Chapitre 3

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Si la plupart des habitants de ce monde pouvaient se revendiquer de vivre en paix, l'esprit tranquille, ce n'était pour autant pas le cas de tout le monde. À bien des lieux du village, dans les collines, une silhouette fixait un feu de camp qu'elle s'était allumé peu de temps auparavant, sa seule source de chaleur dans la fraîcheur de la nuit. Ses yeux pourpres balayaient la lande du regard : elle était seule.

Comme chaque soir depuis son exil, elle errait sans but la journée, et le soir, elle se trouvait un petit coin tranquille où passer la nuit, là où ses plus terribles cauchemars viendraient la tourmenter. Telle était la vie de Cari, à présent.

Dès que ses paupières se fermaient, la femelle de type acier revoyait les mêmes choses encore et encore : les actes qu'elle avait commis, qui ont contribué à la disparition de leur monde, et de bon nombre de leurs camarades. Jamais elle ne pourrait se pardonner la mort de Zoroark, ni rien. Ses actes la hanteraient sans doute pour le reste de ses jours. Et malgré la rancœur qu'elle pouvait encore ressentir, Cari savait qu'elle était en grande partie responsable de sa situation.

Après son départ du village, Cari s'était fait une promesse. Plus jamais elle ne s'attacherait à qui que ce soit, désormais, elle voulait simplement rester seule. Ainsi, elle savait qu'elle ne ferait plus jamais souffrir qui que ce soit par ses actes. La solitude n'était plus si difficile à encaisser pour elle, après tout le temps passée seule dans la caverne. Malgré sa peine, Cari s'était parfaitement accommodée à ce mode de vie.

Ses yeux étaient toujours rivés aux flammes lorsque soudain, un bruit attira son attention. Elle se releva rapidement et inspecta les alentours. Elle ne voyait rien d'autre que des collines à perte de vue. Son imagination lui avait-elle joué un tour ? C'était ce qu'elle commençait à se dire lorsque soudain, une voix s'éleva d'un petit ravin en contrebas. Elle s'approcha du rebord qui le surplombait et observa la scène.

En bas, dans l'étroit ravin, un pokémon était pris en embuscade par un groupe de quelques autres pokémons qui ne semblaient pas très amicaux. Si elle ne pouvait pas très bien distinguer les formes des attaquants, elle reconnut sans problème la silhouette de celui pris au piège : un Élecsprint.

Cari observa la scène un instant, jusqu'à ce qu'un des pokémons se jette sur l'Élecsprint, qui le repoussa d'un coup de tête. Ses adversaires s'avancèrent de façon menaçante, forçant Élecsprint à se retrouver dos au mur, sans issue.

Cari fut prise de doute. « Devrais-je l'aider ? Après tout, je ne le connais pas. » Elle était prête à le laisser à son sort lorsqu'elle fut prise de doutes. En entendant les gémissements d'Élecsprint, elle se décida finalement. « Si je veux dormir en paix, il va bien me falloir un peu de silence. » Elle prit appui sur ses pattes, bondit sans hésitation dans le ravin et atterrit finalement juste derrière le groupe de pokémons. Ceux-ci firent volte-face alors que l'Élecsprint commençait à être submergé, et Cari découvrit alors qu'il s'agissait de deux Fermite et d'un Métang.

L'un des Fermite se jeta droit vers Cari; celle-ci l'esquiva sans difficulté d'un bond sur le côté, et plaqua le Fermite contre la paroi du ravin avec son attaque Charge Os. Son adversaire tentait de lui mordre la truffe mais Cari tint bon et lui donna un coup de tête, ce qui laissa le Fermite inconscient au sol.

Elle fit volte-face et avisa les deux pokémons restants qui se battaient contre l'Élecsprint en difficulté. Cari bondit à son secours et fit une glissade sous le Métang pour reparaître juste devant lui. Son attaque Charge Os frappa le Métang en plein visage et l'envoya percuter la paroi de la falaise près de l'endroit où le Fermite gisait.

Le dernier Fermite restant recula, visiblement apeuré. Il prit finalement la fuite, tandis que le Métang retrouva ses esprits. Il ne tenta pas la moindre riposte, et se contenta de prendre le Fermite inconscient sur son dos avant de suivre son camarade qui avait disparu au coin de la falaise. L'attaque était terminée. Une fois certaine que la menace était écartée, Cari fit volte-face et avisa l'Élecsprint.

« Rien de cassé ? fit-elle d'un ton stoïque lorsque leurs regards se croisèrent.

