Entre les mondes

Chapitre 14 : Nouveau monde

Alana

Le moment tant redouté était enfin arrivé. C'était précipité, mais les dangers pour les habitants du village étaient devenus trop grands pour que nous restions plus longtemps. Le départ pour les épreuves, là où se jouerait mon avenir, se rapprochait à grands pas. Une boule se forma dans mon estomac, mélange de peur et d'excitation. Mon sac était léger, ne contenant que le strict nécessaire : quelques vêtements, un livre, et les objets que Séraphine m'avait donnés pour m'aider à maîtriser mes pouvoirs. Rien de superflu. Désormais, tout ce qui comptait, c'était de survivre et de prouver ma valeur.

Je rejoignis Séraphine et Clovis devant la maison. Ils avaient déjà chargé la voiture, les visages graves et concentrés. Côme, comme à son habitude, restait à l'écart, son expression indéchiffrable. Depuis notre retour, il semblait encore plus distant, et cela me pesait.

— Prête ? me demanda Séraphine en posant une main rassurante sur mon épaule.

Je hochai la tête, bien que je ne sois pas certaine de l'être au fond de moi.

— Avant de partir, il y a quelque chose que je dois faire, ajouta-t-elle doucement. Je vais poser un sort sur la maison et sur les habitants de ce village pour leur sécurité et pour ton anonymat.

Je la regardai, intriguée. Elle sortit une petite pierre de sa poche et la plaça au centre du jardin devant la maison. Une douce lumière émana du cristal, et Séraphine ferma les yeux, murmurant des phrases dans une langue que je ne connaissais pas encore. Les mots coulaient de ses lèvres avec fluidité, et je sentis l'énergie changer autour de nous. C'était comme si une brume douce et apaisante enveloppait toute la propriété.

— Ce sort effacera ton souvenir des esprits de ceux qui te connaissent ici, m'expliqua-t-elle sans ouvrir les yeux. Ils se souviendront vaguement de toi, mais ils ne pourront pas te replacer ou te chercher. Et cette maison restera protégée en ton absence. Personne ne pourra y entrer à moins d'y être invité. Ce sera comme si tu n'avais jamais existé ici.

Un pincement au cœur m'envahit. Même si je n'avais jamais vraiment considéré cet endroit comme un foyer, c'était tout de même le seul lieu que j'avais appris à connaître ces dernières années. Savoir que personne ne se souviendrait de moi me rendait triste, comme si je laissais derrière moi une part de moi-même.

— C'est nécessaire, Alana. Le risque est trop grand. Mais quand tout sera fini, nous pourrons lever ce sort et tu pourras revenir si tu le souhaites, ajouta-t-elle en posant une main douce sur mon bras.

Je hochai la tête, essayant d'accepter cette réalité.

— On se retrouve à la sortie du village, ajouta Clovis en ouvrant la portière de la voiture.

Ils montèrent dans le véhicule, le moteur vrombissant doucement avant de s'élancer sur la route. Côme me rejoignit, son casque de moto à la main. Sans un mot, il me tendit un autre casque. J'acceptai en silence, enfilant l'équipement et montant à l'arrière de la moto. Le moteur gronda, et en quelques secondes, nous filions à toute allure sur la route.

Le trajet se fit dans un silence pesant. Le vent froid s'engouffrait dans mes vêtements, chaque rafale me rappelant la réalité de ce qui m'attendait. Côme restait concentré sur la route, son dos droit et rigide, comme s'il voulait à tout prix éviter toute conversation. Pourtant, même à travers le silence, je pouvais sentir la tension entre nous, une tension qui ne faisait qu'augmenter à mesure que nous nous approchions du point de rendez-vous.

Nous roulâmes ainsi pendant près de deux heures, traversant des routes de campagne sinueuses et désertes. Le paysage autour de nous devenait de plus en plus sauvage, les arbres se resserrant, les chemins se rétrécissant. On aurait dit que nous quittions peu à peu le monde connu pour entrer dans un autre, plus ancien, plus mystérieux. Finalement, nous arrivâmes dans une clairière isolée, au cœur d'une forêt dense et sombre. Le silence y était assourdissant, comme si même les animaux nocturnes avaient peur de troubler la quiétude de cet endroit.