Chapitre 33 - Le survivant

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Après s'être relayé pour ramer durant des heures, les fuyards avaient atteint les côtes des Terres Intérieures. Pour plus de discrétion, et également car certains avaient leurs propres objectifs à poursuivre, ils s'étaient séparé en différents groupes.
Arzh, accompagné de Yvernew et de quelques autres rescapés, s'était dirigé vers Ferdale, bien décidé à y poursuivre les activités de Wolramf. Yennaël, Liam et Esadd comptaient gagner Simliore pour tenter de rattraper la débandade de la dernière fois. Richa, Okda, Royg'ann et Laadsri'll devaient évidemment retourner aux Terres de Sang.
Le reste des fugitifs s'était dispersé un peu partout en quête d'un refuge en espérant que la Flamme Blanche ne les retrouverait pas.
Grâce à la magie de Richa, ils avaient rejoint leurs montures et avaient pris le chemin de la frontière, ne pouvant abandonner les chevaux et préférant ménager la jeune fille, même si un tel usage de ses pouvoirs n'exigeait que relativement peu d'efforts de la part de cette dernière.
Esquiver la Flamme Blanche ne leur avait posé que peu de difficultés. L'organisation semblait de plus en plus délaisser le front et la surveillance n'y était plus très élevée.
Au camp des Sangaliens, ils avaient restitué les montures et Royg'ann avait repris ses fonctions, laissant Richa et Okda poursuivre le voyage à deux après qu'ils aient passé la nuit au campement. Le général leur avait conseillé d'être prudents et de faire attention et il leur avait également fait promettre de l'informer par pierre de contact lorsqu'ils seraient arrivés à destination.
Appréciant l'elfe et lui étant reconnaissante d'avoir veillé sur elle, comme il le lui avait assuré de le faire, Richa s'était laissé aller à le prendre dans ses bras et il lui avait semblé qu'il s'était séparé d'elle à regret.
Le trajet à travers la Forêt Vermeille avait été paisible et sans incident. Apparemment, même affamés et rendus fous par la consommation de sang humain ou humcréa, les vampires renégats tapis dans la forêt préféraient ne pas s'attaquer à un berserker, qui faisait deux mètres trente même sous forme humaine.
Le seul élément véritablement notable de cette étape du voyage fut que Richa avait appris comment Okda avait rencontré Sarrion pour ensuite se mettre à son service et comment son chemin s'était séparé de celui d'Arzh.
Curieuse au sujet de cette parenté dont ni l'un ni l'autre n'avait jamais parlé, bien que ce ne soit guère surprenant de la part d'Okda, et se demandant ce qui avait pu pousser Arzh à devenir Wolramf, intriguée qu'il existe tant de différences entre les deux frères,la jeune fille avait questionné le berserker, sans vraiment s'attendre à obtenir de réponse en connaissant le caractère mutique du garde du corps, pourtant, il lui avait tout raconté.
En premier, il lui avait expliqué que, à l'instar d'autres espèces d'Humcréas, les berserkers jouissaient d'une espérance de vie bien plus longue que les humains, quelques centaines d'années, même si elle n'atteignait pas celle des elfes, mais d'une croissance bien plus lente. Cette longévité était plus proche de celle des dragons. Ainsi, ce qu'il avait vécu remontait à environ cent cinquante ans, époque de l'avènement de Mirévoyk et de la création de la Flamme Blanche.
L'organisation était encore balbutiante et composée de quelques membres éparses souhaitant stopper les atrocités commises par Mirévoyk et qui, pour ce faire, avaient commencé par chasser des Humcréas isolés.
Malgré ce manque de structuration, la Flamme Blanche, qui ne portait pas encore ce nom, avait néanmoins réussi à capturer trois berserkers, une mère et ses deux petits. Okda avait alors à peine posé un pied dans l'adolescence et Arzh n'était guère plus qu'un bambin.