- Tout va bien, grâce à toi. » Cari fut surprise de découvrir la voix féminine d'Élecsprint. Il était difficile de distinguer les mâles des femelles, chez certaines espèces. Cette Élecsprint semblait avoir environ le même âge qu'elle.

« Tant mieux. »

Sans un mot de plus, Cari fit volte-face et regagne son feu de camp après avoir rapidement escaladé la petite pente qui menait au sommet. Elle venait tout juste de s'installer lorsque des pas se firent entendre derrière elle.

« Attends ! héla Élecsprint en la rejoignant. Tu m'as sauvée, je me dois bien de te remercier. C'est la moindre des choses.

- De rien, fit-elle sans se retourner.

- Je revenais de la forêt, j'étais en route pour le village lorsqu'ils m'ont attaquée. Si tu n'étais pas arrivée, ça aurait sans doute mal fini. »

Cari lui jeta un regard en coin. L'espace d'un instant, elle fut piquée par sa curiosité. « Que faisait-elle seule dans la forêt au beau milieu de la nuit ? » Mais elle chassa rapidement ses pensées. Après tout, ça ne la concernait pas.

« C'est bon, ce n'est rien répondit-elle. Maintenant, j'aimerais dormir.

- Oui, bien sûr. Mais, je voulais te demander quelque chose... Je n'aime pas me balader seule la nuit en principe, surtout avec ces types qui traînent dans le coin. Tu penses que je pourrais rester avec toi pour ce soir ? »

« Je rêve ! Elle ne va jamais me laisser tranquille ? » Cari était prête à l'envoyer balader, mais Élecsprint la prit de court.

« Je ne te dérangerai pas, je te le promets ! Et demain matin, je partirai en direction du village. Il n'est pas si loin que ça, mais comme je t'ai dit, je ne préfère pas prendre de risque. »

Cari réprima un soupir, et après un instant d'hésitation, elle céda finalement.

« Bon, d'accord. Demain je t'accompagnerai jusqu'au village pour être certaine que rien ne t'arrive. » Ses mots étaient comme sortis seuls de sa bouche. « Pourquoi ai-je dit ça ? Ses histoires ne me concernent pas ! » Mais Cari n'allait pas revenir sur sa parole, à présent.

« Merci infiniment !

- Tu n'as pas peur de moi ?

- Non ? Pourquoi le devrais-je ? Tu m'as sauvée, après tout. »

Les deux pokémons se regardèrent un instant, jusqu'à ce qu'Élecsprint ne vienne se coucher près du feu. Elle s'étira et glissa un regard reconnaissant vers Cari.

« Au fait, comment t'appelles-tu ? lui demanda-t-elle.

- Cari, répondit-elle simplement.

- C'est un joli nom, dit-elle. Que fais-tu ici au milieu de nulle part ? »

Cari ne répondit pas tout de suite. Que pouvait-elle lui dire ? Elle ne pouvait pas raconter son passé à qui que ce soit, encore moins à une inconnue. Elle réfléchit un instant, puis prit une légère inspiration.

« J'avais simplement besoin d'être seule, de me vider l'esprit. Il n'y a pas grand-chose à raconter. 

- Oh, d'accord. » Élecsprint n'insista pas, croyant probablement les paroles de Cari - ou ne voulant simplement pas insister. « Bon, il se fait tard et après avoir couru la moitié de la nuit, je suis épuisée. Je te souhaite une bonne nuit, Cari. À demain.

- Bonne nuit. »

Après quelques instants, Cari remarqua que les flancs d'Élecsprint se soulevaient de façon régulière; elle s'était endormie. Cari soupira en se demandant dans quelle histoire elle s'était encore fourrée, mais elle n'allait pas abandonner Élecsprint après lui avoir promis de l'aider. « Et puis, demain, ce sera réglé, et je serai enfin tranquille. » Elle pourrait ensuite retourner à sa vie de solitaire, et cette fois, personne ne viendrait la déranger, elle s'en assurerait.

Elle s'allongea et ferma les yeux. Malgré sa tentative de repousser sa curiosité, celle-ci reprit le pas sur le reste. Son esprit fut submergé de questions. « Qui est cette Élecsprint ? Que faisait-elle dans la forêt ? Et pourquoi ces pokémons l'ont attaquée ? Étaient-ils agressifs de nature, ou bien y avait-il une tout autre raison ? » Ses questions continuèrent de la tourmenter pendant un long moment. Bientôt, Cari fut entraînée dans le sommeil. Elle savait que celui-ci serait aussi désagréable que les précédents, mais elle voulait simplement oublier cette drôle de situation, pour le moment.

Latios & Latias, Le Monde Véritable, Partie IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant