De L'Afrique à Paris

la confrontation

Après avoir raccroché avec Kadiatou, le père, toujours sous le choc, prit un moment pour digérer les révélations de sa fille. Son cœur était partagé entre la colère, la déception, et la confusion. Il prit une profonde inspiration avant de composer le numéro de sa sœur. Le téléphone sonna quelques fois avant qu'elle ne décroche.

- « Allô, Moussa ? » répondit la voix de sa sœur, avec un ton qui trahissait une légère inquiétude.
- « Mariam, c’est quoi cette histoire avec Kadiatou ? » demanda Moussa, la voix grave et tremblante.

Il y eut un bref silence à l’autre bout du fil, comme si Mariam cherchait ses mots.

- « Quelle histoire ? » répondit-elle finalement, feignant l’innocence.
- « Ne joue pas à ça avec moi, Mariam ! Kadiatou m’a tout raconté. Elle m’a dit que tu lui avais donné deux mois pour quitter l’appartement, que tu la traitais comme une étrangère. Pourquoi tu fais ça à ma fille ? » La colère montait dans la voix de Moussa.

Mariam soupira bruyamment, visiblement agacée par le ton accusateur de son frère.

- « Moussa, je ne sais pas ce que Kadiatou t’a raconté, mais tu me connais. Jamais je n’aurais mis ta fille dehors. C’est elle qui a changé depuis qu’elle est arrivée en France. Elle n’est plus la même, elle rentre à des heures impossibles, elle fréquente des gens douteux… Même les voisins en parlent mal. »

Moussa sentit son cœur se serrer. Il avait toujours eu confiance en Mariam, mais cette fois, les paroles de sa fille résonnaient trop fort pour être ignorées.

- « Tu crois vraiment que je vais te croire après ce que Kadiatou m’a dit ? Tu as fermé ton frigo à clé pour qu’elle ne puisse pas se servir ! Est-ce que c’est vrai, Mariam ? »

Un silence lourd tomba à nouveau.

- « Et alors ? » finit par lâcher Mariam. « Ce frigo, c’est à moi. Je ne vais pas la laisser faire comme chez elle alors qu’elle n’a jamais respecté mes règles. »

Moussa était abasourdi par la froideur de sa sœur. Il se souvenait d’elle comme une personne bienveillante, toujours prête à aider, mais la femme qui lui parlait aujourd’hui lui était étrangère.

- « Mariam, c’est ma fille dont on parle ! Comment as-tu pu faire ça ? Qu’est-ce qui t’a rendue aussi cruelle ? »

Mariam, piquée au vif, riposta avec plus de virulence.

- « Ta fille ?! Et moi alors ? Depuis qu’elle est là, elle me manque de respect, elle fait ce qu’elle veut. Si elle avait été ma propre fille, je l’aurais déjà remise à sa place. Moussa, ne te laisse pas embobiner par ses mensonges. Tu ne sais pas ce que c’est de vivre avec une fille aussi… mal élevée ! »

Ces mots frappèrent Moussa comme une gifle. Sa sœur, celle en qui il avait toujours eu une confiance aveugle, venait de lui asséner un coup de massue.

- « Mal élevée ? Kadiatou, mal élevée ? C’est ça que tu penses de ma fille, Mariam ? » Sa voix se fit plus froide, plus tranchante. « Tu sais, Kadiatou a le même âge que ta fille, celle qui est tombée enceinte hors mariage. Tu t’es occupée d’elle malgré tout, alors pourquoi tu n’as pas pu faire preuve de la même compassion pour Kadiatou ? »

Un silence pesant s’installa, rempli de tensions inexprimées. Mariam semblait hésiter, mais sa voix se durcit à nouveau.

- « Ne mêle pas ma fille à cette histoire, Moussa. Ce n’est pas pareil. Ta fille a changé, et ce n’est pas de ma faute si elle n’a plus de respect pour personne. »

Moussa, incapable de contenir sa colère et sa déception, se rappela soudainement toutes les fois où il avait défendu Mariam, même lorsqu’elle avait tort. Cette fois-ci, c’était différent. C’était sa propre fille qui était en jeu.

- « Je ne te reconnais plus, Mariam, » dit-il avec un ton empreint de tristesse. « Je pensais que tu étais quelqu’un de bien, quelqu’un sur qui je pouvais compter, mais je vois que je me suis trompé. »

Il n’attendit pas de réponse. La douleur dans son cœur était trop vive pour qu’il continue cette conversation. Il raccrocha brusquement, laissant sa sœur seule avec ses pensées.

En reposant le téléphone, Moussa réalisa à quel point sa relation avec sa sœur avait changé. La femme avec qui il avait grandi, avec qui il avait partagé tant de moments, n’était plus la même. Il était profondément blessé, mais surtout déçu. Ce soir-là, il se coucha avec un poids immense sur le cœur, se promettant de tout faire pour soutenir Kadiatou dans cette épreuve.