A ce moment-là, ils n'avaient déjà plus de père pour une raison qu'Okda ignorait mais il s'était toujours efforcé d'aider sa mère auprès de Arzh en devenant une véritable figure parentale pour son cadet. Ce dernier aimait alors par-dessus tout écouter des contes, des récits et des légendes que lui racontaient Okda et leur mère.
Il avait à peine compris ce qu'il s'était passé, trop jeune et trop effrayé.
Okda lui-même ne se souvenait pas exactement de ce qu'il s'était produit mais sa mère avait été gravement blessée en tentant de défendre ses deux fils et tous trois capturés.
Okda s'était senti tellement dépassé, ignorant que faire, ne maîtrisant pas encore pleinement sa transformation, incapable de faire face à tous ces humains et sa mère n'avait pas été en état de le guider. Tout ce qu'elle était parvenue à faire avait été de gémir en s'efforçant de retenir le flot de sang qui s'échappait de son abdomen. Il s'était alors surtout efforcé de rassurer Arzh en lui promettant que tout irait bien.
Il se souvenait du bûcher. Ça avait été le premier qu'il avait jamais vu et il n'avait pas compris son utilité.
Quand on l'y avait ligoté, il serrait toujours Arzh dans ses bras. Le petit avait commencé à sangloter et aucun de ces hommes n'avait réussi à le forcer à le lâcher.
Le plaquant contre lui, il avait caché le visage de son cadet contre sa poitrine pour qu'elle ne puisse pas voir les flammes monter vers eux mais elles n'avaient jamais atteint les deux frères.
Quelqu'un s'était soudainement tenu à côté d'eux sur le bûcher et avait tranché leurs liens pour les libérer. Cet homme les avait aidés à traverser le feu mais l'effet de surprise dont il avait pu profiter s'était estompé et les humains avaient tenté de les attaquer. Leur sauveur les avait protégés avec une rapière et avait repoussé les attaques de ces humains mais ces derniers l'avait trop retenu.
Les flammes avaient atteint la mère d'Okda et Arzh. Il se souvenait de ses hurlements.
D'une manière ou d'une autre, leur sauveur s'était débarrassé des humains et avait emmené Okda et Arzh dans la forêt où ils s'étaient caché. Okda avait alors pu voir qui les avait secourus. Il s'agissait d'un vampire aux yeux vairons, Sarrion Vervaïl.
Il s'était excusé de n'avoir pu sauver leur mère et leur avait conseillé de rester dissimulés en faisant attention mais il les avait cependant fortement dissuadés de se rendre aux Terres de Sang pour ne pas être soumis au joug du sang imposé par son père.
Okda avait appris plusieurs années plus tard que Sarrion avait fugué du palais à la recherche d'une personne mais il n'en avait jamais su davantage.
Le vampire était resté avec les deux frères autant qu'il l'avait pu mais il lui avait fallu repartir pour Sangaliore.
Okda s'était occupé d'Arzh aussi bien qu'il l'avait pu, ne prenant même pas le temps de pleurer sa mère.
Les années s'étaient écoulé puis Mirévoyk avait chuté, la Flamme Blanche avait connu son avènement et Sarrion avait remplacé son père sur le trône des Terres de Sang. Okda était alors un jeune adulte et Arzh entrait dans l'adolescence.
En apprenant le couronnement du vampire, Okda avait songé à se rendre aux Terres de Sang, le royaume lui paraissant à présent plus sûr pour lui et Arzh mais ce dernier avait refusé.
Même si il ne s'en rappelait pas précisément et que Okda s'était efforcé de le préserver du pire, le garçon avait conservé quelques souvenirs de la mort de leur mère et il savait qu'il avait été impuissant, incapable de protéger ou d'aider qui que ce soit. Il avait grandi avec cette idée en tête et il s'était détesté à cause d'elle. Pour ne plus en souffrir, il avait voulu devenir plus fort, capable d'affronter ses ennemis et, pour ce faire, il avait jugé que les Terres de Sang n'étaient pas le lieu pour. Déterminé, il n'avait pas suivi son frère. Il avait erré avant d'atterrir dans les catacombes et d'en prendre peu à peu le commandement.
