Chapitre 6 : Premiers cours (1/2)

64 9 6
                                    

En se réveillant le lendemain, Nosh se sentait reposé pour la première fois depuis longtemps. Il n'avait fait aucun cauchemar, ce qui voulait dire que la potion de son maître agissait bien. Il s'habilla avec l'une de ses nouvelles robes marron d'apprenti et descendit petit-déjeuner avec ses compagnons de chambre. Une atmosphère plutôt tendue régnait dans la salle, comme si les élèves appréhendaient cette première journée de cours.

Lorsqu'ils eurent fini de manger, une mage entra dans le réfectoire. Grande et élancée, elle se tenait droite, dégageant une présence imposante malgré son jeune âge. Ses cheveux blonds, soigneusement tressés, formaient une épaisse natte qui tombait en cascade sur son épaule pour ajouter une touche de grâce à son apparence. Ses yeux, d'un bleu perçant, semblaient observer chaque apprenti avec une autorité naturelle.

— Les Jors, suivez-moi ! annonça-t-elle d'une voix ferme.

Immédiatement, des raclements de chaises se firent entendre. Les élèves se levèrent et la suivirent jusqu'à une salle de classe. À l'intérieur, plusieurs bureaux attendaient. Nosh s'assit près de la fenêtre, bientôt rejoint par Nato. Le reste des novices s'installa dans un brouhaha grandissant.

— Silence ! ordonna la mage.

Elle n'avait pas crié, mais sa forte autorité résonna dans toute la pièce, et tout bruit s'évanouit instantanément. Même Togal qui affichait jusqu'à maintenant un sourire satisfait avait subitement perdu toute trace de moquerie sur son visage.

— Je suis maître , continua-t-elle. Dans ce cours, nous ne ferons pas de magie. Nous apprendrons les bases de l'éducation élémentaire, c'est-à-dire la . Un apprenti qui ne pratique pas ces trois activités n'a aucune chance de devenir mage. Je vous donnerai des leçons tout au long de votre formation ici et je pense que certains d'entre vous auront beaucoup de difficultés dans ce domaine. Maintenant au travail.

Elle distribua à chaque élève un petit livre et leur fit lire des paragraphes à tour de rôle. Nosh s'aperçut que certains apprentis avaient beaucoup plus de mal que lui à déchiffrer les caractères, ce qui le rassura. Comme lui avait dit son maître, les cours qu'il avait suivis avec les invisibles suffisaient, du moins pour l'instant.

Le premier cours consacré à l'étude de l'environnement eut lieu le lendemain. Maître Janus, qui dispensait ce cours, était un mage de grande taille, mince, presque frêle, avec un teint d'une pâleur inquiétante, comme s'il passait plus de temps à s'occuper des animaux que de lui-même. Ses cheveux noirs, toujours en bataille, renforçaient cette impression d'un homme absorbé par ses recherches en pleine nature, peu soucieux de son apparence. Néanmoins, ses yeux d'un gris perçant dégageaient une intelligence vive et une curiosité insatiable pour le monde. Il était constamment accompagné de Furles, son caladrius, une sorte d'aigle au plumage blanc et au comportement un peu étrange. L'animal qui volait au-dessus de lui venait par moments se poser sur l'épaule d'un élève, et son regard blanc vitreux scrutait intensément quiconque s'en approchait. Le moindre contact visuel avec l'oiseau suffisait à rendre les jeunes novices nerveux.

— N'ayez pas peur, disait le maître lorsque cela arrivait. Il ne vous fera aucun mal tant que vous ne le brusquez pas. (Il esquissa un sourire.) Il est plus curieux que dangereux.

Maître Janus enseigna à ses apprentis à différencier les variétés de sauge qui se trouvaient dans le parc. Elles avaient toutes des propriétés diverses. Par exemple, la sauge officinale avait des vertus cicatrisantes et la sauge sclarée était un puissant analgésique.

Le lendemain, les élèves avaient un jour libre pour récupérer des premiers cours. Nosh décida d'en profiter pour chercher Jac. Arrivé devant l'entrée de la zone des invisibles, il frappa une première fois à la porte, mais personne ne répondit. Il tapa à nouveau, un peu plus fort. Toujours rien. Pourtant, des voix se faisaient entendre de l'autre côté, signe que des gens étaient bien là. Hésitant, Nosh poussa la porte et entra.

À l'intérieur, il aperçut Jac, assis avec son pire ennemi, Tyrus, et son acolyte. Ils riaient ensemble, visiblement en pleine conversation. Le sourire de Jac s'évanouit dès qu'il croisa le regard de Nosh. Sans un mot, il se leva brusquement et s'éclipsa dans la pièce voisine, laissant Nosh figé sur place. Une douleur sourde naquit en lui, comme si quelque chose s'était brisé au fond de son cœur.

