Chapitre III : Les Pions du Pouvoir

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Gabriel Attal fixa l'écran de son téléphone : cinq heures trente. La chaleur réconfortante de la couette l'enveloppait encore, fragile rempart contre le froid glacial qui régnait dans la chambre. À sa gauche, Stéphane dormait paisiblement, les traits de son visage marqués par les premières traces du temps. Une vague de mélancolie submergea Gabriel. Vieillissaient-ils déjà ? Est-ce que la vie se résumait à un enchainement des mornes journéees, où chaque instant se fondait dans le précédent, ne laissant sur son passage qu'une toile délavée ?

Se détachant de la chaleur protectrice du lit, Gabriel posa lentement les pieds sur le sol glacé, chaque mouvement était une résignation amère. Le parquet grinça sous ses pas traînants alors qu'il se dirigeait vers la salle de bain. Sous la douche, l'eau chaude tenta de chasser son épuisement, mais ne fit qu'effleurer la surface de sa lassitude.

Habillé avec soin, une chemise impeccable rentré dans un pentalon parfaitement taillé, le cou ensséré dans une cravate méticuleusement ajustée, Gabriel se sentit déguisé. Ce sentiment, de plus en plus fréquent depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, le plongeait dans un malaise grandissant, comme s'il se noyait dans un costume trop grand pour lui. Il avait ressenti cette première dissonance lorsqu'Emmanuel Macron lui avait annoncé son choix, quelques heures seulement avant que la nouvelle ne devienne publique. À partir de ce moment, tout s'était enchaîné. Non seulement il était tenu à l'écart des décisions cruciales, mais en plus, c'était lui qu'on envoyait sur le terrain, le visage de cette campagne impopulaire. La lassitude et le sentiment de n'être qu'un outil, « le chien de garde de la macronie » comme l'avait surnommé un magazine, s'étaient profondément enracinés en lui.

***

À l'Élysée, la lumière de l'aube s'immisçait doucement à travers les grandes portes-fenêtres, illuminant les vastes corridors du palais. Une inertie singulière assiégeait les lieux, amplifiant chaque pas résonnant sur le marbre du couloir menant au bureau présidentiel.

En entrant, le Premier ministre trouva le président déjà plongé dans une frénésie d'activité. Il incarnait l'énergie même, se mouvant comme un tourbillon hyperactif dans son bureau, contrastant vivement avec la torpeur que Gabriel avait laissée derrière la lourde porte.

- Gabriel ! Tu es enfin là. Ce soir, chez M. Weil, il y a une soirée privée. C'est une belle opportunité. Tu sais à quel point il est influent dans les médias.

Gabriel hocha la tête, devinant les prochaines phases du président.

«Bonjour, non ?»

- Oui, je le sais.

Macron esquissa un sourire fin.

- C'est le moment idéal pour rappeler discrètement ce que nous avons accompli. Les réformes, l'économie... Et surtout, notre vision pour l'avenir. Il marqua une pause, laissant son regard percer Gabriel pour s'assurer que le message passait. Tu vois où je veux en venir ?

Gabriel acquiesça, la pression se faisant plus lourde sur ses épaules déjà fatiguées.

- Je suppose que tu aimerais que je m'assure qu'il reste favorable à notre projet.

Macron afficha un sourire satisfait.

- Tu as toujours su lire entre les lignes, Gabriel. Alain Weil a un rôle clé à jouer. Il serait dommage que notre message ne trouve pas la résonance qu'il mérite. Il faut qu'il comprenne que notre succès est aussi dans son intérêt.

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