Okda avait été inquiet, ne voulant pas le laisser seul et livré à lui-même, mais il n'avait pas trouvé les mots pour retenir Arzh et ce dernier n'avait pas souhaité qu'il l'accompagne.
Peut-être qu'il le lui reprochait, qu'il avait le sentiment qu'il l'avait abandonné et se moquait de ce qu'il pouvait lui arriver, mais c'était seulement que Okda ignorait comment s'exprimer.
Les deux frères s'étaient donc séparé et Okda avait gagné Sangaliore seul.
En y arrivant, il s'était senti tellement perdu et désemparé, lui qui avait toujours vécu dans la forêt, mais il ne s'était pas laissé submerger.
D'un naturel direct et incapable d'agir de manière subtile, il s'était rendu au palais en annonçant qu'il voulait rencontrer Sarrion Vervaïl malgré les gardes qui avaient cherché à le retenir.
Par il ignorait quel miracle, Sarrion avait accepté de le rencontrer et l'avait immédiatement reconnu.
A sa manière, c'était à dire très sobrement, Okda avait fait part de toute sa reconnaissance à Sarrion et lui avait dit qu'il souhaitait passer sa vie à son service pour racheter la dette qu'il avait envers lui pour l'avoir sauvé.
Si Okda était aussi dévoué à la famille Vervaïl, c'était car il avait encore en partie la sienne grâce à elle.
Okda n'avait certainement jamais prononcé autant de mots à la suite. Richa n'avait jamais autant entendu sa voix.
Elle avait été touchée que Okda se confie ainsi à elle et se sentait plus proche de lui à présent. Emue, elle avait enlacé le berserker, qui, gêné et surpris, n'avait su comment réagir et était simplement resté les bras ballants.
Ce récit les avait occupés et distraits. Ça avait d'ailleurs été la seule distraction du voyage.
Du moins, ce fut le cas pour la première partie du trajet car, depuis plusieurs heures maintenant, et même depuis la veille, Richa avait le sentiment d'être observée et suivie.
Le Palais Vervaïl ne se situait plus qu'à quelques kilomètres. Ils devraient y être dans l'après-midi mais la jeune fille n'était pas tranquille.
Le soleil qui filtrait à travers les frondaisons excluait la possibilité qu'il puisse s'agir de vampires. Sans compter qu'ils n'auraient probablement pas pris le risque de s'approcher autant de la capitale.
Ralentissant, elle étudia les alentours mais ne repéra rien de particulier qui détonnait dans le décors de la forêt. Ça aurait dû la rassurer mais elle en fut au contraire encore davantage préoccupée. Quelque chose n'allait pas, son instinct le lui affirmait et elle avait pour habitude de l'écouter.
Incapable de localiser la source de ce danger qu'elle percevait, elle s'angoissait encore davantage.
Soudainement, Laadsri'll fixa un point entre les arbres, les oreilles dressées,comme si il avait repéré quelque chose. Richa n'était pas la seule à avoir ce sentiment d'être suivie et épiée. Le loup aussi percevait que quelque chose n'allait pas.
Constatant que Laadsri'll le captait également, la rassurant d'abord car cela signifiait qu'elle n'hallucinait pas à cause d'un quelconque traumatisme qui l'aurait entravée, elle s'en inquiéta encore davantage car cela indiquait surtout que quelque chose ou quelqu'un les pistait.
Une main sur l'une de ses dagues, prête à dégainer, elle ouvrit la bouche pour en avertir Okda mais ce dernier la prit de vitesse en plaçant une main devant sa bouche, qui engloba tout son visage, pour l'empêcher de parler.
Lui aussi avait évidemment remarqué que quelque chose n'allait pas.Pour un garde du corps, le contraire aurait été un véritable comble. Tout comme Richa, il attendait seulement d'avoir la confirmation de cette sensation, qu'il venait d'obtenir avec les attitudes de Richa et Laadsri'll.
