Les semaines avaient continué à s'écouler au palais Vervaïl.
Richa s'occupait toujours autant que possible pour s'empêcher de songer à Yennaël, avec plus ou moins de succès, et de se demander ce qu'elle allait faire concrètement à présent.
Entre ses leçons de politique, ses études sur sa magie, les dîners partagés avec Sarrion, ses moments dans la salle de musique, le temps qu'elle consacrait aux autres personnes avec qui elle se liait de plus en plus au palais, elle n'avait effectivement que peu d'occasions de se plonger dans de quelconques réflexions.
Au fil de ses études, elle intégrait lentement ce qu'était le rôle d'une princesse active dans la gestion de son royaume et se forgeait une idée de ce qu'on attendait probablement d'elle.
Le problème principal n'était pas sa compréhension de cette place qui devenait lentement la sienne mais davantage toutes les responsabilités et les implications qui l'accompagnaient. La simple idée de porter sur ses épaules le sort d'un pays et de toute sa population la paralysait. Sans compter que celle de s'enchainer à untel devoir la répugnait.
Encore une fois cependant, elle s'efforçait de ne pas y songer lorsqu'elle étudiait. Elle s'investissait dans ses leçons pour oublier le reste et par curiosité quant au fonctionnement des Terres de Sang, pas en prévision de son futur règne. D'ailleurs, elle ne s'imaginait nullement sur le trône et espérait que Sarrion changerait un jour d'avis sur son héritier.
C'était un peu la même chose pour son portrait officiel. Elle avait accepté qu'il soit peint pour avoir quelque chose dont s'occuper, encore une fois, et car elle trouvait l'exercice distrayant, ayant apprécié la première fois qu'elle s'y été prêté, certainement pas car elle estimait que son portrait devait absolument trôner dans la galerie.
Elle avait également vu dans cette proposition l'occasion de revoir Diëël et d'éventuellement le mettre en sécurité en le faisant venir aux Terres de Sang, hors du danger de la Flamme Blanche.
Son affection pour le peintre n'avait pas diminué malgré tout ce qu'elle avait vécu depuis sa rencontre avec lui et elle le considérait comme davantage qu'une connaissance qui l'avait aidée. Peut-être que, en l'amenant hors de l'Alliance Blanche, elle pourrait leur offrir la sécurité. Elle lui devait bien cela.
C'était évidemment lui qu'elle avait recommandé à Sarrion en vantant son talent et le souverain avait accepté malgré la distance entre Sangaliore et Blancchane. Il avait nonchalamment assuré que ça devrait être possible. Richa était demeurée assez surprise, les yeux écarquillés. Après tout, Sarrion aurait pu refuser et mandater un artiste local pour faire un portrait mais il avait semblé vouloir contenter sa fille.
Bien que touchée, Richa espérait qu'il n'allait pas lui passer tous ses caprices ou elle allait vite devenir insupportable.
Après cette conversation, elle n'avait cependant pas eu de nouvelles de ce tableau, Sarrion ne lui en avait pas spécialement reparlé, et elle l'avait quelque peu oublié, prise dans sa routine royale, jusqu'à ce que son père l'évoque à nouveau il y avait quelques jours en lui conseillant de s'entretenir avec Sirul et Farr'än pour décider de la tenue qu'elle porterait sur le portrait. Avec les différends artistiques des deux tailleurs, il valait mieux passer les commandes en avance pour être certain de les avoir à temps.
Cela faisait donc quelques jours que Richa assistait aux débats et disputes du vampire et de l'elfe, installée dans un coin de l'atelier, un traité de diplomatie ou de magie ouvert sur ses genoux.
Malgré les conversations parfois houleuses des deux tailleurs, la jeune fille appréciait de passer du temps en leur compagnie dans leur atelier.
Ignorant à quoi devait ressembler une tenue de princesse pour un portrait officiel, préférant toujours les pantalons en cuir bien qu'elle devait peu à peu y renoncer, elle s'était contenté de hausser les épaules ou de hocher le menton pour donner son avis.
Actuellement assise en tailleur sur l'une des tables de coupe, un volume à proximité, la joue dans une main, elle écoutait d'une oreille distraite Sirul et Farr'än se chamailler à propos des prochains tissus qu'ils comptaient acheter pour remplir leur stock.
Soudainement, des bruits de pas se dirigeant vers l'atelier depuis le couloir la firent réagir.
La porte de l'atelier lui étant dissimulée par l'une des larges étagères meublant la pièce et elle ne put voir qui approchait.
Un raclement de gorge interrompit les deux tailleurs dans leurs débats et Farr'än alla voir de quoi il s'agissait.
Jugeant que ce n'était probablement pas important, certainement une commande quelconque pour les deux tailleurs, la jeune fille retourna à ses études dans un soupir alors que, de son côté, Sirul reprenait son aiguille en grommelant contre ce qu'il appelait le mauvais goût de son collègue. Richa ne put retenir un sourire amusé. Les deux tailleurs ressemblaient vraiment à un vieux couple.
Tout en lisant, elle entendit Farr'än échanger avec quelqu'un mais, n'écoutant pas, elle ne comprit pas ce qu'il se disait et ne s'y intéressait pas réellement, du moins, jusqu'à ce que l'elfe l'appelle en l'informant qu'il y avait quelqu'un pour elle.
A cette annonce, elle fronça les sourcils, se demandant de qui il pouvait s'agir car, si c'était Sarrion qui était venu la chercher, il ne se serait pas fait introduire de la sorte par Farr'än et ce dernier n'aurait pas parlé sur le ton dont il avait usé.
Le seul moyen de comprendre étant d'aller voir, Richa referma le volume qu'elle étudiait pour le laisser sur la table et contourna l'imposante étagère pour rejoindre Farr'än et leurs visiteurs.
En premier, elle avisa Lycien, dans son uniforme impeccablement lissé, le regard baissé et se tordant les mains, toujours aussi mal-à-l'aise face à autrui. Richa n'avait pas croisé l'espion ces dernières semaines et elle avait simplement supposé qu'il se trouvait en mission quelque part dans l'Enclave.
Lorsqu'elle remarqua la personne qui se tenait aux côtés du timide jeune homme, ses yeux s'écarquillèrent et elle resta figée un instant avant de se jeter au cou de Diëël dans un éclat de rire.
Légèrement déséquilibré, le peintre la réceptionna comme il le put entre ses bras en lui rendant son étreinte amicale.
Même si Sarrion lui avait assuré qu'il ferait appel à lui pour son portrait, elle n'y avait pas forcément réellement cru. Sans compter que ça lui était également sorti de l'esprit alors qu'elle s'était concentré sur autre chose ces dernières semaines pourtant, le peintre se trouvait devant elle, souriant.
Se détachant de Richa, le jeune homme s'excusa en guise de salut :
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Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 5 : Sang Divin [Terminé]
FantasyDe retour sur Terre, Richa y retrouve ses proches, qui exigent de connaitre la vérité sur sa disparition. La jeune fille doit alors faire face à un choix déchirant : rester sur Terre avec ses proches ou retourner dans l'Enclave, où les combats conti...