Lya
Des voix masculines se font entendre, et c'est ce qui me réveille. J'ouvre les yeux mais un bandeau m'empêche de voir ce qu'il se passe autour de moi. Au vu de la langue qui est parlée, mais aussi du traitement que j'ai subis la nuit dernière lors de l'attaque, je sais d'avance que ce sont des rebelles qui m'ont kidnappée. Je ne peux même pas tenter une négociation ! Ma gorge est sèche et j'ai beaucoup de peine à respirer. Ma poitrine me fait mal. Je sens que je suis assise à même le sol, un sol poussiéreux.
Tout à coup, mon esprit s'égare et plusieurs flashbacks de la soirée m'assaillent. La porte de mon baraquement qui explose sous les coups. Des hommes masqués qui entrent en trombe puis saccagent tout tandis qu'un des assaillants s'approche de moi et me gifle parce que je me débats. Mes cris de détresse lorsqu'ils m'emmène de force avec eux. La peur de ne plus revoir Sasha...
Mais alors qu'une larme s'échappe et roule sur ma joue, je sens que l'on m'empoigne le bras pour me relever. Toujours dans le noir, je trébuche plusieurs fois avant que l'on me pousse dans un véhicule. La route que nous empruntons est caillouteuse. De ce que je peux ressentir, je dois être à l'arrière d'un pick-up car le vent souffle dans mes cheveux et je sens le soleil qui tape sur mon visage.
Je ne suis pas seule, je sens la présence de deux hommes de chaque côté de mon corps. L'un d'eux se permet même quelques caresses sur ma cuisse dont le dessus est à l'air libre puisque mon pantalon est déchiré. Je tente alors de le repousser d'un coup d'épaule et pour toute réponse, il m'insulte dans sa langue avant de positionner quelque chose de froid et pointu sur ma gorge. J'imagine que c'est un couteau, il vaut mieux que je me tienne à carreau. D'ailleurs, lorsque je le sens recommencer mais cette fois, en passant sous mon t-shirt, je ne bouge pas. S'il veut se faire plaisir, qu'il le fasse mais moi je n'y prendrais aucun. Durant les quelques minutes que cela dure, je m'évade en repensant à la nuit que j'ai passé dans les bras de Sasha.
Comme tout cela semble si lointain alors qu'il ne s'est passé que quelques heures depuis...
Je suis incapable de dire combien de temps dure le voyage mais je suis soulagée lorsque l'on s'arrête enfin. Que vont-ils bien pouvoir faire de moi ? Je ne suis pas une otage assez importante pour que l'on échange ma vie contre quoi que ce soit. Je ne suis pas complètement stupide, je réalise bien que je n'ai aucune valeur. Alors pourquoi moi ? La réponse m'est donnée dès l'instant où l'on me retire le bandeau ainsi que les liens qui me déchiraient les poignets. Ce n'est pas possible...
La misère que je vois lorsque mon regard scanne la pièce dans laquelle je me trouve, me laisse littéralement sans voix. Des dizaines de lits sont disposés tout autour de moi, mais le nombre de personnes malades ou blessées est bien supérieur à ce nombre-là. On ne peut même pas appeler cela un hôpital mais plutôt un dispensaire et encore. A cet instant, toutes les questions que je me posais à la suite de mon enlèvement s'évanouissent, ne reste en moi que l'envie d'aider, de sauver des vies.
Un homme entre au même moment, j'imagine qu'il doit s'occuper de cet endroit car c'est le seul qui a un stéthoscope autour du cou. En quelques enjambées, je m'approche d'une femme qui a une brûlure assez grave sur l'épaule. Au premier abord, elle semble méfiante et je tente de la rassurer comme je peux puisque nous ne parlons pas la même langue. Mes gestes doux, lent, mais précis, semblent faire leurs effets. Tout se fait si naturellement que j'en oublierai presque que je ne suis pas ici de mon plein gré.
— Vous avez l'air dans votre élément, très joli bandage, vibre une voix grave, près de mon oreille alors que je suis assise auprès de ma patiente.
Je sursaute puis tourne la tête afin de mettre un visage sur cette voix qui n'est pas désagréable. Un sourire ainsi qu'un regard noisette m'accueillent avec bienveillance ce qui fait du bien. Je me relève, intriguée par cet homme qui parle ma langue même s'il a un léger accent de la région.
— Il m'est difficile de résister lorsque je sais que je peux être utile quelque part, je suis certaine que vous voyez de quoi je parle, docteur.
Il lève les mains en secouant la tête.
— Je suis loin d'être médecin mais j'ai assez de base pour subvenir aux besoins des plus démunis de ce quartier. Entre vous et moi, c'est certainement vous la plus expérimentée.
— Désolée de casser l'ambiance mais, est-ce que vous savez ce que je fais ici, avec vous ? Parce que la vérité c'est que je ne suis pas là de mon plein gré.
Il met les mains dans les poches puis baisse la tête avant de me faire signe de le suivre dans une autre pièce. Nous arrivons dans ce que je pourrais appeler la réserve ou l'arrière-salle. Il soupire avant de se retourner vers moi, l'air grave.
— Les personnes que vous voyez ici sont le résultat des combats menés par votre pays sur le nôtre, commence-t-il. Les rebelles ont simplement pris une vie pour une autre vie mais je sais très bien que ce n'est pas comme ça que cela stoppera cette foutue guerre. La seule chose sur laquelle on a eu de la chance, c'est que vous soyez un médecin.
J'écoute son discours et sa détresse me touche. Il est exactement comme moi, il a été pris dans cette folie et fait son maximum pour apporter son aide aux victimes. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que ces hommes n'ont pas juste kidnappé un médecin mais aussi une femme qui compte énormément dans la vie d'un soldat. Et pas n'importe lequel : le plus déterminé de la bande.
— Personnellement, j'ai fait le choix de m'engager dans cette voie, vous savez, mais cela ne veut pas dire que je cautionne toute la violence à laquelle je suis confrontée depuis que j'ai été envoyée ici. Et puisque je ne sais pas combien de temps je vais rester prisonnière, je ferais mon maximum pour vous aider cependant ne vous habituez pas à ma présence, elle ne sera que de courte durée.
Il sonde mon regard mais ne semble pas surpris par ma détermination et il a raison. Tout au fond de moi, je sais que Sasha est déjà à ma recherche et tant qu'il ne me retrouvera pas, il n'abandonnera pas. Avant que j'aie le temps de faire plus ample connaissance avec mon collègue, un homme entre en hurlant, une mitraillette à la main. Tout le monde semble sur les nerfs. Quelques secondes plus tard je comprends pourquoi. Une explosion à quelques bâtiments du nôtre survient, ce qui fait trembler les murs.
Je ferme les yeux et prie pour que ma délivrance soit proche. Soit par Sasha, soit par la mort. Je me battrais jusqu'au bout mais je ne sais pas combien de temps les rebelles me laisseront la vie sauve...
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Hell's Love
RomanceSasha donnerait sa vie pour son métier de militaire. Le terrain, c'est sa deuxième maison. Lorsque sa mission du jour est d'évacuer un hôpital de fortune, dans une zone entourée de camp rebelles, il sait que ça ne va pas être de tout repos. Ce qu'i...