Tous trois stoppèrent dans leur marche en se faisant attentifs aux alentours mais, encore une fois, rien ne sortait de l'ordinaire d'une forêt.
Se plaçant dos à dos, Richa et Okda surveillèrent tous les angles autour d'eux, leurs armes au clair, prêts à attaquer et à se défendre, pendant que Laadsri'll reniflait le sol en quête d'une piste de la trace de ce qui leur procurait ce sentiment d'insécurité.
Le loup se figea soudainement. Ses oreilles se rabattirent sur son crâne, ses babines se retroussèrent en dévoilant ses crocs, son museau pointa une direction entre les arbres, probablement l'endroit d'où émanait ce danger qu'ils captaient tous trois.
Tout en ordonnant à Richa de ne pas bouger et de rester sur ses gardes par gestes, Okda s'avança vers ce point en tenant fermement sa lourde épée à deux mains.
Quelque chose bondit soudainement sur le berserker dans un grognement de rage. Surpris par la vitesse de l'attaque, il n'eut pas l'occasion de dresser son épée devant lui ou de riposter.
Fauché par la chose qui le percuta de plein fouet, Okda roula au sol avec son attaquant. Tout ce que Richa pouvait distinguer était de la fourrure et des grognements.
Pour se protéger des coups de dents et de griffes qu'il recevait, Okda brandit ses bras devant lui en tentant de repousser ces attaques sans beaucoup de succès. A cause de sa taille imposante, il ne pouvait guère échapper à ces coups ni se glisser hors de la prise de son attaquant déchainé.
Venant lui prêter main forte, Laadsri'll bondit sur la chose qui s'en prenait ainsi à Okda mais cette dernière se débarrassa du loup en s'agitant violemment, l'envoyant contre un tronc sans cesser d'attaquer Okda.
De son côté, si Richa ne se précipita pas immédiatement au secours d'Okda, c'était car les morceaux de fourrure, tout ce qu'elle apercevait clairement de leur agresseur à cause de la vivacité des mouvements de ce dernier, lui semblaient familiers sans qu'elle ne sache pourquoi, ce qui la troublait.
S'extirpant néanmoins de sa torpeur, elle alla pour aider Okda mais à mains nues, délaissant ses dagues. Pour une raison ou une autre, elle préférait éviter de blesser cet attaquant.
Avant qu'elle n'intervienne, Okda se métamorphosa. Sous sa forme d'ours, il repoussa son adversaire avant de se ruer sur lui dans un rugissement et prit rapidement le dessus.
Cette fois, Richa n'attaqua pas car, dans cet enchevêtrement de pattes, de crocs et de fourrure, elle ne parvenait plus à distinguer qui était qui.
D'un coup puissant, le berserker projeta son attaquant à quelques mètres de lui, l'envoyant percuter un tronc. L'animal retomba au sol dans un gémissement. Il tenta de se relever mais vacilla avant de s'écrouler, trop faible.
Grognant, crocs au clair, Laadsri'll s'approcha prudemment de lui, prêt à réagir au moindre signe de danger.
Pouvant enfin détailler clairement cet attaquant, Richa découvrit qu'il s'agissait d'un loup à la fourrure brune encore plus imposant que Laadsri'll. Il paraissait mal en point avec sa fourrure sale, emmêlée, et son corps visiblement amaigri.
Se redressant en se dirigeant vers lui, Okda alla pour l'achever, ne permettant pas qu'on ait tenté de s'en prendre à Richa et ne faisant preuve d'aucune pitié pour cette raison, se moquant de ses propres blessures pourtant nombreuses bien que superficielles, mais Richa s'interposa. Le berserker suspendit son coup pour ne pas en frapper la jeune fille.
Cette dernière saisit sa patte dressée pour le forcer à la rabaisser en lui expliquant :

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 5 : Sang Divin [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant