Un monde meilleur

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Nos trois enfants illusionnistes, sous une nuit bleutée et argentée qui semblait s'éclaircir, annonçaient avec un faux air de Bach* un meilleur avenir. Les superstitions et rumeurs disparaitraient au profit d'un monde plus raisonné et harmonieux : c'est de cela que sera fait le monde d'après. Ce monde d'après, on peine à l'envisager, et pourtant c'est un monde prochain. 

Mais... 

Oui ? demandèrent les deux autres. 

Vous ne voyez pas ? 

*******************

Si, ils voyaient, et c'était Pamina. Après la brutale séparation, où on l'avait ballotée et trimbalée, pour que l'incompréhensible prince lui dise qu'il suivrait l'épreuve, Pamina était restée, lasse de tant d'évènements en si peu de temps. Ses larmes tachaient la rivière en décrivant des ondes circulaires. Elle ne comprenait plus, et voulut montrer son désarroi. Tamino ? Papageno ? Sa mère, qui allait la renier ? Monostatos ? Sarastro ? Les ex-miliciens ? Pourquoi gravitaient ils tous autour d'elle ? 

"Bon, soupira t elle, je suis peut être juste fatiguée. Je me sens faible." Mais plus elle réprimait ses larmes, plus sa gorge se bouchait. Pamina songeait, sans oser y songer, à la mort. Des pensées plus morbides les unes que les autres lui venaient. 

La tension montait, et les courants de la rivière emportaient un morceau de plastique au loin : on ne le vit plus. Pamina allait se comparer à ce déchet, allait se laisser porter par les vigoureux courants et on ne parlerait plus d'elle. Mais elle chancelait encore. Enfin, elle décida de se jeter, et les trois illusionnistes, qui s'étaient doucement rapprochés, la retinrent d'un geste. 

"Pamina ! Arrête, arrête tout de suite ! Viens auprès de nous." Etrange comme ils étaient passés en un tutoiement fraternel. Pamina ne s'en remit pas tout de suite. Elle continuait dans ses égarements. Mais à force de paroles, et alors qu'ils l'aidèrent à s'asseoir et lui donnèrent de l'eau, l'un d'eux dit : "on verra tout cela plus tard, tu es la priorité, mais Tamino t'aime, il n'a jamais cessé de t'aimer." "Comment ça... je ne comprends pas. Si Tamino m'aime, pourquoi cette réaction ?" "Il passe une épreuve, celle du silence." 

Alors les génies parlèrent du monde d'après, grâce à leur mystère. Et de l'amour, toujours. L'amour aurait pu tuer Pamina, il l'avait ensuite aidée. "Emmenez moi, dit Pamina, montrez moi le chemin ! J'aimerais passer des épreuves et voir Tamino !" "Quand tu seras reposée", répondirent les génies. Mais elle insista tant que deux lui prirent les mains, et que le troisième manœuvra leur drôle de ballon-fusée. La fusée slaloma dans les cieux et transperça les nuages, et Pamina se dit : "c'est quand même dingue, ce que mon coeur s'est allégé par une simple promesse." 

Car désormais, Pamina regardait l'avenir. 



*****

* Cet air est réellement inspiré d'un air de Bach. 

La flûte enchantée 2.0Where stories live. Discover now