— Cet endroit est interdit aux élèves, lança Tyrus d'un ton dédaigneux. Tu devrais le savoir pourtant.

Nosh tourna les talons, un poids écrasant dans la poitrine. Était-ce la fuite de Jac qui lui faisait si mal, ou le fait de l'avoir vu s'amuser avec Tyrus, cette brute qu'il méprisait tant ?

Lors du dîner, Nosh poussa machinalement sa nourriture dans son assiette, sans vraiment manger. Chaque bouchée avait un goût de papier mâché. Finalement, il se leva, laissant son repas à moitié entamé, et préféra regagner sa chambre. Il trouva un petit flacon dans le transcourrier, son nom inscrit dessus. Il en but le contenu d'un trait, comme il l'avait fait les autres soirs. Pourtant, ce soir-là, même le goût sucré, habituellement réconfortant, semblait différent, presque amer.

Le lendemain, Nosh attendait avec impatience le cours de maîtrise de la magie, dispensé par maître Nawelle. C'était une grande mage au visage ridé, marqué par l'âge, mais empreint de dureté. Ses cheveux coupés court, et ses petites lunettes au bout de son nez accentuaient encore cette impression. Ses yeux marron, perçants, paraissaient tout voir, scrutant chaque élève avec une froide attention. En l'observant, Nosh ne put s'empêcher de penser que, décidément, aucun des enseignants de la Tour ne semblait vraiment sympathique.

Maître Nawelle commença son cours par le discours habituel que tous les maîtres tenaient le premier jour, à savoir que sa matière était la plus cruciale dans la formation d'un mage. Mais cette fois, Nosh n'en doutait pas.

— Ici, dit-elle en les regardant tour à tour, vous n'apprendrez pas à jeter des sorts. Mais je vous enseignerais comment faire de la magie. Exemple.

Elle leva sa main droite devant elle, la paume vers le haut et les doigts légèrement recourbés. Aussitôt, une boule de feu se matérialisa dans le creux de la main, et des exclamations résonnèrent alors dans la salle. Les élèves avaient hâte de faire de même, mais maître Nawelle doucha leur enthousiasme :

— Je ne vous formerais pas à faire des sphères enflammées, mais à comment canaliser votre énergie pour y parvenir. En effet, poursuivit-elle en refermant les doigts afin d'éteindre la boule de feu, canaliser son énergie est la première étape essentielle avant de lancer un sort. La seconde, c'est de visualiser ce que l'on veut faire. Eh bien ! ajouta-t-elle en voyant ses apprentis qui ne prenaient pas de notes, j'espère que vos cerveaux sont très compétents, car tout ceci est dur à retenir et encore plus à réaliser.

Aussitôt, le bruissement des plumes sur des parchemins emplit la salle.

— Voilà qui est mieux, dit-elle en attendant que le dernier élève finisse d'écrire. Vous devrez être patients. Apprendre à canaliser son énergie met beaucoup de temps. Vous devrez escompter plusieurs mois avant de réussir à lancer votre premier sort. Et quelques années avant de pouvoir en lancer un aussi rapidement que je l'ai fait.

Elle balaya la salle du regard, plus sévère encore.

— Maintenant, je veux que vous fermiez les yeux et que vous vous vidiez l'esprit. Ne pensez à rien.

Nosh trouva l'exercice plus difficile qu'il ne l'avait imaginé. Se vider l'esprit nécessitait d'y penser, ce qui créait une contradiction en soi. Plus il tentait de ne penser à rien, plus des pensées parasites surgissaient.

— Bien, reprit maître Nawelle une dizaine de minutes plus tard. Toujours les yeux fermés, imaginez un flux d'énergie parcourir tout votre corps. Ce flux part de votre cœur, passe par vos veines, et par chaque cellule de votre corps. Ressentez-le.

Lorsque maître Nawelle annonça la fin du cours, les élèves furent stupéfaits de voir à quel point le temps avait filé. Comme devoir, elle leur demanda de s'entraîner quotidiennement, car leur maîtrise de la magie dépendait de l'effort fourni. Nosh prit aussitôt la résolution de pratiquer chaque soir, bien déterminé à progresser rapidement.

— Mais surtout, ajouta-t-elle en les fixant du regard, pour ceux qui connaissent déjà les exercices suivants, ne vous avisez pas de les pratiquer sans mon autorisation. Cela pourrait bien être... la dernière chose que vous tenterez.

La Tour des MagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant