève la main et vous ne trainez pas. Compris ? m'ordonne-t-il, tout en regardant si la voie est libre.

Je hoche la tête et pose la main à l'arrière de la tête de ma petite patiente pour qu'elle reste calme. Je lui murmure : Accroche-toi ma puce, on est bientôt en sécurité. J'essaie de me concentrer sur lui et d'ignorer ma propre peur afin de ne pas effrayer l'enfant que j'ai dans les bras.

— Allons-y, lance-t-il, fermement, avant de s'engager dans la rue, avançant avec précision alors que les explosions et les rafales se font entendre à quelques centaines de mètres.

Je compresse ma patiente contre ma poitrine pour la protéger des bruits extérieurs et étouffer les cris qu'elle pourrait émettre. Je me cale à son rythme et le colle le plus possible, essayant de faire abstraction du monde en guerre qui m'entoure. Un peu plus loin, j'aperçois deux hélicoptères décoller.

— Mais quels cons ! s'exclame-t-il, avant de se retourner vers moi pour tenter de prendre l'enfant. Nous devons aller plus vite, donnez-la-moi, soupire-t-il en rangeant son fusil d'assaut.

— Protégez-nous et conduisez-nous en sécurité, c'est votre job. Le mien, c'est de la garder en vie.

Son regard ne change pas mais il me rétorque d'un ton calme et sec :

— Docteur, nous avons environ vingt seconde pour arriver là-bas et je doute que vous puissiez courir aussi vite que moi avec cette enfant dans les bras. Nous avons donc deux options qui sont : la laisser ici ou me laisser la porter.

Au même moment, nous nous rendons compte que les hélicoptères qui ont décollés ont attirés les rebelles sur la position de notre héliport et qu'ils arrivent. C'est donc à contre cœur que je m'exécute :

— Sauvez-là en priorité !

À l'instant où il la prend dans ses bras, nous sommes la cible d'une rafale qui manque de me toucher. En un quart de seconde il se retourne pour faire bouclier sur nous et j'entends une balle qui se loge dans son gilet ce qui lui coupe le souffle mais il ne bouge pas. Son regard plonge dans le mien. Encore sous le choc de ce que je viens de vivre, il me faut plusieurs minutes pour reprendre mon souffle, la petite toujours accrochée à moi.

— Je vous remercie d'avoir pris une balle pour me sauver. C'était très courageux de votre part.

— C'est mon job, réplique-t-il, d'un ton froid, professionnel. Le temps nous est compté, nous en avons déjà trop perdu.

Nous reprenons notre course et arrivons sur place où nous attend le dernier hélico. Toute mon équipe a visiblement déjà été évacuée dans les autres, ce qui me soulage.

— Montez.

Je m'exécute sans réfléchir plus longtemps. Une fois bien installée, j'attrape la petite qu'il me tend et pile à ce moment-là, une nouvelle rafale nous cible ce qui oblige mon sauveur à se mettre à couvert à environ un mètre de nous. Je n'ai pas le temps de soupirer de soulagement en voyant qu'il y a échappé que l'appareil de met en mouvement.

— Attendez ! Ne le laissez pas là !

Le pilote et la femme soldat qui sont avec moi à l'arrière semblent ignorer ma requête, agissant comme s'ils étaient programmés. Nous commençons à prendre de l'altitude et il me faut agir vite. Je lance la petite dans les bras de la femme officier qui se trouve face de moi et me penche à la porte encore ouverte mais je me fais rapidement remettre à l'ordre.

— Je vous préviens, si vous le laissez ici, je saute ! hurlé-je. Il est blessé, bordel, il nous a sauvé la vie, vous devez l'embarquer !

L'officier fait un signe de tête entendu au pilote et l'hélico redescend dans la seconde.

— Bougez-vous !

Je l'observe foncer vers l'hélico avant de se hisser à l'intérieur, hurlant ensuite au pilote de nous sortir de là rapidement.

Au moment où il atterrit sur le sol, je me laisse tomber contre le siège, toujours assise parterre. L'instant que je viens de vivre est complètement hors du temps car c'est la première fois que j'agis de la sorte mais il m'était impossible de l'imaginer mourir ici après tout ce qu'il avait fait pour me sauver... 

Hell's LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant